Les actualités, c’est entendu, ne voyagent pas toutes seules. Dans l’architecture des réseaux sociaux, elles se multiplient tout autant qu’elles se désorganisent. Focus sur ce genre déstructurant qui relaie : un mode d’être-ensemble insistant sur le pouvoir créateur du hasard, de la rencontre et privilégie la force des témoins pour proposer de l’information.
À coup de moments passés sur Twitter, la faculté d’être au courant de ce qu’on ne cherche pas est confondante. C’est le fait d’une actualité qui se consomme en « fils » et en superposition de « témoignages », en prises de positions ou en anecdotes personnelles. La tendance est majeure et pose la question de l’identité des personnes qui racontent l’actualité : quel endroit est digne pour raconter quoi ?
A la recherche du bon témoin
Partager, commenter … par la grâce des réseaux sociaux nous sommes tous investis d’une mission : faire passer la bonne parole. Au moins montrer qu’on « témoigne » d’elle, qu’on se positionne. L’information n’est plus à dénicher ? Non, en multipliant les acteurs dotés de paroles, la tendance est d’abord au « tri » et à la « sélection ». « Cette sélection de la bonne ou mauvaise parole », enseigne Philippe Guibert, ancien directeur d’information au gouvernement, « se fait par communauté et par viralité ». Des éléments qui laissent une place grande au goût, à la subjectivité, c’est-à-dire aux passions. « Sur le digital, on manie moins la nuance », relate d’ailleurs de façon complémentaire Jeanne Bordeau, fondatrice de l’Institut de la Qualité de l’Expression. Un format parfois binaire qui confère à l’expression une certaine autorité. Aussi, la « ville » organisée par les réseaux sociaux a la particularité d’avoir une structure transversale, où les distances sont réduites. Une architecture resserrée qui, chose inédite, donne la légitimité à chacun.e de faire circuler affects, ressentis et mises en perspective des expériences personnelles.
Légitimité de dire « je »
Notons que dans la multiplication de ces points de passage, le nivellement des savoirs s’éloigne de ce qui a longtemps été celui du pouvoir : plus je sais, plus ce que je « dis » fait autorité. La personne numérique tient, quant à elle, sa légitimité dans sa capacité à mettre en récit ses expériences. Ainsi, c’est simplement le fait de donner son avis qui revêt de l’autorité. Une auto-institution en somme.
Pour résumer, c’est la force du « je » qui nous passionne dans ces espaces. Modalité privilégiée des sentiments : « je souffre » ou « j’aime ». Celle qui privilégie les expériences au savoir institué. Pour le dire autrement, le témoignage numérique donne au « je » une légitimité en soi. Celle que nul autre que soi peut contester. Ces éléments participent à nous rappeler que c’est à l’infiniment « vécu » des choses qu’on donne autorité.