A lire les offres d’emplois diffusées sur les jobboards ou autres réseaux sociaux , force est de constater que la communication de recrutement, plutôt que d’avoir profité des progrès technologiques, est revenue à un style sémantique digne des « PA » (alias petites annonces) de l’après-guerre.
Définitions de postes techniques à peine retravaillées, des formules copiées collées d’une entreprise à une autre… Pour trouver la perle rare, le trait d’union entre le projet personnel du candidat et celui de l’entreprise s’exprime à travers un jargon RH indigeste. En parallèle, le lexique des émojis s’invite dans nos messages au point même d’être devenu une langue écrite à part entière pour les 12/18 ans.
Entre incapacité des entreprises à conceptualiser leurs offres d’emplois au retour du langage par l’image des plus jeunes, la relation employeur / employé court le risque de malentendus culturels inédits, synonymes à court terme de manque d’engagement, de départs prématurés et d’erreurs grossières de recrutement.
Besoin d’un rédacteur en chef ?
Les lettres de noblesse acquises ces dernières décennies par la communication RH, portées par le concept de Marque Employeur, sont aujourd’hui mises à mal par l’absence de sens des mots et d’ambition qui en découle. Ne plus savoir « parler humain », c’est se soumettre à un dialogue qui prend les mots pour des idées et se soumet à une pensée interchangeable du vivre ensemble professionnel.
Limiter l’ambition d’un projet partagé à des considérations de compétences recherchées, sans oser formuler l’ambition humaine de l’entreprise, c’est faire de l’acte d’embauche un acte d’intérim de la relation. Cette situation, largement entretenue par des apprentis sorciers du langage convenu qui, sous couvert de surfer sur les modes du bonheur et de la bienveillance, est dangereuse au moment où la quête de sens et de vrai n’a jamais été aussi importante.
Savoir se présenter en tant qu’employeur, être attractif et sélectif à la fois, ne relève pas d’un jargon de recruteur mais bien d’une profession de foi culturelle. Trop d’entreprises se plaignent de leurs difficultés à attirer de bons profils mais rares sont celles qui se posent les bonnes questions : en quoi ma culture d’entreprise doit guider mon message recrutement ? Comment doter mon entreprise d’un discours socle employeur exclusif qui crée de la différence émotionnelle ? Comment adapter ma sémantique à l’environnement où je m’exprime ?
Recrutement, un virage à 180 ° ?
Face à la banalisation des expressions RH et à l’uniformisation du langage corporate, travailler ses mots à soi pour nouer une relation durable est plus que jamais un acte de management culturel nécessaire. La communication RH est le fil à plomb de la communication corporate ; elle aligne les points de vue sur l’essentiel et dessine la posture employeur non pas comme un mal nécessaire confié à des juniors qui doivent se débrouiller avec des bouts de ficelle ou encore à des techniciens du sourcing qui n’ont aucune sensibilité humaine, mais bien comme une fierté affichée et revendiquée.
Face aux maux du recrutement, l’entreprise a tout à gagner à brandir son lexique culturel et ses mots qui sentent bon l’exclusivité, la fierté d’être et l’ambition du faire ensemble. Au-delà du choc de générations incarné par les Mutants nés après 1995- les fameux Z – c’est à un vrai choc de langage auquel doit se préparer l’entreprise. A une encablure des 20 ans du concept de Marque Employeur, les agences de communication RH sont l’avenir de la performance employeur des entreprises, protégeant leurs clients des modes au profit d’un chemin plus exigeant : le courage d’être soi-même. N’est-ce pas ce que tout bon recruteur attend d’un candidat…