Sacha Goldberger : le photographe des grands projets
Des portraits magistraux de « Super Flemish », aux « Compagnons Renaissance », en passant par « Portraits Croisés ». Des mises en scène cinématographiques, « Hitchcock as a feminist », à « Secret Eden », « Alien love », ou encore « 770 : Lubavitchs of Brooklyn »... Sacha Goldbergerne cesse de réinventer sa palette inspirée par l'histoire de l'Art et le cinéma... Et puis toujours, dans un coin de sa tête, les incroyables aventures de Mamika sa grand-mère, dont il espère bien, après lui avoir consacré plusieurs ouvrages loufoques et tendres, en faire une héroïne de cinéma...
INfluencia : au démarrage de votre carrière, vous êtes directeur artistique chez CLM, vous rêvez de rejoindre Gilbert Scher chez Enjoy Scher Lafarge, vous avez alors une idée un peu folle, celle d’envoyer votre grand-mère Mamika porter votre book à l’agence…
Sacha Goldberger : oui, mais je ne l’ai pas fait finalement. C’était le début de notre vie commune avec ma grand-mère, et je ne savais pas encore comment allait tourner notre histoire. En revanche, Gilbert Scher m’a engagé quand même, et lorsque je lui ai raconté mon idée, il m’a confirmé qu’il m’aurait immédiatement engagé.
IN. : comment naît l’idée de « faire travailler » Mamika ?
S.G. : en fait, je m’étais juré qu’elle n’irait jamais dans une maison de retraite, elle avait à l’époque 85 ans, et commençait à perdre un peu la mémoire. Ma mère n’était pas vraiment d’accord pour qu’elle reste seule, alors je me suis mis à travailler chez elle avec mon équipe. Et puis en discutant avec Marco de la Fuente de ce projet de « site Ashkenaze » autour de ma grand-mère, il m’a conforté dans le fait que le projet était bon et beau, humainement. J’ai commencé à poster des photos d’elle sur son Myspace, et nous nous sommes très vite aperçus que les gens sur-réagissaient. Il faut dire qu’à l’époque, au niveau de l’imagerie de la vieillesse, dans la publicité notamment, c’était consternant et sordide, donc découvrir une grand-mère décalée et rigolotte était totalement improbable et très frais pour le coup.
IN. : cela fait trois ans que votre grand-mère est décédée, vous avez entre temps eu deux enfants, vous voici en province proche de Paris, fini l’appartement bizarroïde à Neuilly ?
S.G. : oui je l’ai vendu et pour le même prix, j’ai maintenant une maison quatre fois plus spacieuse à 30 minutes de Paris, une bulle, idéal pour une famille, et une décision qui est venue avec le Covid, après je ne vous cache pas que je suis presque tous les jours à Paris pour le travail.
IN. : il semblerait que votre vie s’organise différemment aujourd’hui, même si vous travaillez toujours « en meute ». Vous annoncez la création d’un studio, notamment…
S.G. : oui c’est une manière de « me poser » autrement, plus professionnellement, disons. Je travaille avec les mêmes équipes de techniciens depuis toujours, entre 30 et 120 personnes selon les projets.
IN. : pouvez-vous rappeler quelques-uns de vos ouvrages ?
S.G. : oui, bien sûr, mais ça va être un peu long… (rires). Il y a eu de grands projets culturels pour des entreprises telles que Cultura, le groupe SNCF et des collectivités telles que la ville de Saint-Omer. En 2020, j’ai été lauréat du prix «1 immeuble, 1 œuvre» du ministère de la Culture et de la Communication pour mon projet «Les Compagnons Renaissance.»
IN. : votre dada c’est le gigantisme…
S.G. : oui, j’aime les projets XXL, les expositions à forte visibilité pour des clients comme Ardian avec «Les Compagnons Renaissance», ou la SNCF avec la série «Super Flemish », mais j’ai aussi exposé dans de grandes manifestations artistiques internationales dédiées à la photographie comme Paris Photo, Art Paris, Photo London, AIPAD à NY, Festival de la Gacilly en France, -et bientôt à Baden-, Delhi Photo Festival, CCBB Museum de Rio de Janeiro, les Promenades photographiques de Vendôme, Getxophoto à Bilbao… Parmi les commandes, «Portraits Croisés», une série réalisée avec le soutien de Cultura croisant des personnalités de la culture d’aujourd’hui avec des œuvres et des artistes de la culture d’hier était exposée sur la Promenade des Anglais (Nice) et un livre publié chez Revelatoer en 2022.
«Les Compagnons Renaissance» avec Terres Rouges et Ardian à Paris exposés rue François 1er sur des bâches de 12 mètres de haut par 50 mètres de long en 2019 où de vrais ouvriers du chantier en cours ont été photographiés dans des costumes de l’époque avec des outils contemporains créés dans l’esprit Renaissance.«Les invisibles de l’Élysée», une commande réalisée en collaboration avec le journaliste Emery Doligé sur les coulisses, secrets et les femmes et hommes du Palais, en 2022.
«Les Jésuites de Saint-Omer», une commande de la ville de 12 portraits d’époque pour valoriser sa chapelle, réalisée en 2016. 10 élèves et 2 enseignants de la ville ont été transformés en jésuites du XVIe siècle pour cette exposition de tirages grands formats de 5 mètres de haut.
Série Portraits croisés
«Une rétrospective Gare d’Austerlitz», une exposition magistrale sur mesure en 2016, de 80 tirages issus de quatre séries personnelles, présentée pendant trois mois, et de cinq tirages de 7 mètres de hauteur exposés sur la façade extérieure pendant plus d’un an…
IN. : vous travaillez en meute dites-vous, et la fidélité est essentielle, comment faites-vous pour faire travailler toutes vos équipes, alors que ce n’est pas du plein temps, c’est aléatoire…
S.G. : je ne peux pas faire travailler les 120 personnes qui m’entourent, mais notre expérience de groupe depuis dix ans fait que dès que cela est possible nous recomposons la meute. Lorsque vous travaillez sur d’immenses projets qu’ils soient personnels, pour des marques ou des institutions, il s’agit de proposer et de développer des concepts et de communiquer dessus. D’où également le besoin aujourd’hui de créer ce studio, équipé de production, de maquilleurs, de coiffeurs, de designers, etc. Ce volet de 100- 120 personnes tourne et travaille avec moi selon les projets. Je sais que ça a l’air un peu idiot de dire ça, mais c’est un peu ma famille, et c’est d’ailleurs comme cela que je faisais de la publicité aussi.
IN. : la pub vous a servi de tremplin en fait ?
S.G. : lorsque l’on travaille sur des concepts pendant près de 15 ans, on a cette expertise-là, celle de la réflexion. Le réflexe de se dire que rien ne doit être gratuit et que je ne fais pas simplement des images. J’essaie évidemment d’amener des idées qui ont un rapport avec l’institution, la marque que je sers. Sur « Renaissance », pour ne citer que ce projet, le commanditaire attend de toi que tu aies une idée… Des photos Renaissance sur un chantier cela raconte qu’il y a des personnes qui travaillent dans ce chantier, derrière la palissade. Là, il s’agit de les mettre en valeur, et c’est sans doute pour cela que nous avons gagné la compétition.
IN. : quelle est la place de cet affichage géant dans la communication aujourd’hui ?
S.G. : notre impact est peut-être plus fort parce qu’inattendu. Aujourd’hui marquer les esprits est essentiel, et je pense que les spots de pub à la radio, les spots à la télé, ne font plus ce job. Enfin cela me paraît difficile. Quand un projet XXL est lancé avec une exposition, que l’on communique sur les artistes, que l’on crée des vidéos autour, un making of, ce sont des choses qui, mises bout à bout, créent des vues pour un prix moindre. Dérisoire. Nous payons le prix de la production et des idées évidemment mais le résultat est très percutant.
IN. : avez-vous une recette ?
S.G. : non, il n’y en a pas. Chaque fois c’est différent. Il s’agit de trouver une idée forte, comme je le disais plus haut. Lorsque je travaillais en pub, il n’y avait rien de gratuit, d’inutile, il y avait le message à faire passer, et l’art de le mettre en scène. Cette expertise stratégique c’est ce qui compte.
IN. : que représente l’arrivée de l’IA dans le monde de la création ?
S.G. : j’avoue que ce n’est pas du tout ce que moi je fais, mon expérience est avant tout humaine. Si demain je prends une photo, que je la mets dans un ordinateur, que j’en fais des prompts, je peux faire n’importe quoi… Mais ce n’est pas ça le Studio Goldberger. C’est une expérience humaine que nous vivons. Pour Cultura, portraits croisés. Nous avons pris des acteurs avec lesquels nous avons vécu, que nous avons transformés, habillés, maquillés, pour lesquels nous avons créé des décors, et filmé cette expérience. Nous en avons fait des interviews, cela Google ne peut pas le faire. Donc, l’IA est très séduisante parce qu’elle ne coûte rien, mais elle ne m’intéresse pas. Moi je vends une expérience humaine. Je vends de l’artisanat. Je reste sur le côté humain.
IN. : vous songez à réaliser un long-métrage sur Mamika ?
S.G. : j’écris, sur comment aborder Alzheimer. Et je suis en train de rencontrer des producteurs. Je veux faire un vrai long-métrage comme on les aime, c’est génial, une jolie façon de s’épanouir, c’est peut-être ça la réponse à tout ce qui se passe en ce moment, continuer à raconter des histoires, de faire des films et de permettre aux gens de s’évader.
À retenir
DEUX EXPOSITIONS AURONT LIEU CET ÉTÉ :
• À l’Opéra National de Bordeaux, sa série «Portraits Croisés», réalisée grâce au soutien de Cultura, sera exposée du 2 juillet au 7 septembre 2024.
• À Baden, pour le festival photographique de La Gacilly du 13 juin au 13 octobre 2024, avec ses deux séries «Extra not terrestre» et «I want to believe».
Parmi les artistes invités : Nazli Abbaspour, Evgenia Arbugaeva, Yasuhoshi Chiba, Joana Choumali, David Doubilet et Jennifer Hayes, Nadia Ferroukhi, Sacha Goldberger, Richard Ladkani, Lucas Lenci, Luca Locatelli, Pascal Maitre, Beth Moon, Maxime Riché, Sebastião Salgado, Alain Schroeder, Vee Speers, Brent Stirton, Lorraine Turci, David Turnley, Peter Turnley et Cássio Vasconcellos.
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