D’après l’ONU, la France est le 25ème pays le plus heureux au monde… loin derrière le Danemark, la Norvège et la Suède. Mais, souvent décrit comme indicible, le bonheur est-il vraiment mesurable? Les femmes semblent, en définitive, plutôt loquaces sur le sujet. Analyse de Womenology.fr/aufeminin.com
Selon une étude menée par Womenology.fr en janvier 2014, 62% des femmes interrogées affirment être heureuses. Du bonheur, il n’y aurait donc rien à dire ? Ce sentiment de bonheur cache, en réalité, des écarts singuliers. Par tranche d’âge et par type de vie. Si les femmes déclarent être heureuses dans leur vie amicale et familiale à 70%, elles ne sont plus que 60% à l’être dans leur vie professionnelle, 43% dans leur vie sexuelle et 45% dans leur vie conjugale.
L’amour : drogue douce ou drogue dure du bonheur ?
A la question « Qu’est-ce qui pourrait vous rendre plus heureuse en 2014 ? », le premier critère plébiscité par les femmes est incontestablement l’amour : « trouver le grand amour », « s’engager avec mon copain », « emménager avec mon compagnon », « faire des projets de couple ». Pour Michel Reynaud, auteur de « L’amour est une drogue douce… en général » (2008), le bonheur prend la forme de l’addiction. « Lorsque vous êtes amoureux, vous voyez la vie en rose, pleine de bonheur, votre imagination et votre créativité se développent. Cette énergie est tournée vers l’autre… Lorsqu’il est absent, lorsque le portable est muet, votre ventre se noue, le manque est insupportable, et si jamais il part pour de bon, tout devient gris, sans intérêt et vous êtes prêt à tout sacrifier pour le retrouver. C’est un modèle très similaire à ce que vit un sujet addict ». La vie de famille est également la pierre angulaire du bonheur : « une vie de famille », « avoir un enfant ». Le bonheur des enfants semble faire le bonheur des mères : « que mes enfants soient heureux », « je pense à mes enfants, pour eux, c’est le travail, la santé ».
Bonheur : les femmes plus exigeantes que les hommes ?
D’après le sociologue François de Singly, auteur du livre « Séparées » : « contrairement aux hommes, les femmes surinvestissent le couple et la famille. Elles en font la condition de leur bonheur. (…) Leur déception est alors proportionnelle à leur niveau d’exigence. Lorsqu’elles se sentent délaissées, incomprises ou trahies, elles n’hésitent pas à partir ». Parallèlement à l’aspiration à la vie de famille heureuse, la réussite au travail est aussi très présente : « trouver sa voie », « obtenir une promotion », « atteindre ses objectifs professionnels ».
Comment devenir une marque porte-bonheur ?
Si les satisfactions sexuelles, amoureuses, professionnelles décroissent malheureusement avec l’âge, ce n’est pas le cas d’un sentiment plus général de bonheur. Et les marques y apportent leur petite contribution à tout âge. D’après Gilles Lipovetski, essayiste et professeur de Français : « la consommation a un rôle quasiment thérapeutique. Aujourd’hui si l’on est déprimé on va au cinéma, chez le coiffeur, ou on voyage ». Lorsque l’on demande aux femmes: « Quelle(s) marque(s) vous rende(nt) heureuses et pourquoi ? », deux types de marques se distinguent : celles qui réconfortent et celles qui sont sources d’empowerment.
Small is beautiful : les marques des petits plaisirs, petits bonheurs
Les marques citées sont caractérisées comme douces et proposent des moments de bien-être. « Kinder : la douceur du chocolat au lait »; « Milka car c’est super bon et doux »; » Picard, pour ses petits plats délicieux »; « Toutes les marques de chocolat me rendent heureuses».
Le bonheur des marques : et moi, et moi, et moi !
Les femmes utilisent des pronoms possessifs pour qualifier leur bonheur : « Nutella ! Parce qu’il réchauffe mon coeur quand j’ai un coup de blues »; « Kiabi, ils me chouchoutent »; « Les cosmétiques Aesop car ils me détendent tellement le soir ».
Les marques « self esteem », sources d’empowerment
De leur côté, les marques dites « self esteem » construisent aussi le bonheur. Elles magnifient les femmes. Elles sont créatrices de confiance en soi. Les marques de beauté et de mode gagnent la mise : « Au niveau de la beauté Mac, Opi, Clarins… permettent de se donner quelques minutes de bonheur en prenant soin de soi », « Morgan, on se sent magnifique dans leurs robes » ; « Benefit et Sephora, car j’aime me sentir belle », « Zara pour être bien lookée », « Clarins pour avoir une bonne mine », « Yves Rocher car c’est la beauté et le fait de prendre soin de soi. » . Le bonheur se vit-il aussi dans l’oubli de soi ? « Chanel, Gucci …. mes petits trésors quand je les porte, je suis une autre femme ».
L’accumulation des petits plaisirs quotidiens aurait un impact plus fort sur le bonheur des individus que celui d’une seule grande joie, d’après les résultats d’une étude menée en 2008 par plusieurs chercheurs en marketing, économie et psychologie comportementale. Dans cette perspective, les marques trouvent une place de choix dans le quotidien des femmes. Elles proposent des instants de bien-être à répétition qui participent à leur bonheur. Amplifiant l’estime personnelle, réconfortantes dans des moments de doute, les marques ont leur rôle à jouer. Gilles Lipovetski indique que : « la question du bonheur se joue surtout au niveau de l’image que l’on a de soi». Louise Michel, militante anarchiste née en 1830 déclarait au sujet du bonheur: « Vous cherchez le bonheur, pauvres fous? Passez votre chemin: le bonheur n’est nulle part ». On dirait pourtant qu’en 2014, les femmes savent très bien l’identifier et où le trouver. La société de consommation est passée par là. Les marques… d’amour conditionnent, en premier lieu, le bonheur.
Benjamin SMADJA, Directeur Marketing et Marion BRAIZAZ, Doctorante en sociologie, aufeminin.com ; Womenology.fr
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Crédit photos cover : Kanako & My Little Paris