Le discounter allemand Penny affiche dans un de ses magasins les prix de huit aliments qui devraient être imposés aux consommateurs si le coût environnemental lié à leur production était inclus dans la tarification. Edifiant…
N’hésiteriez-vous pas quelques minutes avant de changer la bouteille de gaz de votre BBQ si vous deviez payer votre steak 173% plus cher? N’auriez-vous pas tendance à reprendre un thé plutôt qu’un cappuccino si le prix du lait s’envolait de 122%? Le discounter Penny qui appartient à Rewe, le numéro deux de la distribution alimentaire en Allemagne, a mis en place depuis le 2 septembre dans un de ses magasins à Berlin un double-affichage des prix sur une petite sélection de denrées alimentaires. Le premier est celui facturé à ses clients et le second englobe le coût environnemental lié à leur production. Et le moins que l’on puisse dire est que les différences entre ces deux tarifs sont notables, pour ne pas dire abyssales.
Double prix affiché pour huit denrées sélectionnées.
Voyez plutôt : le prix de vente par kilogramme des huit denrées sélectionnées (pomme, banane, pomme de terre, tomate, mozzarella, Gouda, lait et mélanges de viande) par cette enseigne qui emploie 28.000 salariés dans ses 2170 magasins en République Fédérale et dont le chiffre d’affaires a atteint 7,6 milliards d’euros l’année dernière devrait augmenter en moyenne d’environ 62%, soit une hausse moyenne de 2,30 euros par kilogramme par rapport aux tarifs actuels. Le surcoût serait de 88% pour le gouda et de 52% pour la mozzarella. Les écarts sur les fruits et les légumes frais comme les bananes (+19%), les tomates et les pommes de terre (+12%) ou les pommes (+8%) seraient, eux, nettement moins importants.
Greenwashing
« Les prix de vente actuels des denrées alimentaires ne reflètent pas ou insuffisamment les coûts de l’impact environnemental de l’azote, des gaz à effet de serre et de la production énergétique, juge Tobias Gaugler, chercheur de l’Institute of Materials Resource Management de l’Université d’Augsbourg qui a fait cette étude financée par Penny, un des nombreux retailers à voir « vert » durant cette rentré . Les dommages causés à l’environnement entraînent des coûts qui sont simplement cachés. Nos calculs démontrent ce véritable écart de prix, bien que nous ne disposions pas des données nécessaires pour tenir compte d’autres aspects importants, tels que le bien-être des animaux ou les effets des germes multirésistants. Je me réjouis que cette discussion ne soit plus confinée aux milieux scientifiques et qu’elle fasse désormais partie de la vie quotidienne des gens. Et je suis très enthousiaste à l’idée de voir si cette initiative de double prix aura un effet d’entraînement ». Cette initiative peut paraître étonnante de la part d’un distributeur. Mais de plus en plus d’enseignes ont compris qu’elles ne pouvaient plus se contenter de cacher les défauts dans leur cuirasse en faisant du « greenwashing » auprès des consommateurs. Dire la vérité est devenu la meilleure des défenses. Le « marketing d’après » doit s’adapter aux nouveaux modes de consommation recentrés sur les besoins. Les particuliers sont également à la recherche d’aliments respectueux de l’environnement .
De réelles conséquences?
« Nous avons souvent discuté par le passé, et fréquemment d’ailleurs de manière controversée, du vrai prix des produits alimentaires, reconnaît Stefan Magel, directeur opérationnel de Penny qui pilote aussi la division des supermarchés et supérettes allemands de Rewe. Il est important de montrer aux consommateurs les conséquences de leur choix. à même les rayons ». Dans le supermarché berlinois situé au numéro 29 de la Fehrbelliner Straße en plein coeur du quartier de Spandau, vingt affichettes détaillent les conséquences pour l’environnement des aliments proposés dans les rayons : disparition des abeilles, impact de la pêche industrielle, destruction des poussins mâles par les producteurs d’oeufs… Un consommateur informé en vaut deux. « Il faut toutefois voir si le fait de notifier aux clients une différence de prix sur seulement 8 produits sur un assortiment de 3500 aura un effet quelconque sur le comportement des acheteurs », se demande un journaliste du Berliner Zeitung qui a remarqué que plusieurs habitués du discounter n’avaient même pas remarqué la campagne de Penny lors de leur passage dans les gondoles du magasin. La vérité est parfois difficile à entendre…