Depuis quatre mois et cinq épisodes, une productrice et experte en communication propose aux curieux de découvrir les secrets de l’univers de YouTube en même temps qu’elle. Comment devient-on un youtubeur aujourd’hui ? Mélanie Pin se plonge dans les arcanes.
« Au bureau, à la maison ou en mobilité, YouTube accompagne les Français et leur permet de vivre de nouvelles expériences culturelles et sociales. C’est devenu un carrefour d’audience et de visibilité incontournable pour les marques. » Le constat est peut-être forcément biaisé puisqu’il émane du DG de Google France, Nick Leeder. Mais qui a dit que dans l’auto-promo il n’y avait pas de vérité ? Les chiffres sont eux objectifs: selon Médiamétrie, plus de 33 millions de Français vont sur YouTube chaque mois et le temps passé sur la plateforme a crû de 40% sur un an. L’année 2016 a marqué un tournant puisque désormais un Français sur deux âgé entre 16 et 44 ans se rend quotidiennement sur la plateforme tous les jours. La proportion passe à 75% pour les 16-24 ans. Levier d’engagement unique, YouTube possède son propre langage, ses codes, ses règles, ses modèles économiques. Comment arriver à comprendre les arcanes de cet écosystème unique au monde ? La conseillère en com’ et jeune youtubeuse Mélanie Pin interroge avec humour ce qui fait le succès de ce média aux chiffres d’audience vertigineux.
Comment devient-on un as de YouTube ? Depuis quatre mois, Mélanie Pin propose un concept de contenu original pour découvrir les secrets de fabrication et de monétisation de YouTube. Son projet est simple: s’emparer de toutes les problématiques qui font, ou non, le succès des youtubeurs. Son challenge: imaginer de nouvelles manières de rallier les internautes, faire participer des personnalités, leur lancer des défis, relever les leurs… « On peut dire que je suis une youtubeuse qui raconte sa vie de youtubeuse », nous précise Mélanie Pin, qui a déjà publié cinq épisodes. Chacun dure en moyenne trois minutes. « Pour ceux qui cherchent à comprendre, l’idée est d’être dedans et dehors à la fois. Dehors pour poser un regard et donner des pistes de réflexion. Dedans pour mieux connaître afin de bien appréhender. » Intriguant. INfluencia a voulu en savoir plus en interrogeant une communicante en immersion expérimentale dans « la jungle », comme elle définit elle-même YouTube.
INfluencia: vous affirmez que vos vidéos ne s’adressent pas obligatoirement à la jeune génération mais bien aux jeunes adultes et adultes. Vous visez également les entrepreneurs comme les particuliers souhaitant se lancer sur YouTube. Il y a donc autant de gens qui n’en maitrisent ni les usages, ni les comportements ?
Mélanie Pin: YouTube est une véritable jungle de la vidéo, avec chaque jour des centaines de milliers de nouveaux petits films mis en ligne. Cuisine, danse, coiffure, mécanique, techniques de vente… Tout est possible. Il s’agit simplement pour l’utilisateur de poster en ligne sa vidéo et de suivre son évolution, la façon dont elle est accueillie grâce au nombre de vues et aux commentaires, de la partager, et d’en faire le maillon d’une longue chaîne. Mais YouTube n’est pas juste un passe-temps, il est un réel moyen de gagner de l’argent, ce qui explique l’engouement autour de ce réseau social bien particulier. Ces vidéastes du net peuvent gagner 0,80 centime reversé par YouTube pour chaque tranche de 1000 vues. Alors que des youtubeurs tels que Norman ou Cyprien gagnent déjà des milliers d’euros grâce à leurs millions d’abonnés, d’autres se lancent dans ce grand bain et tentent leur chance sans trop savoir comment s’y prendre. You Tube est au final un univers encore assez opaque, que ce soit sur les processus de création, les modèles économiques ou les moyens d’attirer du monde sur sa chaine. Comment tout cela marche ? C’est ce que je veux comprendre.
IN: c’est pour immerger votre audience en même temps que vous que vous avez choisi un concept participatif très interactif ?
MP: ce projet est une ambition expérimentale qui consiste en effet à découvrir en même temps que l’internaute comment ça se passe de l’autre côté. Cette idée est celle d’une réflexion, pas d’une inspiration particulière. Je n’ai pas la prétention de réaliser des tutoriaux, je ne donne pas de recette universelle. Mon défi est d’arriver à séduire les internautes sur une promesse. J’ai besoin d’eux pour avancer. Plus je serai suivie, plus j’aurai de moyens. Je dis à l’internaute: « viens découvrir avec moi. Si tu as des idées, partage les avec moi et je cherche les réponses pour toi. Je t’accompagne, on est ensemble dans cette expérience. » Je n’ai pas encore de modèle économique mais heureusement je n’ai pas besoin de participer à la course poursuite aux vues.
IN: pour influencer et conseiller, vous avez dû apprendre les us et coutumes d’un univers qui possède ses propres codes. Qu’avez-vous retenu sur les relations entre créateur de contenu et audience ?
MP: j’ai découvert des codes. Deux m’ont vraiment surprise et interpellée. Primo j’ai constaté que faire la « putaclic » est mal perçu. Les internautes veulent que vous respectiez la promesse que vous avez faite dans le titre ou le teaser. Idem pour le placement de produit. L’internaute de YouTube est familier avec les codes et le langage de ce procédé publicitaire, il préfère donc que cela soit assumé. Sur You Tube qualité et récurrence du contenu finissent par payer sur le long terme mais ce ne sont pas foncièrement ceux qui ont le meilleur contenu qui cartonnent. Ceux là sont ceux qui ont su être proches des gens, les impliquer. Je suis arrivée après la bataille et j’ai été franchement bluffée par les véritables communautés que certains youtubeurs ont pu créer. Elles sont ultra fidèles mais ne font pas de cadeau. Les chiffres d’audience des gros youtubeurs sont astronomiques: les abonnées totaux des trois plus gros Français équivalent à la population de l’Australie. On ne peut pas rivaliser avec ça.
IN: si je débarque aujourd’hui sur YouTube avec ma chaîne, vais-je pouvoir en vivre ?
MP: je le redis, c’est une jungle. Sortir du lot, c’est très difficile si vous n’avez pas déjà une communauté derrière vous ou un contenu vraiment exceptionnel. Quand YouTube a changé ses algorithmes, cela a aussi changé le moteur de suggestion des vidéos et c’était le branle-bas de combat chez les youtubeurs. Le like n’a désormais un impact que s’il arrive rapidement. On s’est donc retrouvé avec des youtubeurs qui demandent de liker avant même d’avoir vu tout le contenu. C’est pour cela que que je pense qu’il faut trouver des moyens originaux extérieurs à YouTube pour ne pas être noyé. Cela peut passer par des opérations physiques dans la rue, comme je l’ai fait aux Champs-Elysées en proposant un hug en échange d’un abonnement à ma chaine.