Rendre hommage à son concurrent dans un film de 2 minutes, est-ce finalement gonflé ? Depuis un an le mash-up publicitaire prouve que quand les marques adversaires se tendent la main au lieu de se la tordre, le consommateur peut accrocher. Le succès viral du spot d’Airbus en apporte une preuve supplémentaire mais différente.
« Ces publicités plaisent car elles sont innovantes et dans l’air du temps, en osmose avec tout ce qui tourne autour de l’économie collaborative. Et les digi-natives y sont encore plus sensibles parce qu’ils sont habitués aux codes du brand content et donc ouverts aux possibles ponts entre les marques « . Mais de quoi parlait donc Hugues Cazenave, CEO d’OpinionWay, dans INfluencia en décembre 2015 ? D’une nouvelle tendance publicitaire, le mash-up. Quelques semaines plus tôt, la campagne McWhooper de Burger King réalisait un carton viral. En rendant un hommage officiellement sincère à la longévité de son concurrent Boeing, Airbus s’inspire du mash-up mais sans en copier les codes.
Publiée mardi 12 juillet sur les médias sociaux, dont Facebook, Twitter, YouTube et Weibo, la vidéo (voir ci-dessous) de deux minutes a donc émergé organiquement sur la Toile, par le bouche à oreille. En 48 heures le spot réalisé par la boîte de production française, Master Films, avait déjà été vu par plus de deux millions de personnes juste sur Facebook : autant dire que la stratégie volontaire du géant européen de l’aéronautique de ne pas promouvoir lui-même sa campagne, afin de maintenir un effet de surprise, était donc la bonne.
Alors que Boeing souffle cet été ses 100 bougies, il s’agissait pour Airbus de « profiter de l’attention portée sur cet anniversaire pour se positionner avec altruisme et humour comme une société innovante, globale, avant-gardiste et diverse », résume dans un communiqué Clay McConnell, directeur de communication d’Airbus Group Inc, la filiale américaine du constructeur de Blagnac. Sur le papier l’intention est évidente et louable, sur l’écran en revanche le résultat l’est moins. Pour donner une image courtoise et renforcer sa position de concurrent innovant féroce mais fairplay, le film est réussi. Pour l’humour et l’avant-gardisme, la production rate son effet.
Boeing manque sa réplique sur Twitter
Tourné le mois dernier dans dix pays différents pour un « très bas budget », précise Airbus, le spot de cent-vingt secondes met en scène 36 employés qui, en anglais, rendent hommage à Boeing par un seul mot : félicitations. Après avoir rappelé l’exceptionnelle longévité de son concurrent et l’intense compétition que se livrent les deux leaders mondiaux, les salariés d’Airbus se demandent : « Que pouvons-nous dire à notre adversaire alors qu’il fête avec fierté ses 100 ans d’existence ? « . La réponses est alors « évidente, au nom des 150 000 employés du groupe ». Après un suspens d’une dizaine de secondes, la musique hitchcockienne devient gnangnan et chacun y va de ses félicitations dans sa propre langue.
Peu inspirée et sans le moindre humour, la réponse du Boeing sur Twitter ferait même bailler un expert-comptable : « Merci à Airbus pour son superbe hommage. Voilà donc le prochain siècle de concurrence saine et d’accomplissement industriel « . L’ogre de Seattle n’a visiblement pas cerné la subtilité marketing du spot de son concurrent et choisit le premier degré, ratant une belle occasion de se donner une image plus sympathique et moins formelle.