« Slowtime, impatience, immédiateté : il faudra ménager ces injonctions contradictoires à l’avenir », Anne-Sophie Cruque (Biggie Group)
Anne-Sophie Cruque quittait il y a un an Publicis où pendant plus de 10 ans, elle évoluait dernièrement comme COO de Publicis Media France. Aujourd'hui cette dernière officie en tant que managing partner chez Biggie Group pour structurer, animer et développer ses activités en France. Elle partage son point de vue sur les tendances à venir avec INfluencia.
INfluencia : vous dévoilez les tendances 2025, n’est-ce pas un vœu pieux aujourd’hui, de faire des prévisions tant le terrain est mouvant, incertain ?
Anne-Sophie Cruque : lefutur reste imprévisible et c’est ce qui est excitant d’ailleurs. Mais au-delà des effets de mode et/ou de cycles de notre industrie, il y a finalement un trend sous-estimé qui est l’absolue nécessité de sanctuariser notre expertise, notre intelligence humaine. Prenons deux tendances lourdes :
la complexité grandissante du parcours consommateur, ce que nous appelons le Messy Funnel, n’est pas prête de s’alléger. Aussi, il y aura de plus en plus besoin d’experts encore plus experts pour décrypter et décoder cette complexité.
L’intégration des IA génératives dans nos métiers changent nos usages et démultiplient nos capacités. C’est une vraie révolution culturelle… qui elle aussi revalorise cette intelligence humaine : critique et capable de poser les bonnes questions (prompts), experte pour maîtriser la « machine ».
Et en matière de responsabilité sociétale, les modèles des plateformes par exemple vont nous amener à repenser nos responsabilités collectives. Et la aussi, au-delà des machines, il faudra se poser les bonnes questions et se fixer un cadre de collaboration pérenne et durable.
IN. : quelle est la méthode de Biggie pour travailler sur ces domaines ?
A-S. Cr. : nous laissons beaucoup de place aux initiatives individuelles, à l’esprit entrepreunarial. Et nous avons la chance d’avoir de vraies équipes Dev tournées vers nos besoins. En pratique cela nous donne une agilité très forte et la capacité de développer nos propres solutions avec des cycles très courts : du custom algo en passant par de nouveaux formats dashboards qui embarquent le machine learning et les IA génératives à de nouvelles mesures de performances sur le business de nos clients. La aussi, il s’agit d’un état d’esprit avant tout ! Une envie d’embrasser le changement.
IN. : selon une étude marketing à 10 ans que j’ai reçue récemment, le slowtime, et un mea culpa de Donald Trump concernant son climatoscepticisme face aux catastrophes grandissantes seraient à l’ordre du jour en 2028 quel est votre sentiment ?
A-S. Cr. : nous sommes dans une société pleine de paradoxes… je pense qu’en 2028, sur certaines activités et moments de vie nous chercherons à les vivre plus pleinement, en conscience et que le slowtime sera pertinent… sur d’autres, nous rechercherons toujours plus de vitesse, de services et donc resterons dans une gestion de l’impatience et de l’immédiat.
Pour ce qui concerne la capacité de Donald Trump, j’ai un doute… mais qui sait… il fera peut-être son Mea Culpa à l’instar du Président des US à la fin du film « The day after Tomorrow » qui sé déroulait en 2004…
IN. : qu’est-ce que le messy funnel que vous évoquez en tête de votre étude ?
A-S. Cr. : c’est cette démultiplication des points de contact, des canaux de ventes, des solutions de mesures, des canaux de diffusion… Bref cette démultiplication de la complexité qui renforce la nécessité de bien s’entourer de véritables conseils capables de mettre en perspectives les besoins des marques et les solutions marketing pour y arriver.
IN. : « Renforcer son lien aux clients », cela résonne comme une évidence si l’on se reporte aux années 80 où clients et agences, étaient une question d’entente entre deux personnes (deux patrons annonceur, agence)comme le dit Olivier Altmann dans son interview parue ce mercredi…
A-S. Cr. : à 100% d’accord. Il n’y a pas de bonne relation sans intelligence humaine. La force d’un collectif c’est avant tout cela. Partager des valeurs et une vision commune et avoir l’envie de la déployer ensemble, y compris quand il y a des problèmes.
IN. : Par ailleurs, si l’IA fait beaucoup parler, n’est-elle pas à la traîne, du moins dans nos métiers ?
A-S.Cr. : l’IA est au cœur de nos métiers depuis longtemps… en revanche, les nouvelles formes d’IA, notamment génératives, apportent de nouvelles façons d’opérer nos métiers (notamment en exécutant les tâches les plus répétitives ou « low value », nous permettant ainsi d’être davantage sur le conseil, l’accompagnement et le service. C’est une vraie révolution culturelle, je crois donc qu’il est normal qu’elle prenne le temps de l’humain, le temps juste… mais qu’elle va profondément transformer nos approches. Chez Biggie on suit l’adoption et on accompagne le plus possible chacun avec des « use cases » adaptés au quotidien. Cela doit être concret et serviciel. L’IA n’est pas une fin en soi, mais un moyen pour apporter plus de valeur à chacun.
IN. : vous évoquez l’avenir de la pub télévision. De l’opportunité à saisir sur les replay et rediffusions, ou autres formes mais avez-vous remarqué la mauvaise qualité de l’image de ces insertions publicitaires en replay ? France Télévisions, TF1 en tête…?
A.S. Cr : il peut y avoir des incidents mais ce n’est pas ce que je retiens. Lors d’une de ses conférences de rentrée, le groupe TF1 expliquait la complexité technologique de connecter plus d’une centaine de techs différentes. C’est un vrai challenge ! Aussi, je préfère souligner leurs efforts d’innovation dans les formats par exemple pour être dans le « Game » et proposer des expériences de marque enrichies.
IN. : l’influence se professionnalise, mais ne s’agit-il pas d’une toute petite partie de l’influence sur l’ensemble de la masse de prises de parole ?
A.S. Cr : l’influence marketing est une activité assez peu connue finalement. Opérée par une agence comme Beastly, au sein du groupe Biggie, c’est avant tout un lot d’approches très structurées : une stratégie annuelle, une sélection fine d’influenceurs éligibles et en résonnance avec la marque, de la mesure des performances tant en visibilité qu’en impact sur leur business. De même, les contenus produits par les gros influenceurs sont de plus en plus élaborés et construits et on voit émerger de vrais partenariats avec les marques qui vont plus vers du Brand content que du One Shot tactique de simples placements de produits.
IN. : 2025 est l’année de la santé mentale, ne pensez-vous pas que ce sujet est majeur et fait apparaître la fragilité émotionnelle de tout un chacun, qui se protège de la quantité et de la vitesse de ce qui circule, comme il peut ? Comment y remédier ?
A-S.Cr. : de la pédagogie, du partage et moins de jugement… Probablement aussi, un meilleur encadrement des plateformes et réseaux qui accentuent ces diverses injonctions ou encouragent les mouvements de haine… Au regard des récentes actualités, je ne suis pas sûre que cela aille dans le bon sens. Plus personnellement, ma recette est assez basique : faire ce que j’aime (le plus possible), m’éclater dans l’aventure Biggie, et aller courir régulièrement. 😊
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