On les croyait moribonds et voués à une disparition prochaine en raison de leur effrayante empreinte environnementale. Les panneaux publicitaires numériques continuent pourtant d’avoir le vent en poupe. C’est un long post publié par Timothée Parrique sur LinkedIn qui nous a mis la puce à l’oreille.
Une empreinte de géant
« Dans le grand palmarès des produits superflus, il existe une star indétrônable : le panneau publicitaire numérique. Inutile, couteux, polluant, moche, et malsain, c’est une absurdité absolue… » Timothée Parrique, un chercheur en économie écologique à HEC Lausanne qui se définit comme un spécialiste de la décroissance et du post-capitalisme, ne manque pas d’arguments pour justifier sa violente critique. « Un écran LCD numérique de 2 m2 consomme 2 049 kWh par an, l’équivalent de la consommation moyenne d’électricité pour l’éclairage et l’électroménager d’un ménage. Sa fabrication nécessite 8 tonnes de matériaux et il émet 2,45 tonnes de CO2 sur l’ensemble de son cycle de vie. Il y a actuellement 55.000 panneaux numériques en France, soit 134.750 tonnes de CO2 ou l’équivalent des émissions de 14.000 personnes pendant un an. » N’en jetez plus…
Des coûts conséquents
Ces supports ne sont pas seulement mauvais pour notre planète mais ils sont aussi très coûteux. « Un panneau publicitaire numérique coûte entre 1400 et 4500 euros, prix auquel il faut ajouter la configuration du logiciel (11€/mois), le branchement (200 €), la conception du contenu (2500 €/an), la consommation d’électricité (512 €/an), et l’installation du panneau qui peut chiffrer jusqu’à 15.000 euros. Avec une durée de vie de 10 ans, un panneau coûte donc 43.460 euros. La facture totale des 55.000 écrans en France avoisine alors les 2,3 milliards d’euros. Pour comparer, ce même montant suffirait à financer l’éducation de 27.000 élèves pendant une décennie. » Le parallèle est un rien hasardeux pour ne pas dire trompeur car on imagine mal des annonceurs financer le budget de l’éducation nationale mais il a, au moins, le mérite d’être facilement compréhensible pour le commun des mortels que nous sommes.
Des projets de loi torpillés
L’affichage « hors de la maison» (OOH) et « digital en extérieur » (DOOH) seraient également néfastes pour les enfants. « Les études se succèdent pour prouver qu’en dessous de 6 ans, les enfants ne doivent pas être exposés aux écrans, mais là on installe des panneaux publicitaires partout dans l’espace public, critique la députée des Deux-Sèvres Delphine Batho. Or, on ne peut pas contrôler l’âge des personnes qui côtoient chaque jour ces écrans. » L’ancienne ministre de l’Environnement est une des plus ferventes critiques de cette technologie. En 2020, elle a tenté, sans succès, de faire passer une loi, interdisant les écrans publicitaires dans les espaces publics. Trois ans plus tard, rebelotte et résultat similaire. Le RN, Renaissance et les Républicains ont vidé le texte de sa substance. Depuis, les afficheurs, les publicitaires et les marques jouent en territoire conquis.
Les communes s’opposent
De villes comme Colmar installent, malgré les critiques de l’opposition, de nouveaux « MUPIs », ces Mobiliers Urbains pour l’Information Numérique. Toulouse suit aussi ce chemin. D’autres communes font, elles, marche arrière. Rennes a démonté ses panneaux numériques cet été. Le métro lyonnais a fait de même.
Un ciel dégagé
L’avenir de la publicité extérieure s’annonce toutefois radieux, principalement depuis le retour en force des points de vente physiques. Dans une étude menée en avril 2024 à Strasbourg par Ipsos pour le JCDecaux, les experts ont constaté que la durée d’attention moyenne des passants était supérieure aux attentes : 3,5 secondes par cadre publicitaire à chaque regard posé sur la moyenne des 29 regards, et même 5 secondes pour le quart des personnes suivies. L’attention est encore plus forte pour le DOOH puisque la durée passe en moyenne à 4,5 secondes. De telles études commencent à avoir de réels impacts sur les marques.
Les annonceurs français prévoient ainsi d’augmenter d’un tiers leurs dépenses en DOOH programmatique. La publicité programmatique est déjà utilisée dans un quart (26%) des campagnes DOOH au cours des dix-huit derniers mois, reflétant la moyenne mondiale de 27%. Ce taux d’adoption devrait atteindre 36% des campagnes dans un an et demi. Et l’environnement dans tout cela ?