INfluencia : Vous avez l’habitude à Sociovision de travailler sur le temps long. Comment, depuis fin 2023, voyez-vous l’avenir du retail ?
Rémy Oudghiri: L’e-commerce continuera sa progression. En Chine, les ventes sur Internet ont déjà dépassé les ventes physiques. À cet égard, ce pays est très en avance par rapport aux États-Unis et à l’Europe, et les usages qui en sont fait sont autant de pistes à observer. En Chine comme en Asie, le commerce est de plus en plus déporté des plateformes vers les réseaux sociaux (live shopping, live streaming…), et les influenceurs jouent là un très grand rôle, notamment auprès des jeunes. Dans les années à venir, l’expérience sur le digital sera fortement enrichie par le recours à l’intelligence artificielle et à la réalité virtuelle, qui y rendront l’expérience d’achat plus confortable, plus ludique, pour en faire un véritable divertissement.
IN : Que deviendra le commerce physique ?
RO: Il devra continuer à se réinventer et quatre pistes principales se dégagent de nos études. L’une est la multiplication de lieux expérientiels, véritables show-rooms haut de gamme, où le client viendra faire l’expérience d’un produit ou d’une marque. Il s’y rendra d’abord pour l’expérience, plus que pour acheter. Le développement de l’événementiel autour de la beauté, de la mode, du bien-être va s’exacerber et sera un vrai point d’entrée pour faire venir les consommateurs en magasin. Enfin, quelle que soit l’évolution de la situation économique à l’avenir, il y aura de plus en plus d’enseignes low-cost de type Action, Norma, Hema, Tedi… Et pourquoi pas, demain, un centre commercial dédié à ce type d’enseignes, nouveau temple de la consommation ciblant les classes moyennes en quête de bons plans ? Un autre scénario que Sociovision suit depuis quelque temps est la part grandissante allouée aux loisirs, au sport et à la restauration dans les centres commerciaux.
La dimension de transition écologique sera attendue des acteurs commerciaux comme une sorte de « contrat de base ».
IN : La crise des classes moyennes et la sensibilité à la transition écologique risquent-elles d’être des écueils pour l’avenir du commerce ?
RO: Même si les consommateurs étaient bloqués par leur pouvoir d’achat ou désireux de s’engager dans une consommation plus modérée, consommer restera un des plaisirs de la vie. Qu’il s’agisse d’acheter sur Internet ou dans les magasins physiques, tous les futurs scenarios amplifient la dimension plaisir du retail. Mais les consommateurs seront de plus en plus sensibles aux arguments de transition écologique, et cette dimension sera attendue des acteurs comme une sorte de « contrat de base ». On exigera que les retailers et les marques qu’ils distribuent s’engagent à moins gaspiller, augmentent leur recours à l’économie circulaire, proposent des offres de seconde main. Une dose de responsabilité, donc, mais sans tuer le plaisir.
Propos recueillis par Anika Michalowska