Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse, écrivait Alfred de Musset. Dans le retail, ce dicton a souvent été la règle. Pendant des décennies, les distributeurs se sont peu préoccupés de leur empreinte environnementale. Pour coller aux tendances du moment, de nombreuses enseignes commencent à proposer des produits plus respectueux de l’environnement et du bien-être animal. Légumes bio, disparition des emballages plastiques, location de vêtements, corner pour les articles d’occasion, vente en vrac… Les distributeurs ne ménagent pas leurs efforts pour « verdir » leur image. Ces initiatives louables ne sont toutefois pas suffisantes pour réduire à néant l’empreinte carbone des grandes surfaces. Vendre des tomates bios c’est bien mais si ces dernières ont été transportées dans des poids-lourds polluants avant d’être exposées dans une boutique énergivore équipées de mobilier en plastique assemblés en Asie, l’impact de ce fruit reste énorme. Foutu flacon…
Des codes du luxe dans les rayons
La coopérative de supérettes de montagne Sherpa a tenté de résoudre ce problème en faisant appel à l’agence Faire et à son designer Jean Baptiste Auvray qui ont travaillé avec de nombreuses marques de luxe comme Boucheron, Cartier, Chanel, Montblanc, Vacheron Constantin et Van Cleef & Arpels. Le tout nouveau concept de cette enseigne fondée en 1988, qui compte aujourd’hui 120 points de vente dans les stations de ski des Alpes, du Jura et des Pyrénées, a pour particularité de n’utiliser aucune matière plastique ni sur les mobiliers, ni sur l’architecture intérieure.L’absence de stratifié et d’adhésif vinyle sur les façades de ce magasin de 400 m2 situé à Tignes Val Claret est déjà symbolique.Le mobilier en partie modulable dans les rayons a, quant à lui, étéréalisé par des artisans de la région à partir de matériaux régionauxcomme le mélèze et leurs revêtements sont à base de chanvre. Cette année, la coopérative prévoit d’inaugurer deux autres boutiques témoins avec le même concept. Sherpa s’inscrit dans un mouvement qui commence à prendre de l’ampleur dans le retail.
Amsterdam a montré la voie
En février 2018, le supermarché Ekoplaza à Amsterdam a testé le tout premier pop-up store sans plastique. Un rayon entier proposant une gamme de 680 produits allant de la viande au riz en passant par les sauces, les yaourts, le chocolat, le fromage, les fruits et les légumesont été commercialisés dans des packagings composés de matériaux bio-sourcés, recyclés et totalement biodégradables ou réutilisables.
En 2019, un commerçant de Christchurch en Nouvelle-Zélande a été encore plus loin en bannissant les emballages de ses fruits et légumes. Baptisée « Food in the nude », cette opération lui a permis d’enregistrer une hausse de ses ventes de… 300% sur certains de ses produits.
Des panneaux solaires sur les toits
Pour réduire leur empreinte énergétique, les propriétaires de grandes surfaces ne ménagent pas non plus leurs efforts. En 2015, Migros a inauguré à Zuzwil au nord-est de la Suisse le premier supermarché à énergie « positive » de la Confédération. Ses panneaux solaires installés sur le toit produisent 113% de l’énergie nécessaire au fonctionnement de ce point de vente de 995 m2. Ce surplus de 28.100 kWk/an est réinjecté dans le réseau électrique du pays. Lidl a suivi ce modèle avec son supermarché de Fenouillet en Haute-Garonne qui est équipé de 1900 m2 de panneaux photovoltaïques sur le toit du bâtiment et les ombrières du parking.
Vive les péniches
Concernant l’acheminement de leurs marchandises, certains groupes font appel au transport fluvial. A Paris, un véhicule sur cinq circule pour livrer des colis. Le transport de marchandises représente près de la moitié de la consommation de diesel et un quart des émissions de gaz à effet de serre dans la capitale. Les poids-lourds et les camionnettes électriques, qui sont de plus en plus nombreux dans nos rues, permettent de réduire cet impact. Ces initiatives doivent en appeler d’autres car beaucoup reste à faire. L’essor de l’e-commerce et de la livraison à domicile rend ce sujet encore plus urgent. Toutes les actions qui commencent à apparaître ici ou là montrent toutefois que de nombreuses enseignes ont pris conscience qu’elles devaient agir sans tarder. Mieux vaut tard que jamais…