Alors que Los Angeles devient la capitale mondiale du brand content parce qu’elle met les talents d’Hollywood au service des marques, le Japon sait aussi marier septième art et pub. La preuve avec le festival Branded Shorts.
Le 18 avril prochain, le festival de court-métrage japonais, Short Shorts Film Festival & Asia, annoncera les détails de la nouvelle édition de sa nouvelle grand messe du brand content, Branded Shorts. Inauguré pour la première fois en 2016, le prix entend mettre à l’honneur l’univers du film brandé. Un genre qui, à en croire Tetsuya Bessho, le président du festival, s’est installé dans les moeurs marketing au pays du soleil levant.
« Avec le volume croissant de brand content et l’expansion impressionnante du contenu marketing vidéo, nous avons décidé de créer Branded Shorts. Le marketing vidéo émerge comme une forme de film qui exploite le pouvoir de cet art pour la promotion des marques et leur communication avec les consommateurs » explique Tetsuya Bessho. L’an passé, l’évènement avait récompensé le court-métrage de 6 minutes, The Gentleman’s Wager, brandé Johnnie Walker pour son Blue Label. Jude Law en était l’acteur principal.
Pour mieux comprendre les enjeux autour de Branded Shorts et du brand content cinématographique au Japon, nous avons rencontré Kei Suwa, Chief Producer de l’événement.
INfluencia : pourquoi avoir décidé de lancer Branded Shorts ?
Kei Suwa : le marketing vidéo est actuellement en plein essor au Japon, comme ailleurs dans le monde. Comme les stratégies publicitaires conventionnelles deviennent de moins en moins efficaces le besoin d’une nouvelle perspective est encore plus essentiel. La pub doit divertir le consommateur, pas l’interrompre. Depuis 2004, nous produisons déjà des courts-métrages en parallèle du festival donc nous avons pu sonder la demande grandissante des marques pour se promouvoir par des films de courte durée. Notre festival peut et veut accueillir des films de marque qui se réclament à la fois de la pub et du divertissement. Notre but est de connecter l’industrie publicitaire avec celle du cinéma dans un esprit de win-win.
IN: quelle importance a pris aujourd’hui au Japon le film de marque ?
KS: le taux de pénétration d’internet au Japon dépasse les 80%. Celui des smartphones et des ordinateurs surpasse lui les 50% et même en tenant compte des différences économiques et générationnelles, nous pouvons assurer que les 10-49 ans ont accès aux contenus vidéos de marque qui sont crées pour être distribués en ligne. Certaines études prédisent que le marketing cinématographique va croitre six fois plus vite chaque année d’ici 2020, mais dans le même temps les marketeurs continuent de penser qu’il est extrêmement difficile d’impressionner leur cible avec des spots TV de 15 à 30 secondes. C’est ce qui a provoqué l’explosion du contenu vidéo publicitaire sur le web, où la créativité n’est pas contrariée par les impératifs de durée. C’est pour cela qu’au Japon le concept de fil brandé est largement accepté aujourd’hui. Certaines entreprises sont vraiment désireuses de créer leur film de marque pour des buts spécifiques, que ce soit en ressources humaines ou pour les anniversaires de leur société. Les RH ciblent particulièrement les millennials, qui consomment beaucoup de films sur leurs ordinateur et leur smartphone.
IN : avec quel genre de créativité les marques utilisent-elles le film brandé et pour quelles catégories de consommateurs ?
K.S. : comme l’indique son nom, le divertissement brandé est fait pour divertir ses audiences. Un contenu intriguant est naturellement attractif et mérite donc la peine d’être vu. Avec un contenu qui véhicule la « big idea », le consommateur tissera un attachement solide avec la marque. Un spot TV peut être efficace pour une marque si elle veut promouvoir de nouveaux produits et gagner en reconnaissance. Mais le divertissement de marque comme les vidéos online, sans contrainte de durée, produira d’autres effets comme l’engagement et l’attachement. Le client existant ou ciblé qui est déjà familier avec la marque et ses produits engagera automatiquement avec elle.
IN : pensez-vous que la créativité et le storytelling doivent aussi servir au moins autant de leviers d’engagement qu’un film classique ?
K.S. : nous croyons que l’attractivité et les valeurs cinématographiques des films brandés peuvent créer un engagement efficace quand elles sont combinées avec le message de la marque. En tant que festival international de courts-métrages, nous jugeons les films brandés selon sept critères: la cinématographie, le storytelling, l’idée, l’originalité, la production, l’essence globale et l’appel émotionnel.
IN : selon vous, les films brandés permettent-ils plus de liberté créative ?
K.S. : tout dépend de quelle liberté parlez-vous et des restrictions dues aux demandes du client. Fondamentalement, il faut toujours vérifier que le client comprend les défis auxquels il fait face et qu’il mette bien en lumière les vrais problèmes dans le brief. Si ce n’est pas le cas, c’est au boulot des directeurs créatifs de mettre le doigt sur le problème principal pour mieux le conceptualiser en se demandant comment sa créativité peut donner envie au consommateur d’engager avec la marque ? Il faut donc que le client fasse confiance aux créatifs dans un esprit d’entente mutuelle sur le sens du contenu, ses KPI et son ambition.