Pour créer l’évènement autour de son dernier album qui servait de conclusion à la trilogie JVLIVS entamée en 2015, le rappeur originaire de Marseille est passé derrière les fourneaux pour nous mijoter une série d’activations aussi audacieuse que cohérente avec la couleur du projet.
L’époque où les projets musicaux se vendaient par palette de douze est révolue depuis un moment. Dans un environnement culturel saturé de messages, une approche stratégique inventive et omnicanal, le marketing musical est devenu indispensable aux artistes pour faire parler de leurs projets et capter l’attention du consommateur. Les rappeurs, qui se retrouvent bien souvent à l’avant-garde de la pop culture en étant les plus écoutés par les jeunes, l’ont compris depuis un moment : pour séduire une génération rompue aux logiques commerciales et publicitaires… aiguiser sa plume ne suffit plus.
Les exemples ne manquent pas mais nous sommes obligés de citer le cas d’école qu’est PNL. La rareté du duo formé par Ademo et N.O.S dans le paysage médiatique conjuguée à ses collaborations bien senties à chaque sortie d’album… et à la qualité de sa musique et de ses visuels, lui a permis de développer une relation exclusive et affective avec ses fans tout en réussissant l’exploit – en 2024 – d’entretenir une aura quasi mystique que beaucoup lui envie. Jul, qui s’est imposé comme le plus gros vendeur de disques de l’histoire du rap français, n’est pas en reste.
Nous avions évoqué en long en large et en travers sa collaboration rafraîchissante – sans mauvais jeu de mot – avec Oasis pour laquelle il avait créé une chanson à la fois raccord avec son ADN et parfaitement au service des intérêts commerciaux de la marque… jusqu’au point de remporter un disque d’or – on vous laisse consulter l’interview de Benjamin Taïeb, Managing director chez Marcel et Fanny Comau, head of marketing chez Oasis pour en savoir plus –.
Le « S » en état de grâce
En 2024, le marketing et la com au service l’industrie musicale sont plus que jamais une affaire de pif et de prise de risque. Un autre poids lourd du rap français est revenu tout récemment sur le devant de la scène pour nous le prouver avec force. SCH, très apprécié des auditeurs depuis 2015 et la sortie de la mixtape A7 qui l’a vu naître, dévoilait son dernier album JVLIVS – Prequel : Giulio le 31 mai dernier. Le troisième opus d’une trilogie démarrée en 2018 avec l’album JVLIVS et poursuivie trois ans plus tard avec sa suite JVLIVS 2. Et comme souvent avec le « S » – pour ses nombreux intimes –, le rappeur a su créer l’évènement avec une série d’activations sur tous les fronts pour faire monter doucement la sauce jusqu’à la sortie officielle du projet. Quand la qualité musicale est également au rendez-vous, ça ne peut être que la recette d’un futur classique.
Le storytelling développé autour de cet album préquel commence – judicieusement – par l’envoi d’un faire-part à certains ultras fans ainsi qu’à plusieurs médias, influenceurs et artistes préalablement identifiés pour annoncer la naissance de Giulio, le personnage incarné par le rappeur. SCH prend ensuite officiellement la parole pour la première fois en postant une invitation au baptême de son alter ego qui n’est autre que le titre de l’intro instrumentale du projet.
?Quelque chose se prépare autour de SCH
Nous avons reçu à la rédaction un faire-part de naissance d’un certain Giulio né le 6 avril 1993 à Marseille ? pic.twitter.com/mP2u0uCLmw
Le 23 avril suivant, l’album est officiellement annoncé via un trailer tiré du court-métrage de 19 minutes qui accompagnera la sortie de l’album. La vidéo met en scène un SCH rajeuni et sans tatouage pour révéler la nature du projet : un préquel de l’univers JVLIVS. Quelques jours plus tard, les quatre covers de l’édition physique, illustrant les quatre dates de la vie du personnage mises en image dans le prequel – 1993, 2012, 2016 et 2018 –, le packaging d’une édition « cinéma » collector dans un format DVD, pour appuyer le côté rétro, ainsi qu’un pack collector contenant dix photos exclusives prises sur le tournage du court-métrage sont présentés au public.
Le 7 mai, une activation insolite, en partenariat avec le site internet Marmiton, est dévoilée. Elle consiste en la publication sur le site de la recette des cannelloni décrite dans l’un des interludes de l’album. SCH est très vite identifié par son tatouage que l’on retrouve sur la photo associée à la recette et l’info est reprise sur Konbini, Booska-P ou encore France Info et BFM. Le tout sert de pre-teasing au 1er single du projet et à l’ouverture du restaurant éphémère qui sera l’une des pièces maîtresses de toute la stratégie.
La recette de cannelloni est annoncée en bonne et due forme avec une fausse pub pour un restaurant s’appelant « Giulio » et diffusée en télé avant le match Atalanta-Marseille – rien d’anodin pour le rappeur originaire de la cité phocéenne qui est particulièrement apprécié sur ses terres –. Le spot pose également la première pierre du récit autour du concept du restaurant mafieux qui est développé dans l’album et dans le fameux court-métrage à venir que nous avons évoqué un peu plus haut.
Pour mettre un premier pied dans notre réalité, Giulio… SCH, on ne sait plus, dévoile ensuite un audio dans lequel on entend le narrateur de l’album annoncer que des livraisons vont s’effectuer au restaurant éponyme. Un URL renvoie ensuite sur une map contenant 50 localisations en France et en Belgique. S’y trouvent 50 cagettes à double fond avec des écouteurs sans fil, du merch exclusif ainsi qu’une fausse facture avec des informations permettant d’accéder en exclusivité aux morceaux Cannelloni et La Recette.
Le clip du morceau Cannelloni est uploadé le 16 mai et SCH annonce dans la foulée l’ouverture de son restaurant éphémère pendant 5 jours dans le quartier de la Bastille à Paris. L’idée était de faire écouter l’album en avant-première aux fans tout en leur faisant goûter les fameux cannelloni de l’album. Résultat, l’opération cartonne avec plus de 3 300 réservations sur les quatre jours d’exploitation. À la sortie du projet, Uber Eats permettra à ses clients de commander un bundle qui comprenait les cannelloni accompagnés d’un vinyle. En guise de dessert, le court métrage réalisé par Kevin Hilem est mis en ligne 6h avant la sortie de Giulio pour apporter encore un peu plus de clarté au storytelling mis en place depuis des mois.
En bref, un récit médiatique cohérent qui a mélangé à merveille la fiction à la réalité en reprenant les concepts développés par l’artiste lui-même dans son projet tout en prenant le contre-pied de ce qui se fait aujourd’hui dans la musique en réempruntant des canaux plus traditionnels. Même pour un artiste aussi apprécié du public et des critiques, bien gérer son image et sa stratégie de sortie resteront toujours essentiel. La guerre de l’attention fait rage et pour se frayer un chemin dans les playlists des auditeurs, mieux vaut occuper tout l’espace médiatique.
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