La production de contenu poursuit sa mutation. YouTube, Snapchat, WhatsApp… le multi-écrans devient une nécessité pour proposer une expérience de divertissement riche.
Pour les producteurs c’est l’occasion de réaffirmer l’idée que le digital est un élément « à part entière » de la narration. Sans lui, le spectateur ne pourrait pas vivre l’intégralité de l’expérience. Pour les marques qui accompagnent ce mouvement, c’est désormais l’opportunité de pouvoir enrichir de manière cohérente leur prise de parole TV par une présence plus forte au sein d’un univers éditorial plus engageant et interactif.
Recréer l’univers éditorial sur YouTube
Plusieurs cas récent nous montrent que nous allons dans cette direction. C’est le cas de la série TV « Halt and Catch Fire » (sur AMC), qui se déroule au début des années 80 dans le contexte de l’émergence des ordinateurs personnels où une entreprise, Cardiff Electric, s’oppose à la multinationale IBM. Les producteurs ont eu l’idée de lancer une série TV sur YouTube qui recrée l’univers éditorial de la série. L’enrichissement du programme TV vient de la production d’un contenu digital : « Kids React to Old Computer ».
Mais il ne s’agit pas d’une diffusion d’un « making off », d’un redécoupage plus court pour Internet, ou du site ou d’une page Internet du programme « perdu » sur la plate-forme du diffuseur. L’intérêt est ici d’une part, de s’appuyer sur une chaîne YouTube qui fédère déjà 8,9 millions d’abonnés. La viralité du contenu « Kids React to Old Computer » est donc assuré par le diffuseur « autre » que celui de la TV et surtout cohérent avec l’écran de consommation. D’autre part, le contenu digital est un contenu totalement original qui vient enrichir le programme TV sans le « rejouer ». « Kids React to Old Computer » est une mise en scène de réactions « naturelles » d’enfants (5 à 13 ans) face à un vieil ordinateur. Il ne s’agit donc pas des personnages du programme TV remis en scène dans une Web Série. Bien plus, les enfants mis en scène sont célèbres pour avoir participé à plusieurs vidéos ayant généré des millions de vues sur la chaîne Youtube retenue.
La première, diffusée le 25 mai 2014, a généré 4,5 millions de vues en 48h et 11 millions de vues en 1 mois. En parallèle, l’opération a créé un buzz sophistiqué autour du sujet de la série. Au-delà de ces chiffres, il faut souligner que la TV et le digital sont utilisés pour ce chacun sait apporter. Cette unicité entre les écrans permet à AMC de trouver le biais original pour « planter » l’univers éditorial de sa nouvelle série et ainsi de préparer la diffusion TV.
Pretty Little Liars sur SnapChat
Un autre exemple nous est donné par « Pretty Little Liars », une série américaine diffusée sur ABC Family. Les producteurs et le diffuseur ont créé une opération « deuxième écran » très personnelle en « poussant » des contenus directement sur le téléphone mobile via SnapChat. L’idée est ici d’utiliser une appli digitale qui repose sur l’instantanéité (le fantôme) pour proposer des contenus « éphémères » qui donnent une nouvelle dimension au programme TV. Mais surtout la technique d’envoi de contenus
« push » favorise fortement la consommation des contenus diffusés. Le dispositif synchronisé améliore la fidélisation de l’audience TV.
Comme dans le cas précédent, l’originalité vient du choix du diffuseur digital. Le producteur a retenu un support qui bénéficie déjà d’un bassin d’audience. Les réseaux sociaux mobiles comme Snapchat (mais aussi WhatsApp) représentent de nouvelles opportunités pour prolonger l’expérience de divertissement. Ces réseaux qui fédèrent des audiences très jeunes (souvent moins de 18 ans) offrent l’occasion de s’emparer des codes populaires auprès des adolescents pour renforcer l’attractivité d’une marque TV sur cette cible.
Déployer des contenus sur ces applis constitue un nouveau mode de communication dans l’univers de la Social TV qui n’est pas assez « testé » en France. En poussant des contenus vers une communauté ciblée, le producteur favorise fortement la consommation des contenus. Mais le succès n’est possible que dans la mesure où ce point de diffusion s’inscrit dans l’unicité de la proposition de divertissement.
« Kim Kardashian Hollywood »
On retrouve aussi cette exigence d’intégration et d’enrichissement réciproque. Par exemple dans le jeu mobile « Kim Kardashian Hollywood », on peut jouer dans les décors et les situations des épisodes TV. C’est la même idée d’unicité qui a animé les producteurs et le diffuseur de « Walking Dead » dans la mise en œuvre d’un jeu mobile. L’histoire et les contenus originaux mis à disposition des gamers sont synchronisés avec ce qui est diffusé en TV.
Cette tendance de fond n’est pas sans intérêt pour les marques, qui vont pouvoir enrichir de manière cohérente leur prise de parole TV par une présence plus forte au sein d’un univers éditorial plus engageant et interactif. Ce nouveau paradigme est clé si l’on veut voir se développer de véritables productions « modernes » où le digital ne sera plus « la cerise sur le gâteau » mais une des pièces du puzzle.
Jacques Kluger / @JKluger
Directeur des exploitations dérivées et de la diversification, Telfrance
Rubrique réalisée en partenariat avec Telfrance