Républicains et démocrates sont d’accord sur une chose : la censure des propos haineux sur internet
La bataille présidentielle américaine et le conflit israélo-palestinien ont entrainé une prolifération des « hate speech » sur le web ces derniers mois. Une chose est rassurante, républicains comme démocrates comprennent la nécessité de les censurer.
On ne pensait pas pouvoir les réconcilier… il suffisait d’avoir la bonne thématique. Depuis quelques années, les conditions de la censure des propos haineux et injurieux qui se déversent chaque jour sur les plateformes sociales, font l’objet d’un grand débat, notamment aux États-Unis. Alors que la polarisation idéologique entre démocrates et républicains n’a jamais paru aussi intense, les deux camps se disputent souvent sur cette question, notamment à la lumière de la guerre entre Israël et le Hamas, qui a suscité une nouvelle consternation à propos des discours de haine antisémites et anti-palestiniens.
Les partisans des deux parties ont toujours cru – visiblement à tort – que les membres du camp opposé donneraient toujours la priorité aux victimes de « hate speech »(propos haineux) de leur propre bord, comprenez par pur calcul politique et idéologique. Pourtant, une enquête qui fait parler d’elle outre Atlantique depuis quelques jours, tant elle va à l’encontre des idées reçues, nous apprend que les démocrates et les républicains sont généralement d’accord sur ce qu’il convient de censurer lorsqu’il s’agit de la cible, de la source et de la gravité des discours de haine.
Matthew E. K. Hall, l’un des coauteurs de l’étude publiée dans les Proceedings of the National Academy of Sciences, résume la situation en ces termes : « En fait, les partisans comprennent mal les priorités de l’autre parti (…). Et ces malentendus sur la censure des discours haineux pourraient conduire à une polarisation encore plus grande parce que les gens se font une fausse idée des valeurs des membres de l’autre parti, ce qui, en année électorale, peut réduire le vote interpartis », explique celui qui est également directeur du Rooney Center for the Study of American Democracy de l’université de Notre Dame et professeur de droit constitutionnel.
La bonne méthode à appliquer
Afin de mener à bien leur travail, les auteurs ont réalisé un sondage en ligne auprès d’un échantillon de 3 357 participants, soigneusement sélectionnés « pour refléter la composition démographique des États-Unis en termes d’âge, de sexe, d’éducation, de race, d’ethnicité, de région et d’affiliation politique ». Les participants étaient exposés à une série de messages hypothétiques sur les médias sociaux, chacun contenant un contenu potentiellement répréhensible. Ces messages variaient en fonction du groupe ethnique, de la personne qui postait – un simple citoyen, un élu ou un professeur d’université –, de la gravité du message – allant de la simple critique au langage déshumanisant ou à l’incitation à la violence – et de l’affiliation politique de l’auteur du message.
Deux questions clés leurs ont été posées aux sondés : « Si vous étiez responsables d’une plateforme de médias sociaux, supprimeriez-vous le message ? » et « Toujours dans ce cas de figure, désactiveriez-vous le compte de l’utilisateur ? ». Ils étaient également invités à prédire comment un républicain ou un démocrate typique réagirait aux mêmes scénarios. Les chercheurs ont ainsi pu comparer les préférences réelles en matière de censure avec les préférences partisanes perçues.
Le verre à moitié plein
Après avoir analysé toutes les réponses obtenues, Matthew E. K. Hall et ses compères ont réalisé que l’une des principales divergences entre les deux camps était que d’un côté les démocrates surestimaient la volonté des autres à censurer les discours qui ciblent spécifiquement les blancs tandis que les républicains… sous-estimaient la capacité des premiers à faire de même. Autres enseignements, les républicains et les démocrates sont particulièrement préoccupés par les discours haineux antisémites et sont plus favorables à la censure des discours anti-Noirs que de toute autre forme de discours haineux.
Chiffres à l’appui : plus de 60 % des personnes interrogées ont recommandé de supprimer les messages ciblant les Noirs et plus de 58 % à propos de hate speech ciblant les Juifs. 54,8% et 54,6 % des sondés ont également choisi de supprimer les messages ciblant, dans l’ordre, les Palestiniens et les Blancs.
La responsabilité d’un élu > La responsabilité d’un citoyen
Malgré tout, les chercheurs ont fait une découverte inattendue : ni l’appartenance partisane du sondé ni sa position dans la société n’ont influé sur sa manière de concevoir la censure des hate speech, ils déclarent dans l’étude. La seule exception à cette règle étant que les démocrates sont globalement plus enclins à désactiver les comptes appartenant à des élus qu’à de simples citoyens.
« Les débats sur la modération des discours haineux devraient se concentrer sur la compréhension des perceptions erronées des préférences en matière de censure plutôt que sur ce qui devrait être censuré ou qui devrait l’être », déclare l’une des auteures, Brittany C. Solomon, professeur adjoint de leadership administratif au Mendoza College of Business de Notre Dame.
La constitution n’est pas un blanc-seing
Matthew E. K. Hall en est certain : « cette étude démontre également aux plateformes qu’elles peuvent trouver des politiques consensuelles en la matière susceptibles de recueillir un large soutien, même en cette période de forte polarisation(…) Les résultats suggèrent également que les cadrages médiatiques autour des débats partisans – comme ceux sur la liberté d’expression – sont en grande partie dus à des malentendus et nous devons mieux éduquer le public sur ces malentendus ».
D’un autre côté, si la Constitution américaine protège par principe la liberté d’expression, cette garantie constitutionnelle n’autorise pas les discours haineux à se propager sans entrave. « Le gouvernement peut réglementer le discours s’il est considéré comme une incitation à l’anarchie, comme une véritable menace ou comme une atteinte à l’ordre public », concluent les chercheurs.
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