La stratégie RSE de la division “Santé Grand Public” du géant pharmaceutique, qui regroupe des produits délivrés sans ordonnance comme Doliprane, Dulcolax, Buscopan ou Phytoxil, repose sur deux piliers : la planète et la société. Mais jusqu’à présent, “personne n’a parlé de la manière dont l’achat média peut jouer un rôle dans la réalisation de ces objectifs,” explique Prasad Shridhar Ghag.
Celui-ci est pourtant convaincu qu’il peut, à son échelle, apporter sa pierre à l’édifice, en particulier par la réduction de l’empreinte carbone de l’achat média. Mais pas uniquement.
“Nous avons créé une stratégie parallèle, toujours basée sur les deux piliers que sont la création d’une société et d’une planète en meilleure santé. Dans ce cadre, nous avons défini cinq sous-piliers”, explique-t-il.
Eliminer l’’ad fatigue”
Le premier pilier est l’élimination de l’”ad fatigue”, qui se matérialise notamment par l’usage des adblockers. Pour les annonceurs, lutter contre la lassitude des consommateurs vis-à-vis de la publicité se traduit notamment par un contrôle plus fin de la pression publicitaire à travers les différentes plateformes digitales.
“Nous essayons de trouver une solution à l’échelle de tout le secteur, avec la World Federation of Advertisers,” précise-t-il, avant d’ajouter que deux marchés sont aujourd’hui plus avancés que les autres sur ce sujet du contrôle de la surexposition : le Royaume-Uni avec l’action de l’ISBA [Incorporated Society of British Advertisers] et les États-Unis avec l’ANA [Association of National Advertisers], les équivalents locaux de l’UDM en France.
Privacy, DE&I, Brand Safety…
Les piliers suivants concernent le respect de la vie privée des consommateurs, la diversité, l’égalité et l’inclusion (DE&I), la brand safety et la décarbonation de l’achat média digital. En matière de brand safety, Sanofi est notamment impliqué dans l’initiative GARM (Global alliance for Responsible Media) de la WFA, qui vise à lutter contre la diffusion de contenus dangereux et inappropriés sur les plateformes et media digitaux, et leur monétisation via la publicité.
Sur le sujet de la diversité, Shridhar Ghag précise qu’”il y a beaucoup de travail sur ce sujet du point de vue de la création et du contenu, mais nous envisageons aussi le DE&I sous l’angle de l’achat média, avec des indicateurs dédiés”.
Finalement, c’est surtout sur les enjeux de décarbonation de l’achat média qu’il choisit de s’attarder, un sujet loin d’être anecdotique selon les calculs du groupe.
1,5M d’impressions = 1 Londres-New York
“Nous avons donc fait appel à de nombreuses agences et spécialistes du sujet pour comprendre l’ampleur du défi. La première constatation est que la publicité ajoute 32 % à l’empreinte carbone d’un consommateur moyen. Le travail que nous effectuons en tant que publicitaires est donc responsable d’un tiers de l’empreinte carbone du consommateur !”
Il donne alors un élément de comparaison plus tangible : “Si vous prenez un vol Londres-New York et que vous calculez l’empreinte moyenne de chaque passager sur ce vol, vous obtenez environ une tonne. Si on traduit ça en termes d’achat média, ça équivaut à 1,5 million d’impressions. Je suis sûr que, comme moi, vous savez tous combien de milliards d’impressions nous produisons chaque année…”
Face à ce constat, les équipes média de Sanofi se sont attelées à un premier défi : mesurer l’empreinte de leurs campagnes. “Nous nous sommes dit : lorsque nous connaîtrons notre empreinte carbone, nous commencerons à optimiser nos médias, en prenant les décisions qui permettront de réduire l’empreinte carbone.” À l’issue de ces efforts, les émissions résiduelles ont vocation à être compensées via des projets “verts”.
Pour établir le bilan carbone de ses campagnes, Sanofi s’appuie sur différents partenaires – dont Scope3 et Cedara. “La bonne nouvelle, c’est qu’en mesurant cette empreinte carbone, nous avons aussi obtenu des informations qui nous ont permis de commencer à réduire notre empreinte carbone,” explique Shridhar Ghag.
4 leviers pour réduire l’empreinte carbone
Parmi les leviers identifiés : l’intensité carbone des sites où sont diffusées les campagnes, la chasse aux sites “Made-For-Advertising”, l’optimisation des formats des créations et l’optimisation de la chaîne de valeur programmatique. Par exemple, en travaillant sur le premier sujet, Shridhar Ghag estime pouvoir réduire les émissions de ses campagnes de 20%.
Ce chiffre grimpe à 26% en agissant sur les sites “Made-For-Advertising”, ces « fermes à contenus » qui empilent les bannières et les vidéos publicitaires pour maximiser les revenus, au détriment des internautes et des annonceurs. Sur ce point, “nous avons commencé avec une liste d’exclusion. Mais vous avez beau les couper, ces sites continuent à se développer. Nous sommes donc passés à une autre stratégie, celle de la liste d’inclusion. Mais dans ce cas aussi, ces sites sont vraiment malins… Nous essayons donc d’optimiser la liste sur une base quotidienne ou hebdomadaire”.
Pour la suite, Sanofi réfléchit à d’autres leviers d’optimisation, comme la prise en compte du mix énergétique de chaque marché, pour identifier les moments où celui-ci est le moins carboné, afin de diffuser ses campagnes uniquement sur ces plages horaires. Néanmoins, le Global Head Media Digital & Strategic Planning du groupe pharmaceutique a conscience que ses efforts ne sont qu’une goutte d’eau et que les choses ne changeront réellement que lorsque tous les annonceurs auront saisi l’importance des enjeux.
Pour cela, il a un argument qui devrait faire mouche : “non seulement nous avons pu atteindre nos objectifs en matière de réduction de notre empreinte carbone, mais cette démarche a également rendu nos campagnes plus efficaces !”