Les médias (la presse en particulier) en France et à l’étranger s’est emparé du sujet en fin de semaine dernière. Le journal italien publie depuis mardi dernier une édition entièrement générée par l’IA. Une première mondiale qui va durer un mois. Une expérience destinée à « revitaliser le journalisme, pas à le tuer », a indiqué directeur Claudio Cerasa, le directeur de Il Foglio, quotidien au ton irrévérencieux tiré à environ 29 000 exemplaires. Un journal de grand format, de quatre pages, d’où son nom Il Floglio (la feuille en italien) a été conçu par Giuliano Ferrara ex-star de la télévision, devenu conseiller de Silvio Berlusconi puis ministre dans son gouvernement.
Chaque édition version IA, composée de quatre pages, inclut environ 22 articles allant de la politique à la finance ainsi que trois éditoriaux. « Notre volonté était d’afficher notre particularité et d’expérimenter quelque chose que personne au monde n’a expérimenté, en créant un débat, mais surtout en essayant de comprendre nous-mêmes comment l’intelligence artificielle peut être intégrée à l’intelligence naturelle, explique Claudio Cerasa. L’idée de cette expérience est aussi de « passer de la théorie à la pratique et de tester et donc comprendre quelles sont les limites de l’intelligence artificielle, mais aussi ses opportunités. Les frontières qui doivent être franchies et celles qui ne peuvent pas être franchies. Tout cela peut naître dans un journal particulier comme le nôtre, car notre journal a une écriture irrévérencieuse, ironique, créative. Nous faisons des choses qui ne sont pas facilement reproductibles par une machine ».
Comment ça fonctionne ?
Concrètement, la vingtaine de journalistes du quotidien demandent à une version du chatbot ChatGPT d’OpenAI de rédiger un article sur un sujet spécifique avec un ton particulier, et celui-ci produit un texte en utilisant des informations récoltées sur internet.
Lors de la réunion de rédaction, de nombreux thèmes émergent. Certains de ces thèmes sont ensuite traités non seulement par le journal normal, mais aussi par le journal artificiel. « Chaque question posée à l’intelligence artificielle contient une demande de sujet, une demande de ton, qu’il soit respectueux, irrévérencieux, scandaleux, provocateur, et donc nous lui demandons d’avoir le style du journal », poursuit le directeur. Parmi les articles signés IA la semaine dernière : une analyse des discours de la Première ministre Giorgia Meloni, un éditorial sur l’appel téléphonique entre Donald Trump et Vladimir Poutine, et un article sur la mode. « S’il y a trop d’erreurs, nous changeons d’article, s’il y en a peu, nous les laissons, car nous voulons montrer quelles sont les limites », précise-t-il.
Les premiers retours d’expérience
Claudio Cerasa tire des premières leçons quelques jours après le lancement de cette expérience. « L’intelligence artificielle dépasse toutes les attentes. Nous avons appris qu’elle peut faire des choses qui peuvent concurrencer ce que produit un être humain. L’innovation doit être maîtrisée et transformée en une opportunité de croissance, car s’il existe un jour une demande d’articles uniquement écrits par l’intelligence artificielle, il faut l’accepter, mais cette demande devra accroître la créativité des journalistes, car les journalistes devront commencer à s’habituer à ne jamais faire ce qu’une machine pourrait faire. Donc c’est un moyen de revitaliser le journalisme, pas de le tuer ». lors de cette expérience, la rédaction a comparé les articles rédigés par l’IA et ceux par les journalistes. Le verdict « bien sûr les articles écrits par les êtres humains sont meilleurs, car ils ont toujours quelque chose en plus, ils ont toujours un élément de créativité, de connexion, de lien imprévisible que l’intelligence artificielle n’a pas », assure le directeur qui déclare avoir atteint une audience plus large grâce à cette expérience. « Il y a beaucoup de personnes qui, grâce à l’intelligence artificielle, découvrent le journal traditionnel. Le premier jour, nous avons eu une augmentation de 60 % des ventes. Ce n’est pas un hasard si aucun grand journal n’y a pensé, car cela fait évidemment peur. Seul un journal comme le nôtre, qui est un peu un cas unique, peut se permettre de faire une telle expérience ».