INfluencia : Unify vient de conclure une saison 2020-2021 faite de beaucoup de transformations sur le plan éditorial et technique. Comment le pôle aborde-t-il la rentrée 2021 ?
Sabina Gros : nous restons sur la même feuille de route : faire prospérer nos marques et conserver leur leadership en développant les meilleurs contenus au bénéfice de nos audiences. En tant que content company, Unify s’appuie sur le lien privilégié noué avec ses audiences pour comprendre leurs aspirations et les accompagner au quotidien. Le programme extrêmement ambitieux annoncé pour l’année dernière sur le plan éditorial et technique a été largement rempli, malgré les difficultés. La relance de Doctissimo en septembre autour d’une expertise renforcée, de nouvelles fonctionnalités et rubriques lancées autour de Marmiton. Le repositionnement d’aufeminin en juin, l’élargissement du champ d’action des Numériques au-delà de la tech… On continue! Marmiton lance une nouvelle version de son appli plus user friendly et personnalisée. La marque arrive aussi sur Twitch avec deux émissions de deux heures par semaine et plusieurs thématiques autour d’idées de recettes à réaliser avec peu d’ingrédients ou un petit budget, pour moins gaspiller ou trouver de l’inspiration. A partir de fin septembre, elle va aussi développer son offre de magazine et faire paraître chez Michel Lafon différents livres, notamment la collection Un chef dans ma cuisine dans laquelle des chefs (Michel Sarran, Simone Zanoni…) revisiteront les recettes du quotidien, La cuisine des sorcières pour Halloween, Le Batch Cooking au fil des saisons, La cuisine de Noël… Doctissimo ressort son appli sur la grossesse, qui a été retravaillée pour apporter un vrai service, tout en étant complètement compatible RGPD.
« Marmiton arrive aussi sur Twitch avec deux émissions de deux heures par semaine »
IN : comment évolue la monétisation de ces offres ?
Sabina Gros : chaque année nous développons de nouvelles sources de monétisation. Nous allons amplifier l’affiliation. Ce business, qui était surtout porté par Les Numériques, a été déployé sur aufeminin, Beauté Test, Doctissimo et Marmiton. D’un point de vue commercial, nous avons créé en interne de nombreuses offres « drive to », avec des fiches produit très SEO friendly qui créent du trafic sur les sites e-commerce, sur lequel nous nous rémunérons à la performance. C’est un savoir-faire assez spécifique, qui complète les compétences que le marché reconnaissait déjà à Unify pour les opérations de branding et les opérations spéciales. Nous avons aussi beaucoup progressé ces derniers mois sur d’autres leviers autour de l’influence. Toutes ces offres ont permis d’aborder d’autres sujets avec de nouveaux clients. Nous montons aussi en puissance sur la vidéo car ce levier monte fortement sur le digital.
IN : de quelle manière cela se traduit-il ?
Sabina Gros : notre structure Garage by Unify, lancée en juin, permet de produire de nouveaux formats qui ont apporté beaucoup de vues supplémentaires. Avant, les gens lisaient les recettes sur Marmiton. Aujourd’hui, ils les regardent et même les écoutent sur le site grâce au texte audio. Cette marque a cumulé plus de 33 millions de vues sur le premier semestre 2021 et va lancer 400 nouvelles vidéos de recettes à la rentrée. Nous sommes entrés dans une production beaucoup plus industrialisée. Nous pouvons créer des modèles vidéos très rapides pour les recettes et d’autres formats plus originaux, qui sont une vitrine de notre offre et reviennent toutes les semaines.
« Nous sommes entrés dans une production vidéo beaucoup plus industrialisée »
IN : quel accueil a été réservé au repositionnement éditorial d’aufeminin sur le thème « L’égalité se construit au quotidien » ?
Sabina Gros : ce nouveau positionnement très inclusif, qui passe toutes les thématiques du quotidien (parentalité, beauté, sexualité, santé, culture, travail, cuisine…) au prisme de l’égalité, a été construit en interne avec nos audiences et nos clients pour faire progresser nos marques et leur leadership. La relance est encore récente mais, dès le premier mois, nous avons déjà constaté une hausse de 20 % du temps passé sur la home page. Les retours qualitatifs sont très positifs du côté des internautes comme des clients annonceurs qui sont aussi très mobilisés sur l’engagement. Une marque comme aufeminin a l’ambition d’inspirer d’autres annonceurs que ceux qui ont toujours été présents (mode, beauté…). Nous travaillons d’ailleurs à développer des passerelles avec TF1 Pub, qui s’adresse à ce même public. aufeminin est la quatrième marque féminine sur le digital, après Elle et devant Marie Claire. Nous voulons bien sûr gagner des parts d’audiences et des places dans ce palmarès. Même si le sujet est extrêmement préempté, nous sommes confiants sur le potentiel de cet axe très différenciant.
IN : ce positionnement inclusif rejaillit-il sur les équipes en interne ?
Sabina Gros : Unify emploie beaucoup de jeunes et cette génération est engagée par essence, avec même un esprit assez militant que je n’avais pas forcément vu dans mes précédentes expériences en agence. Les questions autour de l’égalité et de la responsabilité sont donc très présentes. Au global, Unify est presque totalement paritaire et son comité de direction l’est totalement.
IN : Doctissimo a-t-il « bénéficié » des 18 mois de crise sanitaire ?
Sabina Gros : les audiences ont progressé mais pas plus que pour les autres grands médias car ce sujet a été largement traité par tout le monde. Assez vite, les recherches et le forum ont montré l’intérêt du public pour les vaccins, mais aussi pour de nouveaux sujets : le mal de dos et tout ce qui est lié au télétravail, la dépression et l’angoisse, les malaises des jeunes liés à l’isolement, le running, la gestion du poids, les médecines douces, la méditation… Nous avons accompagné les Français sur tous ces sujets avec des contenus écrits et vidéo, en nous appuyant d’une part sur l’expertise et d’autre part d’un comité médical qui réunit aujourd’hui une cinquantaine de médecins dans différentes spécialités, et qui valide l’ensemble des articles. Le tout validé par Gérald Kierzek.
IN : les médias digitaux doivent s’adapter aux nouvelles règles sur la restriction de l’usage des cookies depuis le 31 mars. Comment la transition vers un monde sans cookie a-t-elle été gérée ?
Sabina Gros : nous étions très préparés sur ce sujet avec, dès la rentrée dernière, une plateforme data qui ne s’appuyait plus sur des cookies tiers mais sur des « identifiants maison ». Les résultats sont très positifs. Puisque Google nous donne un peu plus de temps avant de faire évoluer son système dans l’univers iOS, nous continuons à creuser le sujet. Nous cherchons aussi à augmenter le nombre de personnes qui se connectent à notre univers dans un environnement logué, en développant de nouveaux services qui justifient que l’utilisateur donne son consentement. C’est un sujet assez complexe sur lequel nous travaillons déjà depuis un an et qui sera important à moyen terme car il concerne l’ensemble de Unify, la technique, le RGPD…
IN : vous avez longtemps travaillé en agence médias. Alors que les investissements dans le digital sont trustés par le search et le social, comment convaincre les annonceurs de communiquer sur les médias éditoriaux ?
Sabina Gros : nous mettons à disposition des annonceurs une proposition de valeur intéressante et de fortes audiences, une connaissance client issue de la data, des capacités de ciblage et un contexte premium. Je suis convaincue que les marques doivent se poser davantage la question de l’écrin pour les faire prospérer et maintenir leur leadership. L’investissement publicitaire n’est pas neutre car l’annonceur met l’image de sa marque dans un certain environnement. Unify est aussi un éditeur de médias français, qui défend la pluralité des marques et des groupes médias. En agence, j’ai toujours considéré qu’il était important d’investir dans une diversité de supports pour contribuer au maintien de cette pluralité. Pour les marques, c’est aussi un moyen de garder une cohérence entre le discours et les actes. Une marque qui veut s’engager pour un monde plus responsable doit réfléchir aux conséquences de ses investissements si elle consacre 80 % de ses investissements à des plateformes américaines.
IN : la moitié de votre vie s’est passée en Russie et l’autre en France. Avec votre parcours très international, quel regard portez-vous sur la manière dont évolue le paysage médias français face aux géants internationaux ?
Sabina Gros : le peuple français est extrêmement libre. C’est ce qui m’a toujours attirée en France et qui fait que je vis dans ce pays. Cette liberté se traduit aussi dans les médias français. Il y a une conscience du public et du métier à préserver cette richesse même dans un contexte compliqué et face à des acteurs internationaux très puissants. Beaucoup de médias historiques ont finalement assez bien résisté ou même très bien réussi dans le digital. Toutefois, si les plateformes américaines sont aussi puissantes c’est parce qu’elles sont globales. Le local a toute son importance, mais on ne peut ignorer les effets de taille dans un marché mondialisé, où l’on observe des phénomènes de concentration sur tous les territoires. Notre pays ne peut pas faire exception à la règle s’il veut conserver des acteurs locaux compétitifs.