Il y a des campagnes qui reflètent une adéquation sans faille entre une agence et son client. C’est le cas des cinq spots complétement barrés de Havas Paris pour la Banque Postale. Petit tour de piste.
A l’œuvre côté réalisation, Owen Trevor représenté par la maison de production Stink Films dont les irrésistibles spots Sweet pour McVities ont été jugés par le Time Magazine comme étant les plus croquignolets de l’année passée. Au total, cinq portraits d’individus intentionnellement déconnectés de l’univers bancaire, où l’absurde, l’esthétique et la direction d’acteurs illustrent savamment le discours produit énoncé par la voix du comédien Sébastien Castro, proche dans l’esprit, de la diction loufoque de Philippe Katerine. Si la campagne est très réussie, c’est que son exubérance n’enlève rien au message délivré : le « vous avez le droit » revient trois fois comme un leitmotiv que le spectateur s’approprie immédiatement. Normal, direz-vous, car la situation des différents personnages emmène le récepteur vraiment… ailleurs.
Avoir le droit
Ainsi dans le premier 20 secondes, le « vous avez le droit de montrer vos fesses à tout Copacabana, parce que, vous avez le droit de réaliser vos rêves à 60 ans, parce qu’avec nous, vous avez le droit d’être accompagnés, pour les financer » offre exactement ce dont chacun rêve actuellement… Avoir le droit. Pour en arriver à un tel grand écart avec la communication précédente qui ronronnait depuis près de 12 ans (agence McSaatchi&Gad), il fallait sans nul doute un choc au sein de la filiale du groupe La Poste. C’est l’arrivée de la nouvelle directrice de la communication Cécile Riffard il y a quinze mois, son regard extérieur et ses convictions sur le besoin vital d’une communication créative et pertinente qui ont (sans doute) permis cette bascule.
« Je suis en effet arrivée novice en matière de banque, mais experte en communication. J’ai la conviction qu’elle est centrale du moment qu’elle est créative, et qu’elle s’appuie sur des faits et des intentions légitimes. En observant la concurrence, j’ai assez vite compris que nous avions un boulevard entre les prises de paroles des banques traditionnelles un peu éculées, et celles, des nouveaux acteurs, très polissées ». Marc Batave, directeur général de la banque commerciale et de l’assurance ajoute, « Depuis quelques années, l’environnement du marché bancassurances, très complexe, connait une profonde mutation. A travers notre offre et notre accompagnement au quotidien de tous les Français, nous sommes la banque citoyenne, jeune et animée par les valeurs d’un grand groupe humain et responsable. Nous nous devions de réaffirmer fortement ce qui fait notre spécificité ».
A la conquête des citoyens
Dont acte. L’esprit de conquête de la Banque Postale qui doit acquérir de nouveaux clients, en émergeant dans la foultitude d’offres actuelles, l’expérience et le caractère bien trempé de Cécile Riffard ont fait des étincelles. Forte de ses 22 ans passés en agence, puis à la RATP et à la SNCF, celle-ci mène son appel d’offre palier par palier, rassurant sa direction sur l’adéquation de la démarche et l’obligation de résultats. « Jamais, explique-t-elle, je n’ai eu le sentiment d’être autant en confiance avec une agence. Nous avons conservé la proposition présentée par Havas Paris lors de l’appel d’offre quasi inchangée pour conserver sa fraicheur et son atypisme, la voix bizarre du comédien choisie pour la maquette également, la musique de Cymande, « The Message » tant l’ensemble était cohérent et culotté dans le même temps », poursuit-elle enthousiaste. Y-a-t-il un bémol à apporter à cette belle histoire de pub ?
Treize films au total en 2019
Même pas. La campagne n’a pas été pré-testée, Cécile Riffard déteste mettre de l’eau dans un bon vin, castrer la création quand elle est bonne. Voilà qui promet un bel avenir à cette collaboration. Et une étoile de chérif à Christophe Coffre directeur de la création chez Havas Paris. En effet, ce sont treize films qui seront produits cette année. Après cette première vague en prime time tv, réseaux sociaux et affichage en bureaux de poste d’une durée de cinq semaines, suivront une deuxième, en mai avec cinq autres films, puis une troisième en septembre… Ils ont bien le droit puisqu’ils sont dans leur bon droit… d’avoir le droit.