Des portes interactives installées dans le métro de São Paulo au Brésil permettent de détecter les réactions des passagers lorsqu’ils regardent des publicités. L’intelligence artificielle est de plus en plus utilisée dans les transports publics, pour un bien ?
Cette initiative devrait ravir les publicitaires et les annonceurs mais elle pourrait bien énerver les voyageurs qui ne souhaitent pas être épiés au saut du lit durant les heures de pointe. Via Quatro, la société qui gère la ligne jaune du métro de São Paulo au Brésil, a installé sur trois de ses neuf stations des portes interactives qui permettent de détecter et d’analyser les réactions des passagers lorsqu’ils regardent les publicités qui leur sont présentées. « Big brother is watching you » ou plutôt « O Grande Irmão está te observando » doivent penser les Paulistas…
Les écrans plats fournis par le géant coréen, LG, ne semblent pas particulièrement innovants de prime abord. Les messages publicitaires et les informations diffusés pour les voyageurs ne sont pas non plus révolutionnaires. La véritable nouveauté de ce projet se cache dans des capteurs invisibles à l’œil nu. Ils peuvent non seulement détecter une présence humaine mais aussi calculer le nombre de personnes qui attendent sur le quai de métro. Le système de reconnaissance faciale permet, lui, d’analyser les réactions des voyageurs qui regardent les annonces. Son logiciel catégorise les émotions du public selon quatre critères : « heureux, mécontent, surpris ou neutre ». Cette technologie permet ainsi de faire une étude approfondie de campagnes auprès d’une partie des 700 000 passagers qui utilisent chaque jour cette ligne de métro. Ce projet suscite toutefois de nombreuses critiques au Brésil…
Une innovation copieusement critiquée
Le groupe Via Quatro a d’ailleurs été très discret autour de cette innovation puisqu’il n’a publié qu’un seul et unique communiqué de presse à son sujet. Ces portes interactives posent de sérieuses questions concernant la protection de la vie privée du grand public. Les Paulistas scrutés par les capteurs ne donnent en effet à aucun moment leur accord pour se transformer en cobayes humains ou, pour le dire moins brutalement, en objets d’étude pour les publicitaires. Interrogé par CityLab, le président de Via Quatro, Harald Zwetkoff, a tenu à préciser que ces écrans intelligents faisaient « partie d’un projet expérimental » auquel participeront pendant un an seulement deux annonceurs, le groupe LG et la société pharmaceutique brésilienne Hypera Pharma. La technologie utilisée dans le métro n’effectue, de surcroît, aucune « identification personnelle des passagers » et elle « n’enregistre rien, ne conserve pas d’images et ne croise pas les données des individus ». George Orwell peut respirer… un peu.
L’intelligence artificielle (IA) est de plus en plus utilisée dans les transports publics. Les « cerveaux virtuels » sont tout particulièrement efficaces dans le secteur de la vidéo surveillance. Plus d’un million de caméras sont opérationnelles en France. La RATP dispose, à elle seule, de plus de 40 000 caméras dont 458 dans la station Châtelet. L’IA permet aujourd’hui d’effectuer un premier tri des images qui sont ensuite envoyées à des contrôleurs « humains ». Mais les nouvelles technologies permettent également de faciliter la vie des voyageurs. Le métro de Shanghai qui compte 367 stations s’est récemment associé avec le géant de l’e-commerce Alibaba pour tester des distributeurs de tickets intelligents. Les passagers pourront ainsi bientôt parler à cette machine pour demander le moyen le plus rapide de se rendre d’un point A à un point B. Un système de reconnaissance facial permettra en outre d’identifier les voyageurs qui auront fourni à la compagnie de transport leur photo pour être reconnu et ne pas perdre de temps à présenter leurs papiers d’identité pour s’acheter un abonnement. Ce projet s’inscrit dans un programme très ambitieux lancé par Pékin. La Chine estime que son marché domestique de l’IA atteindra 150… milliards de dollars dès 2030. Les passagers des transports publics vont donc devoir s’habituer à être scrutés « à l’insu de leur plein gré ».