INfluencia : La crise sanitaire qui n’en finit plus a profondément bouleversé le paysage du retail en France. Quelles sont les principales tendances qui se sont développées ces deux dernières années ?
Emilie Benoit-Vernay : Deux lames de fond sont arrivées au même moment. La pandémie a contraint le monde de la consommation à s’adapter en renforçant l’interaction des enseignes avec l’e-commerce. On voit aujourd’hui que la réouverture des boutiques n’empêche pas les clients de suivre un parcours omnicanal. Ils continuent de regarder un produit sur le web avant de le payer en ligne et d’aller le chercher en magasin. 55% des acheteurs regardent un article sur la Toile avant de se renseigner pour savoir s’il est disponible en boutique. Et 67% des consommateurs se disent susceptibles d’acquérir un autre produit une fois dans le point de vente. En dix ans, les achats sur internet dans le monde vont presque sextupler pour passer de 1336 à 3688 milliards de dollars entre 2014 et 2024. Ces chiffres montrent à quel point l’omnicanalité est importante de nos jours.
IN : Quelle est la seconde lame de fond qui est apparue durant cette pandémie ?
E B-V : L’avènement des « digital natives ». Ces marques qui sont nées sur la Toile proposent des expériences en ligne séduisantes et elles entretiennent avec leurs clients de fortes interactions sur les réseaux sociaux. Cette tendance ajoutée à celle de l’omnicanalité poussent les acteurs classiques du retail à modifier leur présence en ligne afin de devenir plus agile.
IN : Comment se traduit cette évolution ?
E B-V : La nécessité des marques de s’adapter pour aller chercher leurs clients où qu’ils soient les pousse à être de plus en plus créatives en s’appuyant notamment sur le social commerce. 54% des millennials découvrent les nouvelles marques sur les réseaux sociaux. Pour rencontrer leurs clients existants et futurs, les enseignes et les fabricants se doivent donc de proposer une expérience de vente attractive sur les réseaux et offrir des fonctionnalités innovantes comme Facebook Shop. Le « social selling » est en plein essor. Des outils comme le Live Shopping sont de plus en plus populaires. Lancée en septembre 2021, la plateforme Live Shopping de Bellepoque est déjà utilisée par 10% des Digital Natives présents dans les secteurs de la beauté et des cosmétiques. Les nouvelles technologies permettent aujourd’hui même aux plus grandes marques qui ont des structures très lourdes d’être nettement plus agiles.
IN : La technologie reste pourtant un frein pour beaucoup de marques…
E B-V : La technologie ne doit pas être une contrainte pour les marques qui doivent concentrer tous leurs efforts sur la définition de leur identité et leur politique marketing. Des prestataires comme Shopify sont là pour se charger à leur place de toutes les questions techniques. Notre plateforme qui est très robuste est, par exemple, capable de gérer 10.000 encaissements par minute pour nos clients. Les pics de charge ne posent plus de problèmes aujourd’hui.
Nous l’avons encore prouvé durant le dernier Black Friday et Cyber Monday où nous avons géré plus de 6,3… milliards de transactions.
IN : Quels sont les exemples les plus intéressants que vous avez relevé ces derniers mois ?
E B-V : The Bradery a compris tous les codes des réseaux sociaux. Il propose aux marques de vendre leurs surstocks sur la Toile. Cette technique permet aux labels de toucher une clientèle plus jeune qui pourra ensuite acheter ses produits en magasin. Cette plateforme a réinventé le concept de ventes privées car son modèle est très immersif.
Make My Lemonade a, lui, eu l’idée de mettre en ligne des images prises en backstage lors de ses shootings. Transformer ses lancements en happening peut également générer d’énormes ventes.
Kylie Cosmetics, qui a été fondée par Kylie Jenner avant d’être repris par Coty en 2019, a vu son chiffre d’affaires passer de 0 à 420 millions de dollars en dix-huit mois à peine. La marque prépare la sortie d’un nouveau mascara comme un véritable événement. C’est incroyable.
IN : Ces tendances sont-elles là pour durer ou vont-elles reculer lorsque la pandémie aura finalement disparu ?
E B-V : Ces tendances lourdes sont là pour rester. Les attentes des consommateurs ont changé. Ils souhaitent aujourd’hui des expériences de plus en plus immersives sur la Toile. L’insertion de vidéo et de réalité augmentée en 3D sur un site qui doit raconter une histoire génère de l’engagement et augmente les ventes. Même les acteurs historiques ont compris que les lignes avaient bougé et qu’ils devaient s’adapter…
