9 février 2024

Temps de lecture : 6 min

Pascal Grégoire : « Apprendre à vivre avec les autres a certainement façonné ma vie »

Devinez quelle question le publicitaire et romancier Pascal Grégoire n'aimerait pas qu'on lui pose... Il répond au « Questionnaire d’INfluencia », autour d’une madeleine et d’un thé, au sein de l’hôtel Swann** – Proust oblige bien sûr –
INfluencia : Votre coup de cœur ?

Pascal Grégoire : j’ai droit à 3 coups de cœur ? Oui, je sais, j’exagère. Mais je voudrais à tout prix parler d’un livre, d’un film et d’un acte de courage !

Le livre : « Les naufragés du Wager » de l’Américain David Graan. Je ne lis jamais de roman d’aventure et je préfère la littérature du réel.  Mais là, c’est aussi et même surtout un roman de journaliste. D’ailleurs il dit quelque chose d’assez drôle : « Je suis un écrivain qui écrit des histoires vraies ». Il nous raconte l’incroyable épopée du Wager en 1740. Ce navire marchand transformé en navire de guerre par l’empire britannique est chargé de ramener la cargaison en or d’un navire espagnol. Il échoue sur les côtes de la Patagonie, juste après le passage du Cap Horn. David Graan a travaillé pendant… 7 ans et mené une enquête minutieuse : journaux de bord, correspondances, journaux personnels, dépositions devant la cour martiale navale, rapports de l’Amirauté, articles de presse, etc. pour nous faire vivre cet incroyable voyage et nous faire partager la vie des marins : la misère, les tempêtes, le typhus, les enterrements par-dessus bord, le scorbut, le naufrage, les mutineries… Quelques marins seulement survivent, reviennent à Londres. Ils sont jugés devant la cour martiale et ils inventent des récits pour sauver leurs peaux ! Et c’est là où le roman prend une dimension passionnante, on passe d’un roman d’aventure à un roman historique qui cumule avec une vraie pensée sur ce qu’est un récit. Selon David Graan, l’exactitude des faits sont les fondamentaux de notre société. Et c’est assez drôle de comprendre que les fake news ne sont pas récentes…

Le film est « Perfect days » de Wim Wenders, que j’adore et dont j’ai vu toute l’oeuvre. C’est l’histoire d’un homme au Japon dont le métier est… de nettoyer les WC. C’est un peu hypnotique, hyper poétique et d’une élégance absolument invraisemblable. Un peu de lenteur dans notre monde où tout va trop vite, cela fait beaucoup de bien.

L’acte de courage vient d’Aurélien Rousseau qui, au milieu d’une tempête médiatique, a démissionné lors de l’adoption de la loi sur l’immigration. J’ai travaillé avec lui lorsqu’il était président de la Monnaie de Paris, et j’avais beaucoup apprécié cet homme profondément humain. Dans le marasme politique dans lequel nous sommes, où le cynisme règne, j’ai trouvé que cet acte fait du bien et qu’Aurélien Rousseau montre l’exemple. Pas de compromis. Les valeurs avant un poste ministériel !

          Je suis vraiment énervé par les râleurs en tous genres.

IN : Et votre coup de colère ?

P.G. : ce qui se passe autour des Jeux Olympiques me met vraiment en colère. Les JO sont pour nous une occasion rêvée pour montrer la France sous son meilleur jour, or nous passons notre temps à critiquer la mascotte, à dire que cela ne va pas marcher, que la cérémonie d’ouverture va être une catastrophe, que les billets sont chers (ce qui n’est pas faux d’ailleurs), que la sécurité va être défaillante… ! Je suis vraiment énervé par les râleurs en tous genres.  Nous, Français, sommes les champions du monde du « râlage ». Mais nous avons tellement de problèmes, la vie est tellement difficile pour des millions de Français, c’est le moment de saisir la chance d’accueillir les Jeux pour se retrouver, se rassembler, pour donner un nouvel élan, un peu d’espoir et un peu de plaisir.

Nous devrions suivre l’exemple des Anglais qui ont vraiment tous participé au succès des Jeux de 2012… N’oublions pas en plus que le tourisme est très important pour nous, alors, ces JO, c’est la meilleure campagne de pub que la France peut s’offrir.

                 Je suis un trauma des accidents de la route

IN.: la personne ou l’événement qui vous a le plus marqué dans votre vie ?

P.G. : C’est un événement très triste. Quand j’avais 14 ans, j’ai perdu mon frère qui a été victime d’un accident de voiture à l’âge de 20 ans. Ce drame a façonné ma vie en lui donnant toujours cette conscience de la fragilité de l’existence et en même temps toute sa substance. Deux ans plus tard, ma mère perdait également son frère. Mes enfants me disent « Papa, tu es un  trauma des accidents de la route« . Et c’est vrai, si mon téléphone sonne tard le soir je m’attends au pire. Et j’ai transmis ce stress à mon entourage. C’est pourquoi j’ai aimé faire toutes les campagnes de publicité pour la Sécurité routière quand j’étais à La Chose… En gros, c’est un Français sur deux qui est touché.

D’ailleurs, j’ai détesté la dernière mesure du gouvernement de ne plus enlever de points et de donner seulement des amendes pour les petits excès de vitesse. Cela va inciter les gens à se relâcher. Pourtant, oui, les accidents se jouent à 5 kms près. C’est du populisme et pour moi c’est irresponsable.

         Mon rêve était de devenir Tony Parker

IN.: Votre rêve d‘enfant? Si c’était à refaire ?

P.G. : Mon rêve d’enfant était d’être une star de basket et de devenir Tony Parker. Mon père était directeur d’école et avait fondé un club. Il était vraiment habité par ce sport. Nous avons gagné tous les tournois et avons même été champions de Lorraine ! Mais je n’avais pas la taille pour aller plus loin… cela reste un regret total ! Mais la leçon de tout cela est le fait d’apprendre à vivre avec les autres, cela a certainement façonné ma vie. Je ne suis pas quelqu’un qui peut fonctionner seul, j’ai besoin des autres pour avancer.

Pour le reste si c’était à refaire, j’essaierais de manger plus de soupe pour être plus grand (rires). Plus sérieusement, je referais tout pareil.  Je n’aime pas m’apitoyer sur le passé, j’ai eu de la chance d’avoir une vie pleine de rencontres, d’aventures…

         Construire une vie c’est d’abord la construire avec les autres

IN.:  votre plus grande réussite

P.G. : je ne crois pas aux grandes réussites. Je pense que les défaites, les réussites ont peu d’importance. Cela rejoint ce que je disais sur le collectif. Construire une vie c’est d’abord la construire avec les autres, c’est la seule chose qui compte, que ce soit la famille, les collègues et les amis. Les hauts et les bas s’estompent. Ce qui reste, ce sont les relations qui durent dans le temps, qui nous accompagnent pour toujours. Et je trouve que c’est encore plus important dans l’époque où nous vivons. Ma plus grande réussite est certainement d’avoir aidé un maximum de personnes et de leur être fidèles. J’aime bien le mentorat, aider les jeunes. Même maintenant, j’aide des éditeurs, des auteurs, des jeunes créatifs avec mon collectif…

IN.: et votre plus grand échec dans la vie ?

P.G. : Je n’ai jamais réussi à faire un nœud de cravate… J’ai compris assez récemment que j’étais dyspraxique !

      Vieillir, c’est vivre et rien de moins

IN.: vieillir est-ce une chance ?

P.G. : C’est une belle question. Oui je le crois vraiment. C’est le sujet en partie de mon prochain roman, (ndlr « L’apogée ») où le héros s’interroge lors de son passage à la soixantaine. C’est un vrai moment de bascule, une vie nouvelle démarre. Il faut penser à la vieillesse mais il faut surtout penser à la vie. Simone De Beauvoir disait : « vivre c’est vieillir, rien de plus« . Moi, j’inverse les deux verbes : vieillir, c’est vivre et rien de moins. Il faut inventer, continuer à faire, à créer. Si on a la chance de ne pas avoir un travail pénible, il faut éviter de prendre sa retraite. Moi je continue, je vis encore plus l’instant présent, j’écris des livres, je refais même un peu de pub, j’aide des jeunes… J’aime beaucoup la phrase de l’écrivain Jean Paul Dubois qui nous rappelle que nous sommes propriétaires de notre vie et pas locataires. Alors pas question de laisser la maison tomber en ruines !

IN.: La question que vous n’aimeriez pas qu’on vous pose ?

P.G. : « combien tu pèses » ? Question à laquelle je n’ai jamais répondu à ma femme depuis 30 ans ! (Rires)

IN.: Quel personnage de roman emmèneriez-vous sur une île déserte ?

P.G. : J’adore cette idée. J’emmènerais bien sûr des spécialistes de l’évasion, mais surtout des personnages haut en couleurs avec qui je ne m’ennuierais pas. Le Comte de Monte Cristo ou Jean Valjean !

 

* l’Hôtel Littéraire Le Swann, situé au cœur du quartier historiquement proustien de la plaine Monceau et de Saint- Augustin, présente une collection d’œuvres originales sur l’écrivain ainsi que des pièces de haute couture, des photographies, des tableaux, des sculptures. Notre interviewé(e) pose à côté d’une sculpture de Pascale Loisel représentant bien sûr l’auteur d’ « À la recherche du temps perdu »

 

 

 

 

 

En savoir plus

L’actualité de Pascal Grégoire

  • Son troisième livre « L’Apogée » est sorti le 9 février (chez Novice)
  • Côté pub : il a publié également avec Tanguy Demange « En Haut de l’affiche », un livre hommage à la création publicitaire, au Cherche Midi.
  • Il a créé une maison d’édition Novice qui vient de lancer la cinquième édition du prix du roman non publié , une maison de production de Podcats SAGAS sounds, une plateforme de contenus vidéos MEMORABLE, une agence de publicité: la maison créative JUSTEMENT, un restaurant itinérant et locavore « LES VENTRUS« 
  • Il réfléchit à travailler sur une enquête sur un fait divers survenu dans son village

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