La semaine passée, plusieurs médias dont le Daily Mail, The Next Web et PSFK consacraient un article à une nouvelle application aussi pernicieuse que condamnable, LIVR. Son principe ? Construire le premier réseau social réservé aux utilisateurs bourrés ! Comment ? En mettant en relation des personnes ivres et en récompensant la consommation d’alcool par des fonctionnalités supplémentaires et des jeux en ligne gratuit. Plus tu picoles, plus tu peux savoir qui autour de toi est aussi saoûl que toi et plus tu peux le contacter. Effrayant ou amusant ? Aucun des deux, car il s’agit en fait d’un fake, une parodie destinée à moquer les développeurs et la presse.
C’est vendredi dernier que le site Gizmodo a étalé le leurre sur la place publique, en révélant la véritable identité d’Avery Platz, le faux développeur joué par un acteur, Matt Mayer, dans la vidéo de présentation de LIVR. Le soufflé est immédiatement retombé et Mashable a embrayé le pas en contactant les deux auteurs de ce hoax génial. « C’est un canular, nous n’avons jamais créé cette application », avoue Brandon Bloch, producteur de contenu de marque à Brooklyn « Le fait que les gens aient pu croire que LIVR était véridique, qu’ils aient émis le désir de l’avoir et même d’y travailler, c’est ce qui est le plus drôle. Car cette application est intrinsèquement irresponsable». Dans les deux jours qui ont suivi le lancement du site Web et de la vidéo de promotion -vus tous deux par plus de 100 000 personnes- les deux parodistes assurent avoir reçu des offres de candidatures, des demandes pour être testeurs de la version beta et même des propositions d’investisseurs. Sans compter évidemment les sollicitations des médias qui sont tombés dans le panneau. Et c’est bien là, selon nous, le principal enseignement de cette initiative bienvenue.
Une mise en scène vidéo très crédible
« Tout était plausible car cela pourrait réellement exister », estime Brandon Bloch, qui voudrait que la parodie serve de miroir à l’industrie des start-up des nouvelles technologies. Pour lui, les résultats de LIVR ont « confirmé toutes (nos) attentes » mais jamais, explique-t-il à Mashable, il n’aurait pu anticiper la rapidité avec laquelle la fausse information s’est répandue. Il faut dire qu’avec son acolyte Brandon Schmittling, ils ont su concocter pour quelques milliers de dollars une plate-forme et une vidéo parfaitement crédibles. Pour incarner les deux faux entrepreneurs, Kyle Addison et Avery Platz, les deux compères ont carrément engagé des acteurs professionnels. Après s’être assuré, auprès d’un avocat, qu’il n’était pas dans l’illégalité, le binôme balançait son spot sur la Toile, un court métrage de presque quatre minutes mettant en scène les deux fondateurs imaginaires de LIVR, dans leur quotidien newyorkais ultra hipster.
Les dangers de l’info non stop
En plus de se moquer sévèrement du manque d’imagination des développeurs et des start-up digitales, Brandon Schmittling et Brandon Boch ont surtout voulu tourner en dérision les pièges de l’info en continue et de la prime à la réactivité qui aujourd’hui, vampirise l’industrie des médias. La course effrénée à l’info sacrifie la vérification sur l’autel du tout, tout de suite et maintenant. Le détail, la véracité, les sources ne sont plus des conditions sine qua non avant la diffusion. Il y a une erreur ? Ce n’est pas bien grave, elle se noiera dans le lacis de la production de contenu de masse.
La faute à qui ? Aux dirigeants des médias classiques qui n’ont pas compris qu’avec le Twitter News Network et les réseaux sociaux, leur rôle avait changé, que l’ancienne élite de l’info auto proclamée n’était plus le seul canal de relais ? La faute aussi à la mémoire courte et à la fainéantise des citoyens ? Aux deux ? Chacun aura sa réponse. En attendant, la confiance des Français dans tous les types de médias progresse, selon le 27ème baromètre annuel de La Croix, publié fin janvier. Internet améliore même légèrement son image, avec une hausse de 2 points, à 37%, cette année.
Benjamin Adler / @BenjaminAdlerLA
Rubrique réalisée en partenariat avec ETO
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