27 février 2025

Temps de lecture : 4 min

Quand certaines entreprises américaines défient Trump : la diversité en ligne de mire

Malgré les pressions croissantes de l’administration Trump pour démanteler les politiques de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI), plusieurs grandes entreprises américaines maintiennent fermement leurs engagements en faveur d’environnements de travail inclusifs.

générée par une Intelligence Artificielle

Dès son retour à la maison blanche, Donald Trump a annoncé la couleur quant aux deux grands chantiers qu’il allait mener sur la scène nationale : réduire les dépenses publiques et éliminer les initiatives DEI (pour « diversité, équité, inclusion ») dans les secteurs public et privé, considérées comme discriminatoires par ses partisans.

Sommé par son président à se montrer « plus agressif » dans son détricotage des dépenses publiques, Elon Musk, prétendument à la tête du Département de l’Efficacité Gouvernementale (DOGE), lançait un nouvel ultimatum aux fonctionnaires fédéraux le 22 février dernier : ils avaient 48h pour justifier leur activité – comprenez leur utilité – via un courriel sous peine… de perdre leur emploi. Une directive d’une grande brutalité, annoncée sur X, qui visait à réduire ce que Musk décrit comme du « gaspillage généralisé » au sein du gouvernement fédéral.

La mesure n’a pas tardé à semer la confusion parmi les employés fédéraux. Malgré les indications de l’Office of Personnel Management (OPM) selon lesquelles les employés n’avaient pas besoin de se conformer à cette directive, Trump a immédiatement laissé entendre qu’il leur serait plus prudent de suivre les instructions d’Elon Musk. Chose – plus si – rare en ce début de mandat, plusieurs agences gouvernementales ont appelé à résister.

Selon le New York Times, le FBI, le Département d’Etat, le Ministère de la Défense ou encore le renseignement national, ont conseillé à leurs employés… d’ignorer tout simplement la requête d’Elon Musk. Kash Patel, le nouveau directeur de la police fédérale, nommé par Donald Trump, a précisé que « le FBI, par l’intermédiaire du bureau du directeur, est (lui-même, NDLR) en charge de toutes les procédures d’évaluation ». La poussée de Musk pour la réduction des effectifs a rencontré une résistance, y compris de la part de juges fédéraux qui n’ont pas hésité à bloquer l’accès au DOGE à des ressources sensibles. Connu pour son sens politique d’une grande finesse, Musk a alors plaidé pour la destitution des juges afin de rétablir la gouvernance par le peuple. 

La bataille culturelle

Cette bataille économique qui secoue actuellement les pouvoirs publics en rappelle une autre, d’ordre culturelle cette fois. Dès ses premiers pas, l’administration Trump s’est attaquée à démanteler les programmes DEI (pour « diversité, équité, inclusion ») dans les secteurs public et privé. Pour rappel : ils sont l’héritage du mouvement des droits civiques des années 1960 aux États-Unis et visent à promouvoir l’égalité des chances en tenant compte dans le processus de recrutement, notamment, de critères tels que l’origine ethnique, le genre, le handicap, l’orientation sexuelle ou encore un engagement militaire passé. Autant de notions qui font enrager la droite américaine depuis des années.

Le président a exhorté des entreprises comme Apple à abandonner leur politique de diversité, les qualifiant de discriminatoires et suggérant des enquêtes potentielles du Département de la Justice pour remettre en cause leur légalité. Malgré ces pressions, Apple a récemment tenu son assemblée annuelle des actionnaires, où une proposition visant à éliminer les initiatives DEI a été massivement rejetée à hauteur de 97 % (25 février 2025). Tim Cook, son PDG, a même défendu les efforts de son entreprise en matière de diversité, soulignant son engagement à favoriser un environnement diversifié tout en reconnaissant la nécessité d’éventuels ajustements en réponse aux évolutions légales. Une volonté assumée d’Apple d’aller à contre-courant de la politique de son gouvernement… ou dans le bon sens de l’histoire, selon le point de vue.

Des valeurs qui soutiennent le business

Le Time précisait hier (26 février 2025) dans ses colonnes que d’autres acteurs économiques de taille, à l’image de JPMorgan Chase, Microsoft, Costco, Ben & Jerry’s, Delta Air Lines, Lush ou encore Patagonia ont pris la même trajectoire, au risque de se mettre l’administration Trump à dos. Pour certains faisant l’objet de critiques de politiciens, d’activistes et d’autres membres du public.

Comme l’explique le magazine américain, ces entreprises vont jusqu’à citer ces valeurs de diversité et d’inclusion – sans même parler d’engagement idéologique – comme des facteurs essentiels de leur succès et de leur innovation. « Une main-d’œuvre enrichie par une diversité de perspectives, d’expériences et de parcours est essentielle à notre capacité d’innovation », avouait sans hésiter Lindsay-Rae McIntyre, responsable de la diversité chez Microsoft, le 20 décembre dernier sur Linkedin.

Andew Clarke, CEO de la marque de vêtements Francesca’s a même expliqué plus tôt ce mois-ci que le « DEI n’est pas une simple abréviation, c’est une stratégie humaine, et le respect ainsi que l’inclusion sont bons pour les affaires ». Avant d’ajouter dans une vidéo : « Chez Francesca’s, nous avons construit une culture où les employés se sentent libres d’être eux-mêmes sous toutes leurs facettes ».

Une division plus profonde

D’autres multinationales ont préféré jouer la partition de leur gouvernement. Meta et Alphabet, par exemple, ont abandonné leurs initiatives DEI quelques jours à peine après l’entrée en fonction de Donald Trump, cédant ainsi aux pressions politiques et aux menaces d’enquêtes fédérales. Cette tendance suscite des inquiétudes quant à l’avenir des politiques de diversité et d’inclusion dans le milieu des affaires américain. Les défenseurs des DEI avertissent déjà que céder à ces pressions pourrait nuire à la culture d’entreprise et à la capacité d’attirer des talents diversifiés. 

La confrontation entre l’administration Trump et les entreprises américaines sur les politiques DEI reflète une division plus large au sein de la société américaine… y compris dans la Silicon Valley, dont la boussole idéologique pointait historiquement vers la gauche. À la mi-janvier, dans un podcast conservateur, Mark Zuckerberg, le patron de Meta, déclarait : « Je pense qu’une grande partie de notre société est devenue (…) castrée, en quelque sorte, ou émasculée » et qu’ « avoir une culture qui valorise un peu plus l’agressivité a ses mérites ». Avant de conclure : « C’est une chose de vouloir créer un environnement accueillant, mais à un moment, ça va trop loin ». La manière dont cette dynamique évoluera dans les mois à venir pourrait avoir des implications significatives pour le paysage économique et social des États-Unis.

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