L’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) vient de demander au fabricant néerlandais de vélos VanMoof de modifier son spot publicitaire avant sa diffusion en France. En cause, des plans d’usines et de cheminées qui jetteraient « le discrédit » sur le secteur automobile. Une décision vivement contestée qui rappelle les dures lois de l’effet Streisand.
Vous vous souvenez de la plainte déposée par Barbra Streisand contre les clichés aériens pris au-dessus de son domaine privé à Malibu en 2005 ? La médiatisation de l’affaire avait rendu virale la photo en question, rappelant que le fait d’empêcher la diffusion d’une information déclenche souvent le résultat inverse. Quinze ans plus tard, le concept d’effet Streisand n’a pas perdu de son actualité. La preuve avec l’avis défavorable des gendarmes de la publicité française (l’ARPP) concernant une publicité pour vélos jugée « anxiogène ». Un rejet qui a créé le tollé sur les réseaux sociaux et dans la presse. Résultat, le spot publicitaire du constructeur VanMoof culmine déjà à plus de 1,5 million de vues. Dans les top commentaires, de nombreux spectateurs déclarent avoir vu la publicité suite à l’avis défavorable de l’agence française.
« Certains plans jettent un discrédit sur tout le secteur de l’automobile »
Il faut reconnaitre que la publicité de VanMoof dénonce avec panache l’impact environnemental de la voiture. Dans ce court spot incisif, on y voit une luxueuse voiture de sport dont la carrosserie reflète des images d’usines polluantes, d’embouteillages monstres et d’accidents de la route. Puis l’habitacle fond littéralement et se transforme en vélo haut de gamme, accompagné de cette phrase : « Time to ride the future ». Morale de l’histoire, les voitures sont dangereuses et polluantes, adoptez un vélo. L’un des enjeux stratégiques de nos mobilités urbaines.
Dans une lettre adressée à VanMoof, l’ARPP tente de justifier sa décision : « certains plans présents dans les reflets de la voiture apparaissent, à notre sens, disproportionnés et jettent un discrédit sur tout le secteur de l’automobile en le mettant seul en cause ». L’ARPP suggère par ailleurs au constructeur néerlandais de modifier sa vidéo pour qu’elle puisse être diffusée à la télévision française. Une demande dont l’intérêt est largement limité puisque le spot publicitaire est d’ores et déjà en ligne sur les réseaux sociaux.
« Comment VanMoof a été banni de la télévision française »
En guise de réponse, le constructeur de vélo néerlandais VanMoof a répondu avec un article intitulé « Comment VanMoof a été banni de la télévision française » dans lequel il met le gendarme français face à ses contradictions. « Les constructeurs automobiles sont autorisés à passer sous silence la question de leur impact environnemental, mais lorsque quelqu’un conteste cette situation, il voit la diffusion de sa campagne refusée ? » écrit Tiers Carlier, co-fondateur de la marque. Une réponse sur le fond qui souligne l’agilité de la marque néerlandaise et le joli coup de com dont elle bénéficie.
À l’inverse, l’ARPP ressort de l’histoire diminuée. Plusieurs articles de presse se questionnent sur les liens d’intérêts entre le gendarme de la publicité et les lobbies de l’automobile français. Pour rappel, l’ARPP est un organisme privé composé notamment d’agences de pub et de diffuseurs qui travaillent avec l’industrie automobile, un secteur qui pèse 10% du marché publicitaire français. Leur avis n’est que consultatif, mais est très souvent suivi par les diffuseurs.
En Allemagne et aux Pays-Bas, la publicité circule librement.
« La décision de l’ARPP est troublante », estime le chargé de communication du fabricant de vélos, Alfa-Claude Djalo. « Cela nous pousse à remettre en question la légitimité et la transparence de cette autorité ». De son côté, l’ARPP répond par la voix de son président Stéphane Martin : « c’est un grand classique d’attaquer l’indépendance que l’on a de fait et d’essayer d’obtenir de l’espace et de la médiatisation gratuite en criant à la censure. Il ne faut pas tomber dans la facilité d’un dénigrement quand on a juste à promouvoir son produit » souligne-t-il.
Ceci étant dit, l’émoi généré par le rejet de ce spot publicitaire est révélateur de la prise de conscience écologique de nos sociétés. En témoignent la vague verte lors des élections municipales et les mesures de la Convention Citoyenne pour le Climat visants à interdire les publicités de produits polluants. D’autant plus que les faits sont là : en Europe, 30% des émissions de gaz à effet de serre proviennent des transports. Or, dans ces 30%, la voiture génère 60% de la pollution.