Depuis son lancement à South By Southwest, l’application de diffusion de vidéos en direct sur Twitter Meerkat fait le buzz. Elle suscite aussi beaucoup de questions sur sa vacuité, sa pertinence et la place du live sur les réseaux sociaux.
Le suricate est une espèce de mammifères diurnes de la famille des Herpestidae. Ce petit carnivore vit dans le sud-ouest de l’Afrique, en grands groupes familiaux au sein d’une colonie et se réfugie la nuit dans de vastes terriers. Sous son appellation anglophone, le meerkat est aussi (et surtout) la nouvelle application qui affole le landerneau des nouvelles technologies. Lancée début mars par son fondateur Ben Rubin, 27 ans, pendant le festival South By Southwest, elle permet de diffuser une vidéo en direct à ses abonnées sur Twitter. Suranné ou pertinente ? Avancée démocratique ou nouvel outil futile pour narcissiques de la Toile ?
Meerkat pourrait provoquer des vrais changements comportementaux sur les réseaux sociaux dans une société connectée accroc à l’instantanéité. Opérationnelle depuis deux mois et inexistante des radars médiatiques et populaires il y a encore trois semaines, Meerkat compterait aujourd’hui plus de 150 000 utilisateurs et vient de finaliser une levée de fonds de plus de 4 millions d’euros. Simple d’utilisation – il suffit de presser un bouton pour poster sur Twitter un lien vers le direct vidéo pris depuis son smartphone, l’application, disponible gratuite sur iOS seulement, a battu le record de croissance en un wekeend : 30% ! La raison ?
Twitter sort son Périscope
Contrarié par le buzz d’un concurrent devenu dangereux pour sa dernière acquisition baptisé Periscope, Twitter a décidé de lui couper les ponts avec son graphique social. Tout comme celui de Facebook, le sésame représente une mine d’or de données précieuses pour le développement de la start-up. Ce sont elles qui permettraient à Meerkat d’effectuer un ciblage précis des publicités en fonction des actions de l’utilisateur, les abonnements, les réponses, les retweets… Des fonctions déjà mises en place par une start up française appelée Sidemash et qui n’a jamais engendré le même engouement. Un vrai problème pour les starts ups françaises qui sont en phase avec l’évolution du numérique et des médias mais qui manquent d’une vraie crédibilité… De vraies lacunes en communications et en mise en scène de leur activité sont aussi à prendre en compte…
Ben Rubin, le fondateur y voit le signe que son application dérange le géant du micro-blogging, évoque un simple « contretemps » et annonce un futur aussi radieux que les lendemains marxistes. Sur le papier, Meerkat suggère un puits presque sans fond d’utilisation, pour les utilisateurs lambdas, pour les journalistes-citoyens en herbe, pour les marques et même pour les médias. Demain INfluencia pourrait très bien filmer une conférence en direct de Los Angeles et la diffuser en temps réel sur son compte Twitter. Demain, une chaîne d’infos serait tentée de privilégier le contenu participatif de Meerkat pour couvrir en live une actualité chaude, ou de demander à son correspondant sur place de streamer les événements depuis son smartphone.
Le journalisme-UGC en gestation ?
Le Twitter News Network abordé dans la revue INfluencia par Brian Solis– ou quand une info dont le public est devenu acteur ne révèle plus mais se tweete, a déjà inventé un nouveau journalisme-citoyen. Avec Meerkat, le journalisme-UGC serait un futur envisageable. Le lancement récent de Reported.ly, parangon du Twitter-journalisme collaboratif, par First Look Media prouve que la production du flux d’informations se démocratise et révolutionne les médias.
Demain, une marque aurait la possibilité de donner un accès exclusif et instantané à des rencontres sportives, des concerts ou des festivals directement à leurs abonnés. Demain, Monsieur tout-le-monde serait capable de communiquer en live et dans un face à face visuel en étant à l’autre bout du globe. Après tout Meerkat se vante de « créer une conversation live qui se déroule sur Twitter ». En théorie, Meerkat donne des gages de pertinence, mais dans une société impatiente transfigurée par le live, le tout de suite et l’immédiat, n’encouragent-ils pas une transparence voyeuriste ? En répondant à cette question, vous vous poserez une autre question : la vidéo live a-t-elle sa place comme acteur incontournable des réseaux sociaux ?
Une plate-forme d’expression futile de plus ?
En rachetant Periscope, Twitter rétorque que oui. Si l’oiseau bleu de Market Street à San Francisco veut couper les ailes de Meerkat, c’est bien que sa popularité l’inquiète. Mais il ne faut jamais oublier que le succès d’une application vidéo, streaming ou pas, dépend surtout de la qualité de son contenu. Chapin Clark, le DG conception et rédaction de l’agence R/GA, confiait à Digiday, la vacuité d’un l’outil qui condamnerait presque à l’oubli : « Je suis sceptique. Avez-vous déjà vu une vidéo bonne, intéressante, marrante, mémorable sur Meerkat ? La possibilité de pouvoir diffuser une vidéo en live depuis son smarpthone est une très bonne chose. Mais jusqu’à présent c’est beaucoup de ‘Regardez-moi, j’ai un téléphone’. Il y a beaucoup de vidéos de pauvre qualité alors qu’il existe déjà de nombreuses plates-formes sur lesquelles s’exprimer mais si peu qui expriment vraiment les choses. »
Le skater Tony Hawk, l’acteur et capital-risqueur Ashton Kutcher et Saul Klein, associé chez Index Ventures, sont eux moins sceptiques. Ils soutiennent Meerkat. Et vous ?