INfluencia : Votre coup de cœur ?
Franck Annese : je voudrais parler d’un livre qui pourrait paraître anodin mais qui m’a beaucoup touché. Ça s’appelle « Les vaisseaux du cœur » de Benoîte Groult, qui est une grande féministe des années 70 et qui, en plus, se trouve être l’ancienne belle-mère d’Antoine de Caunes. C’est un petit ouvrage qui ne paye pas de mine, que j’ai lu sans rien en attendre. Et je l’ai adoré, j’ai été très touché par cette histoire d’amour qui se vit en pointillés entre un homme et une femme à travers les années. J’aime bien les livres où j’ai l’impression d’y voir quelque chose de moi et des gens que j’aime. Et c’est valable pour toutes les œuvres. J’avais éprouvé un peu le même sentiment avec « Leurs enfants après eux », le Goncourt de Nicolas Mathieu parce qu’il m’avait rappelé mon enfance et celle de mon petit frère. C’est ça l’universalité de l’écriture : lire un livre et avoir l’impression qu’il raconte un peu notre vie.
Les politiques français : des premiers de la classe tout en surface, sans conviction ni épaisseur.
IN.: Votre coup de colère ?
F.A. : La vie politique française que je trouve très faible. Je n’ai rien contre Gabriel Attal en soi, j’ai déjeuné avec lui il y a quelques années, bon, il n’est pas méchant, mais je ne me suis pas dit que j’étais en face d’un futur Premier ministre. Il y a un manque d’envergure dans la classe politique française aujourd’hui qui me fait un peu peur. Elle n’est pas du tout au niveau de ce que doivent être des femmes et des hommes politiques qui dirigent un pays. Ce sont des gens de communication sans charisme. Des premiers de la classe tout en surface, sans conviction ni épaisseur. Du coup, on a un pays qui flotte, qui n’a aucune ligne directrice idéologique. J’ai vraiment l’impression d’une bande de mollassons dans des costumes trop grands, ça me déprime. Nommer Rachida Dati à la culture, sincèrement… Faut vraiment se moquer du monde… L’avenir politique de ce pays m’inquiète de plus en plus. Déjà à la dernière élection, je ne savais pas pour qui voter et je ne comprends pas qu’on puisse se retrouver dans cette situation. Je ne vois aucune personnalité politique aujourd’hui qui a la stature, les convictions, le background pour diriger un pays. Et cela me met en colère
L’esprit de So Press a toujours été marqué par ce postulat : on sait qu’on va mourir
IN. : La personne ou l’événement qui vous le plus marqué dans votre vie.
F.A. : Comme je n’ai pas le droit de parler de la naissance de ma famille, ni de mes rencontres amoureuses, alors je vous préviens, ça ne va pas être très fun. J’ai été très marqué par le décès de deux personnes jeunes à So Press, qui étaient en bonne santé, talentueuses et qui étaient très importantes pour nous. Ces deux décès m’ont bouleversé. Au-delà de la perte d’amis, cela nous rappelle qu’on peut mourir n’importe quand, ça peut être demain. Et l’esprit de So Press a toujours été marqué par ce postulat : on sait qu’on va mourir. C’est un sentiment qui nous réunit pour beaucoup d’entre nous et qui nous a toujours motivé à créer parce que demain tout peut s’arrêter. Il y a une espèce d’urgence de l’action, qui suit un peu ce que disait Descartes sur ce sentiment d’imminence de la mort qui oblige à agir.
Mieux vaut écrire ses propres chansons plutôt que massacrer celles des autres
IN. : Votre rêve d’enfant
F.A. : Enfant, je voulais être footballeur professionnel, ce qui est assez banal. Le problème, c’est que j’en ai rêvé jusqu’à très tard. C’est là, où on voit que je ne suis pas tout à fait fini… D’ailleurs si Jocelyn Gourvennec (ndlr : l’entraineur du FC Nantes) a besoin d’un libéro un peu technique, qu’il n’hésite pas, je n’ai plus la condition physique pour jouer ailleurs sur le terrain, mais bon, y a encore un petit coup de patte et vu les résultats du FC Nantes, bon… Plus sérieusement, je n’avais pas assez le goût de l’effort à l’époque pour devenir pro, je cédais à la facilité, et physiquement, j’étais vraiment taillé dans une carte postale… Mais finalement, j’ai vécu ce rêve par procuration avec So Foot. Et puis en vrai, est-ce que j’aurais aimé évoluer dans le milieu du foot aujourd’hui ? Je ne suis pas sûr. Je préférais le football avant 2010, c’est vraiment devenu un milieu imbuvable et un peu malsain aujourd’hui.
Sinon, ado, je rêvais de faire de la musique, et j’ai très vite compris que quand on n’est pas un très bon musicien, il vaut mieux écrire ses propres chansons plutôt que massacrer celles des autres. Du coup, j’ai toujours monté des groupes. Le dernier en date s’appelle EMPRS, on a sorti un double album fin 2023 qui s’appelle très modestement « Empereurs ». Si vous n’avez rien de mieux à écouter, n’hésitez pas à poncer Spotify, on a encore un peu de chemin avant d’aller titiller Kanye West…
On faisait remettre à Laurent Lafitte le « César du meilleur Français dans une actrice américaine » …
IN. : Votre plus grande réussite
F.A. : On va éviter de dire So Foot ou Society… Tiens un truc anecdotique mais qui a cartonné : un texte pour la cérémonie des César en 2012, je crois. À une époque j’ai beaucoup écrit de vannes pour Antoine de Caunes (les César ou le Grand Journal) ou pour Thomas Ngijol, etc. On faisait ça avec mon pote Alex, entre deux déjeuners gastronomiques au McDo, c’était assez marrant. Et pour les César 2012, on avait notamment écrit un sketch où on faisait remettre à Laurent Lafitte le « César du meilleur Français dans une actrice américaine »… Le pauvre, il devait énoncer les nominés : « Benjamin Millepied dans Natalie Portman », « Olivier Martinez dans Halle Berry » « François Pinault dans Salma Hayek » … Bon, ce n’est pas très 2024 comme humour… Aujourd’hui, ce serait impossible d’écrire une vanne comme ça, et peut-être que c’est mieux d’ailleurs, mais à l’époque, ça avait cartonné, et jusqu’à il y a deux ans, ça passait dans tous les bêtisiers, et à chaque fois on retouchait des droits d’auteur !
Je suis nul en cuisine, un vrai débile
IN.: Votre plus grand échec
F.A. Ne pas avoir réussi à très bien concilier travail et vie de famille. J’ai vraiment « merdé » dans les grandes largeurs là-dessus, et pourtant, j’avais une femme qui a été assez extraordinaire et sans qui, d’ailleurs, So Press ne serait pas ce que c’est aujourd’hui.
Bon, elle est super sérieuse et limite glauque cette interview non ? On n’a qu’à dire que mon plus grand échec c’est de ne même pas savoir me faire des pâtes… je suis nul en cuisine, un vrai débile. Comme désormais je vis seul, il va bien falloir que je m’y colle. J’ai acheté les livres d’Ottolenghi, comme tous les bobos de mon espèce, mais il faut déjà que je commence par ne plus confondre le sucre et le sel dans les spaghettis…
Je fais un heureux, Haribo. Monsieur Haribo, si tu m’entends, prépare un très beau cercueil pour moi
IN.: Le trait que vous déplorez le plus chez vous ?
F.A. : Pendant très longtemps, ça a été l’addiction au travail que j’ai réussi à soigner… Mais il y a toujours l’addiction au sucre que je combats assez mal, pour le coup. Ce qui est absurde c’est que quand je ne me mange pas de sucre, je me sens beaucoup mieux. La seule chose positive c’est que je fais un heureux, Haribo. Monsieur Haribo, si tu m’entends, prépare un très beau cercueil pour moi, quelque chose d’assez humble, confortable et doux, parce qu’il se peut que j’y reste quelque temps… J’attends tes propositions.
IN.: Qu’est-ce qui vous aide à déstresser?
F.A. : Les femmes qui partagent ma vie. J’ai toujours vécu avec des femmes pour qui ce que je faisais n’était pas si important que ça et qui n’ont jamais été intéressées par l’argent ou la réussite. Du coup, elles ont toujours eu beaucoup de recul par rapport à mes activités ; elles ont toujours su m’aider à relativiser, et aussi, du même coup, à prendre les bonnes décisions. Comme je ne suis moi-même pas très intéressé par l’argent ou les symboles de réussite, ça tombe plutôt bien. Et puis bon, on ne sauve pas des vies, ça reste très ludique tout ce qu’on fait. Si demain So Press s’arrête, qu’est-ce qui se passe ? Bah rien. Il ne se passe rien, le monde continuera de tourner et c’est très bien comme ça.
Je dois avoir 15 000 photos dans mon téléphone et je peux passer des heures à les regarder…
IN.: Quel objet emporteriez-vous sur une ile déserte?
F.A. : L’objet dont j’aurais du mal à me passer, ça vous paraître super triste, c’est mon téléphone. Mais pas pour des raisons de téléphonie ou de réseaux sociaux, car ça, je m’en moque totalement, mais parce que dans mon téléphone, je dois avoir 15 000 photos et que je peux passer des heures à les regarder… C’est peut-être un peu nostalgique, mais j’aime l’idée de créer des souvenirs, que ma vie soit une grande aventure qui ne s’arrête jamais et soit toujours un peu plus folle. Même les photos que je fais à l’argentique, je les développe puis je les prends en photo avec mon portable pour les avoir toujours avec moi… Je sais c’est débile, mais bon, ma vie est un peu débile en un sens…
* Franck. Annese est le fondateur (et détient 58%) de So Press, une petite PME familiale (25 millions environ de CA) qui fête ses 20 ans : 11 magazines (So Foot, So Film, Society…), deux maisons de production de publicité, une maison de production de longs-métrages et documentaires, une société de conseil en stratégie éditoriale, un atelier de fabrication de décors, un label de disques, une salle de concert à Paris, Le Trabendo.
**l’Hôtel Littéraire Le Swann, situé au cœur du quartier historiquement proustien de la plaine Monceau et de Saint- Augustin, présente une collection d’œuvres originales sur l’écrivain ainsi que des pièces de haute couture, des photographies, des tableaux, des sculptures. Notre interviewé(e) pose à côté d’une sculpture de Pascale Loisel représentant bien sûr l’auteur d’ « À la recherche du temps perdu »
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L’actualité de Franck Annese
- De nouveaux films produits par les deux sociétés de production de publicité Sovage et Allso vont sortir prochainement
- Il va développer le deuxième long métrage de Sophie Lévy, qui est en écriture. Le groupe avait produit son premier film « Méduse » qui est sorti en octobre 2022
- le premier album de EMPRS est sorti en octobre 2023. (Un deuxième pourrait suivre). Des dates de concert vont être publiées