Le confinement a redonné du sens et de l’humain aux grandes surfaces en France. C’est ce que révèle l’étude menée par Opinionway à la demande de Sacha Lacroix et Jean-Patrick Chiquiar de Rosapark, les 29 et 30 avril derniers. Aux enseignes d’en tirer les leçons qui s’imposent.
Les intuitions sont parfois bonnes conseillères. Confiné à quelques dizaines de kilomètres de Paris, Sacha Lacroix s’est aperçu au fil des semaines que sa vision changeait lorsqu’il se rendait dans l’hypermarché le plus proche de son lieu de résidence. « Je regardais différemment les agents de sécurité, les caissières et les personnes qui approvisionnaient les rayons, avoue le directeur général de l’agence Rosapark. Chaque client disait aux caissières des petits mots qui allaient au-delà du simple « merci » et « au revoir ». Beaucoup se souhaitaient une bonne journée et bon courage. Nous nous sommes dit qu’il fallait analyser ce phénomène et nous avons fait appel à l’institut Opinionway pour réaliser un sondage ». Les résultats de cette enquête effectuée le 29 et 30 avril auprès de 1027 personnes âgées de plus de 18 ans sont instructifs à plus d’un titre.
La fin du « supermarket bashing »
41% des Français estiment tout d’abord que l’image qu’ils ont de la grande distribution a changé positivement depuis le début du confinement. Cette tendance est encore plus marquée chez les femmes (44%) que chez les hommes (37%). Elle est aussi plus importante chez les CSP- (47%) que les CSP + (39%) et dans les régions les plus touchées par le Covid-19 comme l’Ile-de-France (43%) et le Nord-Est (45%). Près de la moitié des consommateurs (48%) voient de manière plus positive qu’avant l’implication fournie par le personnel qui travaille en grande distribution. Les seniors (55%) et les inactifs (54%) sont encore plus nombreux à partager cette opinion.
Les caissières, nouvelles héroïnes du quotidien
Les catégories de salariés les mieux perçues sont les caissières (92%), très loin devant les collaborateurs qui approvisionnent les rayons (57%), les agents de sécurité (27%) et les directeurs de magasin (11%). « 92%, c’est un phénomène massif, s’étonne Sacha Lacroix. Les caissières au même titre que les éboueurs, le personnel soignant et les chauffeurs de transports en commun étaient presque invisibles avant la pandémie mais on voit aujourd’hui l’importance que l’aspect humain a pris durant ce confinement. Le courage quotidien de ces salariés est profondément réconsidéré. On évoque même son héroïsation sur les réseaux sociaux, traduisant ainsi une cote d’amour forte, résultat du rôle fondamental que ces employés du quotidien jouent dans la vie des Français. «Avant le virus, on accordait beaucoup de valeur au divertissement mais cette crise nous a permis de réévaluer les choses. Les grandes surfaces, qui étaitent la cible d’un véritable bashing depuis plusieurs années, sont désormais perçues comme des lieux qui nous fournissent de la nourriture et nous permettent de manger. Se nourrir est devenu quelque chose de très important dans notre existence». Les distributeurs devraient aujourd’hui profiter de cette évolution pour tenter de redorer leur image auprès des consommateurs. Même si le monde « d’après » ne pourra toutefois pas ressembler à celui « d’avant ».
L’humain, plus essentiel que prévu…
« Les enseignes doivent s’interroger sur le rôle qu’elles doivent donner à l’humain au sein de leur chaîne de valeur, affirme Jean-Patrick Chiquiar, le président et cofondateur de Rosapark. Ces dernières années, on parlait beaucoup d’automatisation des caisses et de magasins connectés. (Durant la pandémie), la valeur ajoutée humaine est redevenue essentielle aux yeux de tous. Les Français réalisent l’utilité et l’apport quotidien de ces hommes et ces femmes dans leur vie, que des technologies aussi innovantes et utiles soient- elles, ne peuvent complètement remplacer ».
Le local, rien que le local
L’autre grand enseignement de ce sondage est l’importance que les particuliers accordent à leur économie locale. Les supermarchés et les hypers doivent redevenir des lieux de proximité locale. Certaines chaînes y parviennent. Depuis le confinement, chaque fois plus de clients revoient leurs grandes surfaces comme des lieux d’intérêt et de convivialité, puisqu’il était bien souvent pour eux un des seules échappatoires, un des seuls horizons face à la redondance du quotidien « enfermé ». 72% des sondés estiment ainsi que le magasin d’alimentation qu’ils fréquentent joue un rôle local plus important, de proximité, d’approvisionnement, de lien et de rencontres. Cette tendance est encore plus marquée chez les femmes (76%) et les jeunes de moins de 24 ans (77%). Même après le confinement, une immense majorité des Français (72%) juge que les supermarchés et les hypermarchés doivent continuer de jouer un rôle majeur en termes notamment de lien social et de rencontres. « Les enseignes doivent changer de braquet à l’avenir pour s’insérer davantage dans l’économie locale », résume Sacha Lacroix. Une grande surface près de Lille ne doit pas être la copie conforme d’un magasin à Lourdes ou St-Rémy-de-Provence. En cherchant à uniformiser leurs réseaux, les enseignes ont perdu leur âme ».