La directrice des stratégies chez Initiative revient pour INfluencia sur quelques signaux culturels apparus avec la crise du coronavirus et le confinement. Peut-être resteront-ils ancrés dans nos habitudes et seront-ils à la base d’un changement culturel plus profond. Peut-être voleront-ils très rapidement en éclat sous la pression de notre modèle économique. Cependant, une chose est sûre : les épidémies, catastrophes naturelles ou crises sociales sont sources d’accélération majeure de phénomènes sociétaux largement éprouvés avant la crise.
Notre manière de vivre, de travailler et de ressentir évoluent constamment. C’est d’ailleurs la raison d’être de l’agence Initiative. L’objectif de la Cultural Velocity est d’aider les marques à appréhender des signaux culturels qui construisent le monde de demain et à naviguer au sein de ces futures cultures. La crise que nous vivons a affecté la notion même du temps. Ce qui aurait pu prendre des décennies pour évoluer se produit en quelques années, mois ou semaines. L’adversité a accéléré des changements d’attitude et de comportement. Des exemples ? En mars 2020, je signais un premier papier dans le numéro d’INfluencia consacré à la redécouverte de la proximité. Un sujet au cœur de l’étude lancée par Initiative en juillet 2019 sur « L’état des cultures en France »(1). Elle avait en effet mis en lumière le besoin criant de « recoudre la société »(2) qui se manifestait de multiples manières au sein de la société française. Consommer local, consommer français, se reconnecter à la nature, abolir l’exploitation animale, privilégier des mobilités douces, adopter un tourisme à rythme lent, choisir des manières de vivre alternatives… Autant de signaux culturels qui ont rencontré un écho très fort dans nos cerveaux en confinement et qui sont en phase de devenir des comportements plus largement privilégiés.
Le premier exemple qui me vient en tête est l’exode sanitaire massif des plus jeunes et des plus aisés vers la province. Il s’est orchestré en quelques heures en anticipation ou en réaction à l’instauration du confinement. Selon l’enquête menée par Jean-Laurent Cassely et Jérôme Fourquet pour la Fondation JeanJaurès, l’objectif était clair : fuir l’air vicié des centres urbains et se réfugier dans les régions qui offrent une meilleure qualité de l’air. Les raisons de cet exode sanitaire ne sont pas sans rappeler ce qui pousse de plus en plus de Français – les Nature-sur-mesure (1) – à prendre la clé des champs pour renouer avec l’essentiel, et la nature en particulier. Un désir partagé par 8 Français sur 10 avant l’épidémie de Covid-19 qui semble se concrétiser plus rapidement que prévu ; avec le déconfinement, les agences immobilières en province sont submergées de demandes d’urbains qui cherchent à se mettre au vert. Cet engouement entraînera sans aucun doute le renforcement d’autres subcultures dans la société française, tout particulièrement celles qui cherchaient à vivre en meilleure harmonie avec la nature : les slow travelers, les yukaphiles, les villeculteurs ou les animal right activists.
Le deuxième phénomène, qui a connu une accélération sans précédent avec cette crise, est sans aucun doute le télétravail. Si beaucoup d’entreprises françaises n’étaient pas prêtes à passer le cap, elles se sont retrouvées devant le fait accompli. Selon la Dares, un quart des salariés ont été concernés par le télétravail pendant le confinement, et il leur est demandé autant que possible de continuer ainsi les prochaines semaines ou mois à venir. Alors qu’un tiers des employeurs n’y étaient pas favorables avant cette crise, plus de 90% d’entre eux l’ont implémenté. En à peine deux mois, le télétravail a connu un renversement radical de statut en passant d’une simple concession organisationnelle à un mode de vie, consacré comme la nouvelle norme par des entreprises majeures comme Twitter ou PSA. Cette mise en place généralisée a permis par ailleurs de valider de nombreux progrès sociétaux en faveur de la poursuite du télétravail : baisse drastique de la circulation et de la pollution, accroissement de la productivité au travail et amélioration de la qualité de vie. Et si le 100 % télétravail ne sera certainement pas la règle demain, car il a un prix social important, les nouveaux nomades devraient avoir de beaux jours devant eux.
S’il est vrai qu’en quelques jours ou semaines nous avons dû changer notre façon de travailler, de communiquer, de faire des courses, de se cultiver, bref de vivre, la pandémie du Coronavirus n’est pas la source de ces nouveaux comportements, mais un formidable retour sur notre présent. D’autres signaux culturels sont en train de s’accélérer. Le changement est la seule constante de nos vies. La Cultural Velocity n’a jamais été aussi pertinente pour les marques.
1. Étude « L’état des cultures en France », Cahier culturel n° 1, 07/2019, Initiative x Synomia. 2. Cette étude repose sur l’analyse sémantique de l’écosystème Web à partir des requêtes Google liées au mot « culture » de 05/2016 à 05/2019.
Ce NotaBene est tiré de la Revue INfluencia n°33 : « Le Good : Dessine-moi un monde nouveau ». Cliquez ici pour découvrir sa version digitale. Et par là pour vous abonner.