Jadis ville la plus dangereuse au monde, la cité colombienne anciennement contrôlée par le narcotrafiquant Pablo Escobar est devenue « la ville la plus innovante au monde » selon le Wall Street Journal et est aujourd’hui un exemple de reconversion cité dans le monde entier.
C’est l’histoire d’une renaissance qui ressemble à un conte de fée. C’est un exemple parfait qui prouve que l’architecture et l’urbanisme peuvent devenir de véritables outils d’intégration sociale. Medellín était considérée dans les années 90 comme la ville la plus dangereuse au monde. Cette cité de 3,9 millions d’habitants était contrôlée par le baron de la drogue le plus puissant de tous les temps, Pablo Escobar, et ses « sicarios » (« tueurs à gage ») sans foi ni loi. En 1991 avec 381 morts pour 100.000 habitants, la deuxième plus grande ville de Colombie détenait le triste record du plus haut ratio d’homicides de la planète. La mort de Pablo Escobar en 1993 et le démantèlement de son cartel ont permis à Medellín de renaître de ses cendres. En 2012, le Wall Street Journal a élu la cité de naissance du peintre et sculpteur Botero, « ville la plus innovante au monde ». Son taux d’homicide a chuté de 95% et son taux de pauvreté (13,4%) est inférieur de moitié à la moyenne nationale. « La ville de l’éternel printemps », comme la surnomment les Sud-américains, n’a jamais aussi bien porté son nom…
La mairie s’implique
Cette renaissance n’aurait pas été possible sans l’implication totale de la municipalité et sans les importants fonds publics investis pendant des années. Élu en 2003 pour un mandat de quatre ans à la fin duquel sa côte de popularité planait toujours à 80%, Sergio Fajardo s’est entouré d’une jeune garde de brillants intellectuels et a décidé de mettre fin au clientélisme qui paralysait la cité depuis de nombreuses années. Pour rendre sa ville plus sûre, il s’est attaqué à la pauvreté et a cherché à favoriser les quartiers les plus déshérités en instaurant des « plans urbains intégraux » (PUI) . Construction de logements sociaux, d’écoles et de collèges. Inauguration d’infrastructures sportives, de bibliothèques et de conservatoires de musique. Ouverture du musée de la « Maison de la Mémoire » qui rappelle les horreurs liées au cartel.
1,5 milliards de dollars pour l’éducation et la culture
La mairie consacre un peu plus de 40% de ses quelque 1,5 milliard de dollars de budget annuel à l’éducation et la culture. Les garderies Buen Comienzo offrent aux enfants des familles à revenu modeste des services de santé, de nutrition, de loisir et d’éducation. Un programme de formation civique, composé d’un parcours pédagogique innovant, a été mis en place dans toutes les écoles publiques de la ville. City School propose à tous les élèves des activités extra-scolaires et des cours complémentaires dans quatre domaines (culture, science et technologie, sports et loisirs, apprentissage des langues). Pour désenclaver les zones les plus pauvres qui se trouvent au-dessus des quartiers aisés, les routes ont été rénovées. Deux lignes de métro et une ligne de tramway ont également été inaugurées. Cinq lignes de Metrocable relient depuis quelques années les « barrios » au centre-ville. Ce système de télécabines construit par le français Poma, bien connu des amateurs de ski alpin, a permis aux populations aisées et désoeuvrées de se croiser à nouveau. Les résidents de la Comuna peuvent atteindre le sommet de leur bidonville en moins de quinze minutes contre plus d’une heure dans le passé. Pour rejoindre la réserve naturelle du parc Arvi , les familles aisées changent désormais de télécabine à Santo Domingo qui était considérée comme une des zones les plus dangereuses de la ville lorsque les narcotrafiquants régnaient en maître.
Ruta N
Plus récemment, la municipalité a encouragé la construction d’un imposant complexe, baptisé Ruta N afin d’attirer des entreprises tournées vers l’innovation. Le ministère du développement a aussi crée en 2013 une commission pour persuader les producteurs à tourner des films dans la cité.
Cette politique pour le moins ambitieuse n’aurait jamais pu être menée sans le soutien d’Empresas públicas de Medellin (EPM). La première entreprise de services publics de Colombie reverse à la municipalité -qui en est propriétaire- un pourcentage important de ses profits. Cette manne se chiffre en centaines de millions de dollars chaque année. Un miracle ne vient jamais seul…