Dire oui à la culture digitale et sociale en entreprise : les dirigeants sont très majoritairement pour. Cependant, le processus n’aboutira qu’à une condition : l’abandon d’une gestion centralisée. Car le temps est au leadership d’un autre genre. Inversé et décloisonné, selon la 3ème édition de « Digital & Social », baromètre réalisé par Idaos Lab.
Le pli du digital est-il enfin pris par les entreprises ? C’est le cas pour un nombre de plus en plus grand, puisqu’une sur 2 est tout à fait convaincue de l’impératif de son évolution dans ce domaine. 94% l’ont même inscrit à leur ordre du jour et elles sont 92% à en attendre des bouleversements encore plus importants dans les 10 prochaines années, selon Idaos Lab dans la troisième édition de son baromètre « Digital & Social » (*). Néanmoins, toutes peuvent et doivent mieux faire. Mais ce n’est pas gagné car dans cette affaire -si on prend une image- la tête doit accepter d’être guidée par les jambes pour que les deux fonctionnent en harmonie et avec efficacité. Ainsi, en 2014, sur 86% dont c’était l’objectif, seulement 64% estiment l’avoir atteint. « Les entreprises renforcent leur leadership stratégique dans la transformation digitale et dans les médias sociaux au cœur de cette transformation. Mais la culture digitale se diffuse mal au sein des équipes, compromettant les chances de résultats opérationnels. Or la transformation digitale n’est pas une finalité, c’est un processus, c’est le chemin », explique Franck Perrier, fondateur et ceo d’Idaos & Digital Academy.
Une ambition enfin sérieusement affichée
Un postulat admis par plus de 90% des 200 dirigeants interrogés (dont la moitié sont des professionnels du numérique et 47% exerçant dans les grandes entreprises), et un processus de transformation culturelle nécessaire et continu -plus qu’une finalité- dans lequel les entreprises se sont engagées à plus de 80%. Motivé, encore cette année, à la fois par la vision des dirigeants, la pression du marché, le besoin de transparence et le pouvoir accru des consommateurs. Et de fait, la direction générale (32%) ou une direction dédiée (31%) sont aux commandes pour la ligne conductrice. Tandis que la responsabilité opérationnelle est plus partagée pour un tiers d’entre elles qui n’ont pas vraiment identifié le porteur du projet. Ni désigné naturellement la direction informatique qui est rarement associée (13%) et encore moins pour la partie stratégique (5%). Le chemin vers la transformation digitale, bien que tracé, semble encore bien chaotique.
Reste à débrider les équipes et valoriser le projet d’entreprise
Alors en dépit d’une si bonne volonté, pourquoi y-a-t-il autant d’errements,et pourquoi les dirigeants s’empêchent-ils d’être ambitieux sinon heureux pour leur société? Notamment en raison de leur difficulté de tenir compte à la fois des priorités selon une dynamique ascendante ou « bottom-up » (49%) émises par les clients et les employés, et de susciter l’intérêt des équipes (51%). Résultat, les entreprises sont empêtrées dans un vrai paradoxe, se privant d’une réelle diffusion de culture digitale, alors que pour 85%, cette dernière est parfaitement identifiée comme un levier d’agilité des organisations et une bonne réponse à l’accélération des nouvelles technologies et aux différents publics de plus en plus avertis.
Or, seules celles qui ont eu le courage de se doter d’un projet d’entreprise impliquant une redistribution des pouvoirs et une réattribution des fonctions ont réussi leur transformation. Mais pourquoi est ce si important? D’une part parce que ce « lean management » en redonnant la parole peut endiguer des crises de confiance. En effet, en étant moins directif hiérarchiquement et donc synonyme d’initiatives voire de prises de risques, il suscite immédiatement curiosité et implication donc créativité. Et d’autre part, il peut créer des emplois même si ce n’est pas évident car cela requiert un vrai investissement (économique et humain) pour organiser une gouvernance digitale, former des collaborateurs et recruter des compétences numériques. Une posture qui nécessite évidemment de ne pas se cacher derrière la carte si éculée de la crise et du chômage. Ces derniers ont bon dos, car ce ne sont certainement pas eux qui doivent empêcher l’installation de bonnes conditions de travail propices à éviter la pénibilité et les burn out des employés qui font tant parler d’eux par leur insupportable récurence!
Des emplois à la clef et des conditions de travail améliorées
Abandonner cette gestion centralisée au profit d’experts à tous les échelons se présente donc bel et bien comme une urgence socio-économico-numérique. Qui se traduit aussi en termes de réputation et de visibilté. Car dans un premier temps, ces changements impactent en priorité des services où il faut innover, rechercher, développer, créer, où l’autonomie a priori ne pose pas de problème et qui permettent de rayonner. D’abord, le marketing 2.0 qui concerne le content marketing (89%), le community management (87%) et le remplacement des médias traditionnels par les medias sociaux (85%). Ensuite, la communication qui touche des éléments très sensibles comme la présence sur les médias sociaux (87%), sur le web (85%) et la e-réputation (81%). En effet, les médias sociaux sont considérés comme des outils professionnels pour 86% contre seulement 5% pas du tout convaincus. Cependant, ils restent axés sur la communication, leur utilisation dans un but commercial (prospection, vente) étant minoritaire et leur ROI pas mesuré. Tout comme pour les réseaux professionnels focalisés sur le recrutement. Néanmoins, les entreprises ont leurs préférés pour manifester leur présence, en optant -sans grande surprise-pour des leaders comme Facebook, Twitter, LinkedIn et YouTube.
Autre point positif, les entreprises en ont confié la gestion à une direction dédiée dans 68% des cas en 2015 contre 47% en 2013. Une sérieuse progression! Mais pas sur toute la ligne, car pour beaucoup la démarche se fait à taton encore, avec seulement une sur 3 qui encadre et responsabilise les salariés pour leur prise de parole sur ces canaux. Reconnaissant implicitement encore une fois leur embarras à déléguer et s’empêchant d’exploiter à plein ce que la culture digitale peut offrir : un décloisonnement des compétences et des idées. Sans compter que certains facteurs de changement considérés à plus long terme comme le « wearable computing », ne sont pas vraiment anticipés (39%). « L’Apple Watch pourrait mettre à défaut ce manque de prospective des entreprises », note Franck Perrier. Et leur démontrer qu’à force de ne pas anticiper, ou pire, résister à la transformation digitale, c’est décidément un risque d’obsolescence programmé. Et qu’elles ne pourront que s’en prendre à elles-mêmes puisqu’elles ont tout à portée de main grâce au talent de leurs équipes déjà hyper connectées naturellement et personnellement. Et donc prêtes à passer à l’acte à l’interne.
(*)Sondage annuel auprès de 201 décideurs (dont 53% dans le numérique), issus d’entreprises de tous secteurs (dont 47% de + de 1000 employés) et membres de direction générale (28%), de la communication (20%), du marketing (19%).