25 avril 2013

Temps de lecture : 2 min

Le retour de la Contre-Révolution

Rappelez-vous l’acte de vandalisme commis en avril 2011 sur l’œuvre « Piss Christ » d’Andres Serrano. Des catholiques traditionalistes s’étaient transformés en délinquants, menaçant et frappant des gardiens de musée où était accueillie l’œuvre considérée comme blasphématoire. Un acte déjà révélateur de la cristallisation et de la transformation en action violente de revendications jusqu’à présent formulées du bout des lèvres. L’image était frappante. La contestation se transformait en action.

A l’occasion des débats entourant le « mariage pour tous » cette contestation est non seulement transformée en action avec une radicalisation certaine autour du mouvement de la Manif Pour Tous, avec le mouvement des veilleurs et du Printemps Français mais également théorisée par un des leaders du mouvement, Christine Boutin, qui a ouvertement annoncé militer pour la fin du « modèle libéral » et contre « l’idéologie de mai 68 »*.

Le discours sur un « Grand Soir » catholique n’est pas loin. Il y a un syncrétisme absolu dans les signes de la contestation, qui mêle dans un même cortège des images empruntées à l’extrême-gauche (le poing levé) et des slogans (« on ne lâche rien ») mais surtout des emblèmes que l’on avait pas vu dans des manifestations d’aussi grande ampleur depuis bien longtemps, comme le Sacré-Cœur catholique que certains arborent sur le drapeau national avec la devise « Espoir et salut de la France ». Pour beaucoup de ces catholiques, ce sceau est l’emblème de la Contre-Révolution. La Contre-révolution est un mouvement prenant ses racines dès 1789, condamnant les principes idéologiques de la Révolution française, la République.

Il conçoit aussi que la nation française n’est pas née en 1789 mais en 496 lors du baptême et du sacre Clovis en 987. Les adeptes de ce courant idéologique au sein de la « droite nationale » sont très proches du milieu catholique traditionaliste. Ses principaux penseurs sont Maurras, Drumont ou Barrès. On pourrait être étonné du retour de ces symboles, pensés comme anachroniques. Cela serait une erreur : ce n’est que le retour d’une idéologie très ancrée dans le cerveau, le logiciel français. Cette pensée revient aujourd’hui, de manière cyclique et la science des révolutions pourrait aider à comprendre comment revient le mouvement de la Contre-Révolution. Car il s’agit là d’un cycle.

C’est là où la « cliodynamique » est très utile : il s’agit d’une science émergente proposant une analyse de l’Histoire via des modèles mathématiques. Le mathématicien Peter Turchin est présenté comme le gourou de cette nouvelle discipline. Sur son site web** ce dernier explique que les révolutions, les révoltes et les grandes périodes de tensions sociales peuvent être prévues via l’utilisation de modèles mathématiques et de statistiques recoupant un certain nombre d’informations. Un excellent article de Slate le détaillait récemment***, la cliodynamique permet d’aller plus loin que la théorie des cycles historiques ou économiques, comme ont pu le théoriser un Fernand Braudel ou un Kondratieff… et de prévoir les révolutions.

Ce qui est passionnant c’est que cette science a été nommée « cliodynamique » en partant du préfixe Clio qui est la muse grecque de l’Histoire, personnage mythologique chantant l’histoire et les défaites et gloires passées des peuples, mais qui est également associée à la roue de la fortune, la roue du temps, celle qui symbolise que l’histoire n’est qu’un éternel recommencement, et qu’après des périodes de grande ouverture sociale, viennent des périodes où l’ordre reprend ses droits.

Pour les cliodynamiciens, nous sommes dans une phase comparable à celle qu’a connu l’Empire Romain : celle de la décadence, préalable à un grand changement, une révolte d’ampleur, ou une révolution. A l’occasion du débat sur le « Mariage Pour Tous » il est impressionnant d’observer à quel point la Contre-Révolution s’est structurée, ré-imaginée, renforcée. Il n’est pas interdit d’imaginer que les révoltes qui vont probablement arriver si l’on en croit les cliodynamiciens ne seront peut-être pas le fait de forces syndicalistes ou d’extrême gauche mais au contraire de forces conservatrices voulant rétablir un « ordre » existant avant 1968… et avant la Révolution Française. Soyons conscients que l’Histoire n’est qu’un éternel recommencement. Sachons écouter Clio et tirer les leçons de l’Histoire.

Thomas Jamet – Moxie – Président (Groupe ZenithOptimedia – Publicis Groupe)
www.thomasjamet.com
@tomnever
Thomas Jamet est l’auteur de « Ren@issance Mythologique, l’imaginaire et les mythes à l’ère digitale » (François Bourin Editeur, en librairie). Préface de Michel Maffesoli.

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