Les médias sociaux font évoluer les relations entre les marques et les consommateurs, et même les individus. Leurs codes imprègnent l’ensemble de la communication et des conversations, obligeant la mise en place d’une nouvelle forme de dialogue créatif…
Pendant longtemps, une image a valu mille mots. Aujourd’hui, par sa capacité à faire remonter les conversations sociales, un mot dièse vaut mille images ! Ce changement de paradigme résume à lui seul le bouleversement que les réseaux sociaux ont introduit dans les modes de communication.
Le choc d’une image
On ne compte plus les campagnes dans lesquelles le hashtag, symbole emblématique de Twitter, remplace les slogans. Tumblr avait en son temps démocratisé les gif, qui animent les images, comme le font aujourd’hui les cinémagraphs. Nés sur le clavier du mobile, les emojis sont devenus un vrai langage. AccorHotels les a utilisés pour aider ceux qui manquaient d’inspiration à trouver la destination qui leur correspond à travers une opération #EmojiSearch. Coca-Cola, Foot Locker ou Starbucks ont d’ailleurs créé leurs propres emojis. Ils sont aussi appréciés des marques pour leur capacité à capter l’attention de l’internaute dans une timeline. Les usages des réseaux sociaux inspirent également les créatifs.
Le spot télé réalisé par Kindaï pour le site marchand Menlook s’est inspiré du flat lay [photo à plat] et a été réalisé en s’appuyant sur des clichés d’Instagram organisant différents objets sur un aplat de couleur. « Faire appel à de vrais instagramers inscrit la marque dans un discours de vérité. Le format carré, qui est la marque de fabrique d’Instagram, attire l’attention du téléspectateur. La démarche étant moins commerciale, elle permet de s’adresser à un public de moins en moins intéressé par la publicité classique », souligne Alain Bretillot, responsable brand content de l’agence Kindaï. Dans sa série de mini clips Fashion Creatives, Mercedes-Benz a surfé sur le phénomène du selfie et fait appel à un vrai spécialiste du genre, Justin O’Shea, ancien directeur de la mode du site MyTheresa.com, devenu une star d’Instagram. L’Australien coache un mannequin qui rate systématiquement ses selfies et se désespère face à son image totalement brouillée.
Évolution ou révolution ? « Même si on saisit mieux aujourd’hui les convergences entre les différents univers, les hybridations ont de tout temps fait évoluer la création, observe Stéphane Galienni, fondateur et directeur de création de Balistik Art, spécialisée dans le buzz du luxe. La peinture a évolué du religieux au païen, la photo a retrouvé une autonomie après l’apparition du cinéma… Le numérique est un monde très protéiforme. L’écriture digitale permet à la fois de générer de l’attention, d’avoir une expression purement artistique ou de partager un message avec des amis. »
… le poids du (bon) mot
En s’immisçant dans la conversation sociale, les marques sont entrées sur un terrain qu’elles ne maîtrisaient pas forcément. Elles ont trop souvent continué à s’exprimer sur les réseaux sociaux avec des messages descendants et à utiliser les codes sociaux comme un effet de mode. « Le hashtag implique un mouvement et fait sens dans une campagne plus globale. Si la marque colle pleinement à la grammaire des réseaux sociaux, la cible comprendra qu’il y a une action derrière. Sinon, on reste dans la publicité traditionnelle, note Sandrine Plasseraud, directrice générale de l’agence conseil en com’ We Are Social. Les marques ont du mal à saisir que les réseaux sociaux ne sont pas des plateformes, mais des individus. Cela suppose de les remettre au centre du marketing, de comprendre ce qui motive l’audience, d’écouter ce qu’elle dit de la marque, ce dont elle discute… Les data aident en amont à identifier les insights. »
Le choix du hashtag est donc crucial. Il doit être plutôt court et facile à utiliser, correspondre à un insight interpersonnel, qui incite aux échanges, et être capable de porter tous les éléments de communication de la marque. Club Med Gym a encouragé les Parisiens à se mettre au sport avec sa campagne #pasdexcuse. Dior incitait à assumer l’éclat de ses rouges à lèvres avec #ShineDontBeShy. La campagne #likeagirl, réalisée pour Always, par Léo Burnett au Canada, avait des ambitions plus sociétales ; elle voulait déconstruire les préjugés sexistes et incitait les jeunes filles à ne pas perdre confiance en elles. « #likeagirl faisait sens et les gens ont eu envie de se mobiliser. Le but ultime d’une campagne sociale est d’impacter la culture du public, ce qu’Always a su faire avec #likeagirl », explique Sandrine Plasseraud.
Avant de devenir le support de la campagne digitale d’Angel Muse de Thierry Mugler, le hashtag #HatetoLove, utilisé par Balistik Art existait, mais avait été utilisé moins de mille fois. « En utilisant un hashtag qui n’est pas centré sur elle, la marque partage le même langage que la consommatrice. Des teasers en selfie ont permis de créer de la conversation. #HatetoLove est rapidement devenu un signe de ralliement. La fragrance a alors été perçue comme le parfum emblématique des jeunes », justifie le DC. Les campagnes sociales permettent aussi de travailler le branding. Pour illustrer le positionnement de BNP Paribas, « la banque d’un monde qui change », We Are Social a conçu une plateforme We Are Tennis Fan Academy afin de former les fans de ce sport à devenir de vrais supporters, avec le concours de John McEnroe.
Illustration : Elvire Caillon
Retrouvez la suite de cet article dans la revue n°18 sur l’inspiration