24 février 2017

Temps de lecture : 3 min

Production française : « Nous devons être des veilleurs, des avant-gardistes… »

Suite à la lettre ouverte de 60 producteurs de films publicitaires, soutenue par l'APFP, envers les productions internes des groupes de communication, la rédaction a décidé de ressortir un papier tiré de la revue INfluencia sur l'inspiration. Cet article met en valeur l'influence et l'importance des producteurs de films publicitaires sur l'ensemble de l'industrie éponyme. Et par les temps qui courent, il est bon de rappeler l'excellence de chaque corps de métier dans la publicité française...

Suite à la lettre ouverte de 60 producteurs de films publicitaires, soutenue par l’APFP envers les productions internes des groupes de communication, la rédaction a décidé de ressortir un papier tiré de la revue INfluencia sur l’inspiration. Cet article met en valeur l’influence et l’importance des producteurs de films publicitaires sur l’ensemble de l’industrie éponyme. Et par les temps qui courent, il est bon de rappeler l’excellence de chaque corps de métier dans la publicité française…

Que représentent aujourd’hui les sociétés de production dans le landerneau de la communication ? Les fabricants d’image sont au cœur des processus et leur influence sur le produit créatif final est incontestable. Pourtant, on ne peut pas dire que leurs compétences et leurs créations soient portées aux nues… Rencontre avec quatre producteurs, pour le recadrage d’un secteur sous-exposé, dans un décor naturel et avec de vrais personnages. Une vision créative et personnelle de la crème de la production française : Charlotte Marmion, productrice exécutive d’Iconoclast, Elsa Rakotoson, CEO de Frenzy, Hélène Ségol, productrice exécutive de Wanda, et Jérôme Denis, CEO de La Pac.

INfluencia : quelle place les sociétés de production occupent-elles dans l’univers de la communication ?

Jérôme Denis • LA PAC : nous sommes des artisans et fabriquons la vision d’une agence. Nous devons justifier notre place par une valeur ajoutée créative, réfléchir avant tout à l’outil et l’économie.

Elsa Rakotoson • FRENZY : en tant que réalisateurs, c’est difficile de gagner sa vie, il faut avoir plusieurs cordes à son arc. En tant que producteurs, nous avons vocation à dénicher les talents et à jouer les agents ou les managers… Chacun de nous doit construire sa carrière, forger son identité, ouvrir l’œil et offrir une expertise technique.

Hélène Ségol • WANDA : être dénicheur représente une grosse part de notre travail. Nous sommes à 50 % en recherche de talents et de réalisateurs. Cela dit, nous sommes coincés entre le très cadré pour répondre au client et le très créatif pour être en phase avec les réalisateurs.

Charlotte Marmion • ICONOCLAST : et ce n’est pas le tout de dénicher les talents ! Notre métier consiste aussi les développer et c’est un investissement en temps, en énergie et en argent.

H.S. : nous faisons clairement un métier pétri de contraintes, qui nous obligent à être exigeants. De plus, nous ne sommes pas que dans le « productif », nous sommes aussi dans la synthèse : nous sommes des artisans qui fabriquons la vision d’une agence de communication. Et je revendique ce statut synonyme de qualité – qui peut parfois être oublié par nos partenaires…

C.M. : ce phénomène est très français, car partout ailleurs, les agences n’ont pas du tout trusté notre métier. En attendant, ça nous pousse à être encore plus créatifs et à démontrer systématiquement le « plus » que l’on apporte.

IN : qu’il s’agisse de technique ou d’écriture, la production française a-t-elle un style, une vision ?

H.S. : la production française est aguerrie face aux gros processus. Savoir produire qualitativement avec moins de moyens ne lui fait pas peur. C’est une force énorme.

E.R. : nous sommes évidemment héritiers d’un patrimoine culturel. Dans des domaines aussi variés que la mode, le design, l’architecture, la musique… la France a su imposer un style, une exigence, un état d’esprit. Nous nous inspirons chaque jour de ces courants, nous y puisons plus ou moins consciemment nos références, pour réinventer « le style ». Et, bien sûr, l’exigence française est dans nos gènes.

J.D. : nous ne sommes pas les meilleurs. Pourtant, nous avons beaucoup d’excellents talents français. Il faut les développer, car ils s’exportent très bien et peuvent se révéler source de chiffre d’affaires. Mais en France, on a un problème pour valoriser les bonnes idées, bien souvent, on ne va pas au bout et on ne concrétise pas l’opportunité. Contrairement au modèle anglo-saxon, où tout est hyper structuré et hiérarchisé, chez nous, ça part parfois un peu dans tous les sens.

ER : avant ces dix dernières années, on tournait sur une quinzaine de talents. Aujourd’hui, il en émerge beaucoup plus avec « l’avènement du produit à pas cher ».

H.S. : il me semble que la création française est très influencée par la pop culture. C’est sans doute lié au fait que les talents (réalisateurs) les plus internationaux qui ont émergé, il y a maintenant dix ans pour les premiers, étaient des « clippeurs » (ils faisaient des clips), pour le groupe électro Justice notamment : il y a eu Surface 2 Air, sur We Are Your Friends et le scandale avec Kanye West au MTV Video Music Awards fin 2006 ; ou Jonas & François avec D.A.N.C.E, et Romain Gavras et l’ultra-violence de Stress, qui a créé la polémique sur le rôle du format. Et aussi Yoann Lemoine (Woodkid), qui a accroché Katy Perry, AB/CD/CD et Lily Allen ; ou Megaforce pour Naive New Beaters… et j’en passe. Ces réalisateurs représentent notre patte à l’international et sont en même temps des sources d’inspiration pour les créatifs français. Un souffle capable d’être novateur dans une économie réduite. Allant même jusqu’à révéler un rapport adolescent à la création qui se traduit par de super éclats de créativité, mais irrévérencieux et un peu bordéliques…

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Propos recueillis par Florence Berthier, Eric Espinosa et Gaël Clouzard

Photographies : Julien Hamel

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