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De nouvelles stratégies
Isabelle Musnik, Fondatrice et Directrice de la Publication d’INfluencia introduit la table ronde en s’interrogeant sur la façon dont la crise du Covid-19 a modifié les stratégies de ses invités.
« Nul n’aurait pu prédire la crise que nous traversons et les entreprises ont dû s’adapter, répond Hélène Chaplain, Associée Consumer Products Leader chez Deloitte. Nous avons observé 3 temps différents : d’abord une phase de « réponse » visant à adresser au plus vite et au mieux les défis liés au confinement, la fermeture de bon nombre de commerce et bien évidemment la mise en place du télétravail. Est venu ensuite le temps de la « récupération » avec l’ancrage dans les modes de travail des nouvelles pratiques mais également l’amélioration des nouvelles propositions digitales auprès des consommateurs (on pensera en premier lieu à la mixité physique / digital) et nous sommes aujourd’hui dans un temps de reprise des modes projets et transformation intrinsèque pour « prospérer » à nouveau ou pérenniser la croissance pour les industries les moins touchées. La situation est bien évidemment très hétérogène en fonction des pans d’activités, certains secteurs étant toujours à l’arrêt avec des horizons de reprise à plus long terme. Il est important de noter que même si la digitalisation a été accélérée par la crise, les entreprises ayant le mieux réagi se sont appuyées sur des investissements et des transformations déjà engagées auparavant ».
Jean-Jacques Salaün, Directeur Général d’Inditex France (Zara, Massimo Dutti, Pull & Bear, Bershka, Stradivarius…) le confirme : « La crise du Covid a certes modifié les stratégies et accéléré les changements, ceux qui n’étaient pas prêts notamment sur le plan technologique ont souffert. Ce n’était pas notre cas. Nous avons accéléré le maillage retail physique/Internet qui existait déjà ». Les magasins ont été utilisés comme plateformes de stockage et d’expédition. Par exemple, « nous avons pu accélérer les ventes à partir des tablettes ou la livraison Click & Collect grâce à l’utilisation de la technologie, et notamment celle de la RFID que nous avions mise en place il y a plusieurs années », ajoute-t-il.
Le rôle des employés
Si les magasins ont changé, il est primordial que les salariés s’adaptent eux aussi. Hélène Chaplain le souligne : « L’employé est encore plus au cœur de la relation qu’auparavant, l’hyper digitalisation de la relation avec les marques pendant la première phase a mis en lumière le besoin crucial d’interactions humaines à la fois pour les employés qui souhaitaient faire vivre leurs marques et pour les consommateurs désireux d’échanges et de lien avec autrui. Les employés ont démontré un formidable élan pour incarner la relation, transmettre les valeurs et trouver des solutions à leurs clients. C’est d’ailleurs une grande leçon pour démontrer que digital et humain ne s’opposent pas mais s’intègrent pour créer de nouvelles expériences, hybrides et plus engageantes constitutive de l’expérience de marque ». Linda Martraire, Brand Activation director chez Yves Rocher le reconnaît : « on est revenu dans dans l’essence même de la relation qui est fondamentalement humaine, le digital s’est humanisé. Le rôle de l‘employé (e) et de la conseillère de vente permet de renforcer la livraison de la promesse de la marque ». Linda Martraire, Brand Activation Director chez Yves Rocher insiste également sur le rôle de l’humain. Si le groupe développe l’univers du social selling, qu’elle considère comme du e-commerce humanisé, le rôle de la personne de confiance qu’est la conseillère de beauté est capital. « Pour une marque de proximité comme la nôtre, lorsqu’une cliente revient dans le magasin parce qu’elle connaît sa conseillère de beauté, vous avez réussi quelque chose de formidable ».
Quel sera le rôle du magasin physique ?
Hélène Chaplain en est persuadée : « Le magasin n’est pas mort ! Et si la pandémie nous a montré une évidence c’est que les canaux sont tous critiques dans la proposition de valeur des enseignes et répondent à des besoins fonctionnels et émotionnels complémentaires. Il appartient à chacun d’observer les comportements adoptés pendant la phase de fermeture des magasins pour analyser les attentes des consommateurs et y répondre à travers une offre physique et digitale pertinence et intégrée. Les consommateurs ont clairement montré lors des phases de réouverture leur envie de retourner en magasin pour vivre des expériences avec les marques et retrouver une forme de lien. ». Et elle s’interroge : « Le rôle des magasins restera-t-il pour autant changé ? Nous pensons que les expériences peuvent être adaptées à ces nouvelles réalités et le rôle / format des magasins doit être aligné avec une vision de différenciation forte, par rapport à la concurrence mais également par rapport à la recherche de réponses fonctionnelles (collecte, retour, transaction planifiée) et émotionnelles (flânerie, contact, conseil, expériences). » Bénédicte Sabbadie, Associée Retail & Luxury Leader chez Deloitte, ajoute que le grand changement est que le comportement en magasin n’est plus « passif ». « On regarde d’abord si le produit est disponible sur le site internet et ensuite on va le voir en magasin afin que ce soit rapide. On s’attend à y trouver un service impeccable, que les vendeurs puissent nous conseiller, trouver nos tailles, etc… », remarque-t-elle.
Quelle place pour l’éco responsabilité ?
« La plupart des entreprises ont dépassé le stade du « green washing » pour s’intéresser au potentiel commercial d’une vision durable et pour certaines avec une vraie approche citoyenne , souligne Bénédicte Sabadie. Le mode de communication pour s’adresser aux consommateurs a déjà changé. Les marques sont passées à un modèle inclusif, qui communique avec les gens en prenant en compte leurs attentes. Mais les consommateurs souhaitent désormais aller plus loin et consommer avec un impact positif pour la société. Cette tendance de fond ne fait que croître et les marques doivent s’adapter et adapter un comportement éco-responsable et durable sous peine d’être rejetées. L’éco-responsabilité est donc un vecteur majeur de développement et un atout concurrentiel remarquable. ». Cette démarche fait partie des valeurs de Yves Rocher, entreprise à mission depuis 2019, fortement impliquée dans le contrôle et la réduction de son impact sur l’environnement à toutes les étapes du cycle de vie de ses produits. De son côté, Inditex affirme son engagement écologique avec une traçabilité de plus en plus précise et des vêtements en coton, lin et polyester à 100 % issus du commerce équitable. « Nous donnons également nos invendus à des associations caritatives benedicte sabadie, bien avant que la loi ne nous y ait obligé », se félicite Jean-Jacques Salaün.
Et pour demain ?
Finalement, l’expérience est clé, il faudra être là où l’utilisateur se trouve, et suivre son déplacement. Les opportunités de croissance seront différentes selon les secteurs mais l’important est de savoir les saisir.