En plein mouvement Black Lives Matter, l’annonce de la nomination de Bozoma Saint John à la tête du marketing mondial de Netflix est hautement symbolique. Mais il serait faux d’y voir une quelconque marque de discrimination positive : au fil des années, elle a su s’imposer dans le paysage de l’entertainment américain grâce à son charisme et à sa détermination…
“Boz est phénoménale” : c’est par ces mots que nous la décrit Ian Rogers, l’actuel Chief Digital Officer du groupe LVMH, qui l’avait embauchée chez Beats Music en 2014. Et de poursuivre : “elle n’est pas seulement une grande professionnelle, elle est aussi une personne formidable. Elle fait partie des vrais grands. C’est une inspiration”. Avant de rejoindre Beats Music, Apple, Uber et enfin Netflix, Bozoma Saint John s’était déjà distinguée en opérant pendant presque dix ans l’incursion de Pepsico dans le monde de la musique et du divertissement, nouant des liens avec Kanye West, Nicki Minaj, Eminem, Katy Perry ou encore Michael Jackson… On lui doit notamment l’intervention de Beyoncé à la mi-temps du Superbowl 2013. Un plus large public la découvre en 2016 à l’occasion de la Worldwide Developers’ Conference d’Apple. En effet, quelques mois à peine après son arrivée chez Beats Music, l’entreprise est rachetée par la firme à la pomme : Bozoma Saint John se retrouve propulsée à la tête du marketing d’Apple Music et d’iTunes. Sur la scène de la grand-messe d’Apple, elle marque alors les esprits par son charisme et son dynamisme. Dans la foulée de sa keynote, Buzzfeed la désigne comme la “coolest person ever”. Quelques mois plus tard, elle apparaît dans un spot TV de la marque.
Elle électrise le public du festival SXSW
Deux ans après, en 2018, elle électrise le public du festival SXSW en montant sur scène avec un look détonnant, alors qu’elle a pris le rôle de Chief Brand Officer chez Uber l’année précédente. Un poste éphémère : moins d’un an après ses débuts au sein de l’entreprise si controversée, elle jette l’éponge et revient à son domaine de prédilection : le divertissement, chez Endeavor, le premier groupe de gestion de talents aux Etats-Unis. Chez Netflix, Bozoma Saint John devrait mettre en place une communication plus émotionnelle et moins « data-driven », dans un contexte concurrentiel exacerbé par l’arrivée de Disney sur le marché de la SVOD. La marque Netflix peine en effet à exister en elle-même au-delà de ses programmes, dont la promotion monopolise l’essentiel des 2,65 milliards de dollars consacrés au marketing l’an dernier. Son recrutement intervient aussi à un moment où Netflix renforce ses engagements pour la diversité, avec la campagne “Made by Africa, Watched by the world” mettant en avant les talents africains produisant des contenus pour la plateforme ou l’annonce de l’attribution de 100 millions de dollars à des institutions financières engagées dans le soutien des communautés afro-américaines.
Interrogée pour les Cannes Lions Live sur le sujet des discriminations raciales aux Etats-Unis, Bozoma Saint John a exprimé son « choc » devant l’ampleur du mouvement Black Lives Matter. « Je ne suis pas choqué par l’injustice raciale. Come on, je suis une femme noire, je l’ai vécu pendant les 43 dernières années. Ce qui m’impressionne, c’est de voir la réaction des entreprises. […] C’est une surprise pour moi, je n’ai jamais vu une action de cette dimension. Mon espoir est que cela continue ». Elle explique que sa mission consiste désormais “à faire en sorte que chaque entreprise comprenne ce qu’il se passe. Et réagisse. Ça va prendre du temps.” Elle s’est impliquée personnellement à travers le lancement de l’opération #ShareTheMicNow, invitant des influenceuses comme Kourtney Kardashian, Gwyneth Paltrow ou Diane von Furstenberg à partager leurs comptes sur les réseaux sociaux avec des femmes de couleur, pour les aider à faire entendre leur voix à un large public. En 2018, à SXSW, elle prenait déjà la parole sur le sujet : “nous demandons un changement. Et ce n’est pas aux personnes de couleurs de faire du bruit. Tout le monde doit faire du bruit. Je veux que les hommes blancs fassent du bruit, qu’ils regardent autour d’eux, dans leur bureau et se disent ‘oh, il y a beaucoup d’hommes blancs ici, changeons ça ! » Deux ans plus tard, elle semble avoir été entendue.