L’heure est à la simplicité, en idées et en images. Mais cette tendance n’est pas aussi… simple qu’il n’y paraît. Il ne s’agit pas « simplement » de revenir en arrière, vers une époque sans iPod, téléviseurs LCD ou Internet. L’analyse de Getty Images.
Le dernier rapport de tendances visuelles élaboré par Getty Images intitulé ‘10 choses simples à propos de la simplicité’ présente les besoins de ses clients en matière de nouveau langage visuel. Des demandes qui coïncident avec l’inquiétude ambiante en cette période de crise.
– La simplicité est valeur. Elle n’est pas uniquement une apparence, un courant de design ou même un style de vie, mais tire sa force affective et psychologique de sa capacité à être communiquée et comprise facilement par le consommateur.
– La simplicité est désordre : place d’un côté aux images à gros budget mais en apparence simples et épurées et de l’autre à des images petit budget pleines de vie… et de désordre.
– La simplicité est tradition. Elle est profondément enracinée dans notre culture et dans tous les grands courants religieux et philosophiques mondiaux. La simplicité trouve actuellement une résonance particulière chez le consommateur. En réaction aux excès et au caractère éphémère du « bling bling », la simplicité plaît parce qu’elle s’inscrit dans la durée. On constate un engouement pour les images liées à la nostalgie de l’enfance, aux « bons petits » plats, aux lieux et aux activités qui sentent bon le passé, et surtout le succès des images mettant en scène l’enfant. Non seulement pour l’espoir qu’il incarne en période de crise, mais aussi pour l’innocence qu’il symbolise. Très pastoral, le portrait de Francis Ford Coppola et Sofia Coppola réalisé par Annie Leibovitz pour la campagne Louis Vuitton « Core Values » illustre bien cet aspect. Getty prévient : « attendez-vous à voir fleurir les images mettant en scène l’intergénérationnel et la sagesse née du temps. Tout comme la dernière campagne de la CNP pensée par La Chose, où l’assureur met en valse toute l’histoire d’une famille au travers des moments simples.
– La simplicité est artisanale. Elle n’est pas seulement une valeur ou un effet, mais elle s’inscrit dans une longue tradition, et est associée au savoir, à la tradition du « faire soi-même ». Faire son pain, bricoler, faire pousser ses légumes, fabriquer ses vêtements, tricoter… En faisant de plus en plus appel aux contenus générés par les consommateurs, les marques et leurs publicités se font l’écho de cette tendance. Créer et travailler de ses mains est une activité concrète et sensuelle qui nous relie au passé. Le succès du « faire soi-même » ne s’explique pas seulement par les économies qu’il implique, mais par le bien-être émotionnel qu’il procure. Le site américain de vente d’objets faits main etsy.com et le magazine en ligne « Make » ont tous deux ouvert de nouveaux horizons aux consommateurs désireux de pratiquer un artisanat vraiment contemporain.
– La simplicité est nature. En début d’année, Elle a cédé les rennes de sa rédaction en chef à Marion Cotillard le temps d’un numéro spécial. En 60 pages, l’actrice française nous y incite à changer nos habitudes pour prendre soin de nous et de la planète. Car le concept de simplicité est aussi lié au Bon (éthiquement bon et bon pour la santé) et au Durable/au Naturel. L’actrice livre un véritable manifeste en images. La simplicité ici, c’est la pause, la capacité de s’extraire temporairement d’un monde de complications et d’excès, la nature. L’une des images les plus vendues sur le site de Getty Images est d’ailleurs la photo d’une graine de pissenlit emportée par le vent. Un rêve d’avenir et de pureté utilisé par les marques pour évoquer la sérénité, qu’il s’agisse de vendre des produits d’hygiène ou des produits bancaires.
– La simplicité est une histoire de sens. On aurait tort de la confondre avec austérité, sobriété, et ascétisme. La tendance « simple » est au contraire liée au plaisir et à la (re)découverte de nos sens. Cuisiner, aller vers une déco d’intérieur tout en textures, retrouver l’odeur du linge frais et de la lessive… Plus qu’une odeur ou une sensation agréable, il s’agit d’être connecté, d’être pleinement dans l’instant. Les hôtels Westin illustrent bien cet aspect: au lieu de montrer des chambres équipées d’écrans géants ou autres déco luxueuses, ils ont choisi de se présenter au consommateur par un gros plan de feuilles parsemées de gouttes de pluie et la signature suivante : « Le thé blanc. La nouvelle senteur reposante de Westin. ». Getty conseille de privilégier les photos mettant en scène des protagonistes ou des objets au naturel, des photos riches en tons et en textures, évocatrices du toucher.
– La simplicité est en noir et blanc. Le langage visuel des magazines et de la publicité repose traditionnellement sur l’espace blanc. On parle de laisser respirer l’image, ou le texte. Historiquement, l’utilisation de l’espace en publicité est surtout l’apanage du luxe. Mais il a aussi parfois été utilisé avec succès par des marques plus grand public. Exemple : Muji, dont la marque, le design et le packaging reposent entièrement sur la simplicité. Pour Muji, un packaging simple est synonyme de réflexion. Ces dernières années, avec le développement d’Internet, l’esthétique chargée des sites web et des blogs a influencé le langage visuel du design offline. Mais l’heure est au retour des arrière-plans épurés et des designs propices à la concentration.
– La simplicité est icône. À force de trop l’utiliser, nous avons fini par oublier ce que le mot « icône » signifie… Et ce que l’icône, la vraie, peut apporter à une image. Jennifer Aniston la « girl next door », une tarte aux pommes maison, ou une simple photo de skateboard… toutes ces images suscitent une certaine foi en des valeurs rassembleuses auxquelles les consommateurs adhèrent toujours, malgré un contexte économique extrêmement changeant. L’icône et sa simplicité reviennent en force. Qu’on se le dise.
– La simplicité est audace. Auteur du célèbre Les lois de la simplicité, Johan Maeda du MIT a établi dix lois pouvant être résumées par celle-ci : « Faire simple, c’est soustraire l’évidence et ajouter du sens ». L’évidence se laisse guider par la peur au risque de redire au consommateur ce qu’il sait déjà. Place aux images audacieuses qui ont du sens et stimulent l’imagination.
Mais après tout, si la simplicité cartonne, n’est ce pas, comme le disait le grand Leonardo de Vinci, qu’elle s’apparente à la sophistication suprême ? Le maître lui y croyait…
Isabelle Musnik