18 janvier 2024

Temps de lecture : 4 min

Rafael Nadal cède lui-aussi son image à l’Arabie Saoudite… et à ses pétrodollars

Toujours aussi soucieuse de redorer son image sur la scène international, l’Arabie saoudite poursuit ses emplettes dans le secteur du sport en s’offrant une légende de sa discipline et l’un des athlètes les plus accomplis de sa génération : Rafael Nadal.

« Non, pas ça Rafa, pas après tout ce que tu as fait », pourrait s’apitoyer Thierry Gilardi suite à cette annonce — et c’est un fan de la première heure qui écrit ces lignes —. Rafael Nadal, véritable mythe du tennis, détenteur de 22 titres en Grand Chelem et chouchou du public pendant de nombreuses années pour son attitude irréprochable, vient tout juste d’être nommé ambassadeur de la Fédération saoudienne de tennis « dans le cadre d’un engagement à long terme visant à contribuer au développement du sport et à inspirer une nouvelle génération d’athlètes en Arabie saoudite ».

 

 

Cette collaboration, annoncée ce lundi par la Fédération, conduira le joueur espagnol à passer du temps chaque année dans le Royaume pour aider à planifier le développement et la formation des jeunes tout en permettant d’accroître l’intérêt global de la population saoudienne pour la petite balle jaune. Une collaboration qui s’apparente clairement à une opération de soft power dans le cadre plus global du programme Vision 2030 menée en grande pompe depuis quelques années par le prince héritier Mohamed ben Salmane.

Depuis 2018, le Royaume a organisé plus de 85 événements internationaux pour les athlètes masculins et féminins, notamment dans les domaines du football, des sports mécaniques, du tennis, de l’équitation, de l’e-sport et du golf. Cet été, et avant Rafa donc, de nombreuses stars du foot avaient déjà cédé aux appels du pieds du championnat saoudien – et à ses juteux contrats – pour venir y exercer leur art.

 

 

Avantage pour la sphère politique ?

En plus d’encourager la croissance du sport en général, la Fédération saoudienne de tennis a également lancé des plans pour développer une annexe de l’académie de tennis de Rafael Nadal – un projet qui lui tient particulièrement à cœur et dont la maison mère se situe depuis 2016 chez lui, à Majorque – afin de mieux cultiver les jeunes talents du royaume. Au moment de commenter cette annonce, l’ogre de l’ocre – un sobriquet qui lui va si bien – a déclaré : « Partout où l’on regarde en Arabie saoudite, on peut voir la croissance et le progrès et je suis ravi d’en faire partie ».

Très bien Rafa mais de quel progrès parles-tu exactement ? Économique ? Sociétal ? Vis-à-vis des droits de l’homme…. ? Il faut être clair. Avant de poursuivre : « je continue à jouer au tennis car j’aime ce sport. Mais au-delà du jeu, je veux l’aider à se développer partout dans le monde et en Arabie saoudite, il y a un vrai potentiel (…). Si je peux aider les enfants à prendre une raquette ou simplement à se mettre en forme et à profiter des avantages d’un mode de vie sain, je serai heureux d’avoir fait la différence ».

 

 

Jeu, set et éléments de langage

L’Arabie saoudite compte actuellement 177 clubs de tennis, soit une augmentation de 146 % des infrastructures depuis 2019. Au cours des quatre dernières années, le nombre de joueurs inscrits a augmenté de 46 % pour atteindre 2 300, et le nombre de moins de 14 ans a augmenté de 100 %, passant de 500 à 1 000, a indiqué la STF – pour Scarborough Tennis Federation, le nom officiel de la fédération saoudienne de tennis –. Son grand patron, Arij Almutabagani, n’a eu aucun mal à démontrer l’intérêt pour son pays de cette collaboration avec le goat du tennis – on a vous a prévenu que l’on n’était pas impartial – : « Rafa incarne – sur et en dehors du court – toutes les valeurs chères à un vrai champion ».

Le président de la STF a ensuite salué le « dévouement de Nadal à l’entraînement, son engagement sur chaque coup et la façon dont il se bat pour chaque point » tout en espérant qu’il pourrait inculquer ces valeurs aux futures stars du pays pour les aider à se développer non pas en tant que « joueurs, mais en tant que personnes. Il est tout simplement le modèle idéal pour nos jeunes garçons et filles ».

 

 

Circulez, il n’y a rien à voir

Qu’on le veuille ou non, l’Arabie saoudite pèse très lourd au sein de la communauté internationale. L’incroyable quantité de pétrole présente dans la région en fait l’un des États les plus riches et les plus influents du monde. Bien consciente, pour autant, que cette manne financière ne durera pas éternellement – même si elle a de beaux jours devant elle –, le pays a fait le choix ces dernières années de diversifier son économie. Comme le rappelait l’OWPOrganization for World Peace – dans un article publié en novembre dernier : « Depuis 2021, le pays a vu son Fonds d’investissement public investir massivement dans un certain nombre d’industries sportives majeures ; il a d’abord créé une nouvelle ligue de golf flambant neuve, racheté le prestigieux club de football Newcastle United et pas moins de quatre clubs de la Saudi Football League » (qui ont pu ensuite accueillir de nombreuses stars européennes comme on l’expliquait en intro).

Si la position officielle du Royaume est qu’il s’agit uniquement de diversifier son économie, beaucoup d’observateurs y voient une tentative de détourner l’attention de l’occident de son bilan en matière de droits de l’homme.

Une vaste opération de sportwashing dénoncée par Amnesty International, en somme, qui viserait à ce que l’Arabie saoudite nous évoque davantage des coup francs de 30 mètres marqués par Cristiano Ronaldo, ou peut-être à l’avenir une académie Rafael Nadal qui accueillerait toutes les jeunes pépites du sport, que des exécutions sanctionnées par la communauté internationale, une politique inhumaine à l’égard de la communauté LGBT+ ou à des assassinats sur le sol étranger.

 

 

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