Ils n’arrêtent pas une seconde. Invités par BMW dans le restaurant étoilé de son showroom munichois, ils ne prennent pas le temps d’apprécier les petits plats qui leur sont servis. Dès qu’une assiette est posée devant eux, ils se saisissent de leur téléphone pour faire un cliché et le postent immédiatement sur leurs réseaux sociaux. Les plus gourmands acceptent de poser quelques secondes leur portable pour prendre leur fourchette et avaler une bouchée. Les autres comparent leurs galeries de photos. La plupart des images sont très belles. Beaucoup ont été retouchées sur un ordinateur avant d’être diffusées sur la Toile. « Et toi, tu as combien de followers ? 800.000 ? C’est pas mal. Moi, j’ai passé le cap du million il y a plusieurs mois déjà. » Invité à participer à ce dîner, je fais un peu « tache » au milieu de cette assemblée d’influenceurs français, moi, le journaliste « papier » basé à Munich. « Jamais vous ne vous arrêtez de surfer et de diffuser des contenus sur vos comptes », ose-je demander à mes voisins de table. Tous éclatent de rire à l’unisson. « On ne peut pas, m’explique une jeune femme. Pour satisfaire nos abonnés, nous devons sans cesse leur envoyer des messages et des photos. Et puis BMW nous invite pour cela aussi… » L’échange ne durera pas plus longtemps. Les revoilà tous plongés dans l’écran de leur smartphone et moi dans mon assiette joliment garnie. La vie rêvée des influenceurs n’est pas un long fleuve tranquille.
Trop connu, trop rapidement
Les plus populaires doivent pouvoir gérer leur renommée souvent arrivée très vite et très tôt. Passer de l’anonymat le plus complet à la célébrité planétaire en quelques mois à peine n’est pas simple surtout à un très jeune âge. Les « créateurs du web » doivent également publier sans cesse des contenus pour garder leurs followers et en attirer de nouveaux. Marier quantité à qualité n’est pas aisé. La popularité attire aussi souvent les critiques et les « haters » dont la cruauté n’a d’égal que la stupidité et la méchanceté de la plupart de leurs commentaires postés sur internet. Cette pression constante fini par peser sur les épaules des YouTubeurs, Instagrammeurs et autres TikTokeurs…
Mal réel, renommée virtuelle
Une récente enquête effectuée par Vibely auprès de 150 influenceurs ayant pour près de la moitié d’entre eux (45,3%) entre 100.000 et 500.000 followers montre que 90% des « créateurs » disent avoir déjà souffert de burnout. Oui, vous avez bien lu : 90%… 71% des sondés reconnaissent même avoir déjà pensé à arrêter de diffuser des contenus sur le web. 65% des personnes interrogées ont déclaré que l’un de leurs principaux facteurs de stress était les modifications des algorithmes des plateformes. « Même les changements mineurs ou les shadowbans provoquent des effets en aval qui détaillent la stratégie de contenu, les opérations quotidiennes, les revenus et le bien-être général », explique cette étude. 59% des créateurs ont également cité la nécessité de vivre de leur contenu comme l’un de leurs principaux facteurs de stress, 51% souffrent de l’effet « roue de hamster » consistant à réaliser sans cesse des vidéos, 51% ont souligné leur anxiété liée au nombre de followers, 42% ont déclaré avoir été victimes de harcèlement et d’intimidation, 29% se disent stressés par le syndrome de l’imposteur et 19% jugent que le risque de contrecoup contre leur contenu a un impact important sur leur santé mentale. N’en jetez plus…
Dépression, quand tu nous guettes
De plus en plus d’influenceurs commencent aujourd’hui à afficher leur mal de vivre sur internet. La YouTubeuse canadienne Elle Mills, qui compte 1,77 million d’abonnés, a montré les conséquences dévastatrices sur sa santé mentale de sa renommée subite dans une vidéo baptisée Burn Out At 19 de près de 7 minutes qui a été visionnée plus de 2,1 millions de fois. La gigastar de TikTok, Charli D’Amelio qui compte 140,8 millions de followers et sa sœur Dixie ont choisi dans leur télé-réalité The D’Amelio Show diffusée sur Disney + de montrer l’envers du décor de leur vie de vedettes sur les réseaux sociaux. Crise de panique, pleurs, anxiété, dépression. Les courtes vidéos de la souriante danseuse américaine seraient-elles uniquement de la poudre aux yeux. Faites lire cet article à vos ados qui rêvent de devenir influenceurs…