12 juillet 2024

Temps de lecture : 7 min

« Pour faire évoluer notre modèle de société au travers des récits que l’on porte, il faut coopérer », Sandy Arzur (Sparknews)

En quête de demain est un programme né en 2021 qui s’incarne par l’édition deux fois par an d’un supplément de 16 pages diffusé dans 52 titres de la presse quotidienne régionale (PQR). Il repose sur la coopération des rédactions pour faire travailler ensemble les journalistes sur de nouveaux sujets et une nouvelle manière autour de la transition écologique et sociale. Ce programme est à l’initiative de Sparknews qui coordonne ce travail collaboratif pour un journalisme des solutions autour d’une matrice éditoriale qui couvre tous les champs de la vie des citoyens. Une initiative récompensée récemment par le Prix or de la responsabilité éditoriale des médias au Grand Prix de la responsabilité des médias et de la communication 2024. Rencontre avec Sandy Arzur, sa directrice générale pour mieux appréhender la raison d’être d’un programme riche de contenus.

Sparknews avec 366 a remporté, pour son programme En quête de demain, le Prix or (ex-aequo) de la responsabilité éditoriale des médias au Grand Prix de la responsabilité des médias et de la communication 2024 organisé par INfluencia, le 24 juin dernier. Que signifie pour vous cette récompense ? 

Sandy Arzur : c’est une très belle reconnaissance. Ce prix de la responsabilité éditoriale correspond parfaitement à ce qui appartient au cœur du métier de journalisme qui est si important, encore plus de nos jours, compte-tenu de la super polarisation des opinions et de la remise en question du rôle des médias dans cette polarisation et dans cette fracturation de la société. La responsabilité des médias leur est intrinsèque. Ce que j’apprécie dans ce prix, porté de façon conjointe avec 366 dans une logique de coopération, c’est qu’il vient célébrer les vertus des médias, leur responsabilité éditoriale éminemment clé dans le bon fonctionnement d’une démocratie. Et non les pratiques de communication très souvent rattachées à un modèle de consommation qui prend le pas sur énormément de choses. Par ailleurs, cette catégorie de la responsabilité éditoriale est aussi très représentative du programme que nous portons et des raisons pour lesquelles nous nous battons.

Vous avez candidaté pour ce prix avec une régie, une démarche peu commune ?

S.A. : oui, nous avons fait un attelage très particulier et très complémentaire de deux acteurs très différents qui se respectent énormément pour candidater pour un prix. C’est un point majeur. D’un côté, la régie 366 qui est clé dans l’économie des médias et dans la pérennisation de leur business model. De l’autre Sparknews, un acteur déconnecté des aspects financiers des médias, qui se concentre sur les pratiques éditoriales des journalistes pour les faire évoluer en leur permettant de mieux intégrer les enjeux de la transition écologique et sociale. L’objectif : faire émerger des nouveaux récits dans la société. Nous sommes convaincus du rôle des journalistes dans la façon dont on vit le monde.

Vous célébrez les trois ans du programme En quête de demain avec une 6e édition. Un projet qui rassemble 52 titres aujourd’hui. Quelle en est la genèse ?

S.A. : l’idée est très simple car elle est totalement constitutive de tous les programmes que nous montons chez Sparknews depuis sa création il y a maintenant 13 ans. Notre principe d’action est de considérer que pour pouvoir faire changer la société et évoluer son modèle notamment au travers des récits que l’on porte, il faut coopérer. Pour faire évoluer la façon avec laquelle les médias portent la représentation du monde, il faut aussi les faire coopérer entre eux. Nous cherchons à faire un effet de catalyse qui crée un entraînement entre les rédactions. Ça crée un objectif commun. C’est intrinsèque à tous les programmes que Sparknews déploie dans les médias. Nous opèrons à l’échelle internationale depuis nos débuts en faisant travailler des journaux du monde entier. Nous nous sommes dits que ce serait génial d’appliquer ce modèle au niveau national avec une approche territoriale qui est la bonne échelle pour pouvoir parler et œuvrer pour la transition, et percevoir les évolutions. En plus, en France nous avons une particularité incroyable d’avoir des médias territoriaux avec un maillage très fort. La coopération est donc au cœur de notre processus et notre mode opératoire, permettant de faire émerger le journalisme de solutions. Nous avons donc pris notre bâton de pèlerin pour convaincre l’ensemble des parties prenantes, les rédactions, les éditeurs et la régie. Il a fallu un an pour que tout le monde finisse par y croire. Le premier temps fort a été la diffusion d’un supplément de 16 pages en novembre 2021. À l’époque, nous avons réussi à convaincre 30 titres, aujourd’hui ils sont 52.

Quel est le mode opératoire pour réaliser ce supplément de 16 pages ?

S.A. : nous animons une conférence de rédaction organisée avec les 12 éditeurs représentant les 52 rédactions qui chacune ont mis en place des coordinations. Ce qui crée une très belle dynamique ! Sparknews donne l’impulsion et coordonne ce travail collaboratif. Notre job n’est pas de faire ce qu’ils savent déjà très bien faire. Mais, vous avez des médias qui ont des maturités très différentes, certains sont très matures sur les sujets concernant les enjeux de transition écologique et sociale, d’autres ont déjà intégré un journalisme de solutions ou ont besoin de progresser. Nous sommes là pour identifier et détecter des signaux faibles, des angles morts et amener les journalistes à les prendre en compte mais aussi leur permettre de décrypter des données scientifiques qui sont de plus en plus complexes. Nous avons défini une matrice éditoriale pour dédier un supplément complet qui couvre tous les champs de la vie des citoyens. Nous donnons ainsi un éclairage éditorial à cette grande rédaction, ensuite on propose des sujets pour stimuler les angles éditoriaux sur lesquels les journalistes vont travailler. Ils connaissent très bien leur territoire mais ce sont des façons de regarder ces territoires qui nécessitent d’être travaillées. Si un sujet concerne plusieurs territoires plutôt que de le couvrir de façon multiple ou d’être redondant, nous nous mettons d’accord pour qu’il soit couvert par un titre et mis à la disposition des autres journaux. On atteint le paroxysme de la coopération, la PQR se nourrit de sa spécificité territoriale mais aussi de ses points communs pour optimiser le travail des journalistes. Les sujets sont diffusés dans le supplément bien évidemment et sur l’ensemble des médias digitaux. Tous les titres créent une rubrique « En quête de demain ». Nous avons également un rôle de tiers de confiance qui est le fruit d’années de travail avec les médias. Nous allons les accompagner dans l’éditing des articles, la relecture, la définition du chemin de fer, des contenus communs. Nous les challengeons également sur les éléments de décryptage pour nous assurer qu’ils donnent bien aux citoyens les éléments de compréhension, à travers des infographies, des chiffres clés… Enfin, nous pouvons porter à leur connaissance des concepts sur lesquels ils ne sont pas forcément aujourd’hui aussi avancés comme les solutions fondées sur la nature.

On peut dire que vous apportez une plus-value à ces titres ?

S.A. : complètement, ça donne une dynamique formidable et crée une émulation collective inter PQR mais aussi à l’intérieur. Sur 6 suppléments, 200 journalistes ont été impliqués sur « En quête de demain », ils mettent en pratique leur expérience hors du supplément, que ce soit le journalisme de solutions ou une exigence éditoriale. C’est une forme de « learning by doing » (apprendre en faisant). Ce temps de coordination donne une puissance incroyable ! La rédaction print entraîne la rédaction digitale et la partie réseaux sociaux des médias. C’est un projet qui irrigue plusieurs parties prenantes dans les rédactions. Nous avons deux temps forts avec deux suppléments par an, ça crée un rythme de collaboration rapproché devenu quasiment un fil rouge.

Deux éditions par an, une au printemps et l’autre à l’automne diffusées dans toute la France ?

S.A. : oui, la dernière est sortie le 5 juin dernier sur le thème « Habiter nos territoires demain ». La prochaine édition sera le 27 novembre et portera sur les forêts. L’alliance média constituée des 12 éditeurs est une méga news room où ils partagent et produisent les articles sous la houlette de Sparknews. Il y a 12 versions différentes du supplément diffusées dans les 52 titres. Nous choisissons le jour de parution sélectionné en fonction des grands rendez-vous comme La Journée de la terre, la Journée de la biodiversité, la Journée des océans, les COP… C’est une façon pour la PQR d’être connectée aux grands enjeux du monde tout en ayant un traitement éditorial très concret. Nous parlons de la vraie vie des gens, les sujets retenus doivent absolument cocher la case des solutions concrètes, tangibles mises en œuvre à l’échelle des territoires et qui apportent des résultats. Par ailleurs, on veille également à ce que ces solutions soient portées autant par des collectivités territoriales que par la société civile et les entreprises.

« En quête de demain » est en format papier, est-il disponible en format numérique ?

S.A. : chaque éditeur est libre de sa politique, certains laissent le journal en PDF complet et consultable sur leur site, d’autres préfèrent que ce soit considéré comme payant avec le titre du jour.

Quel est le modèle économique de ces suppléments ?

S.A. : il repose sur deux volets : la PQR avec la régie 366 qui gère les revenus publicitaires avec les 12 éditeurs et les 52 titres et, Sparknews qui s’appuie sur des soutiens pour porter ce programme et le faire exister. Comme l’Office français de la biodiversité, Les Agences de l’eau, l’Agence nationale de la cohésion des territoires… Ces trois institutions publiques voient chacune un intérêt réel à accompagner la dynamique des médias des territoires pour faire émerger des solutions de transition à l’échelle des territoires. Nous avons également le soutien de B Lab France, une structure qui représente l’ensemble des entreprises certifiées B Corp. On est sur un mouvement d’entreprises qui cherchent à porter la transition écologique et sociale.  

Avez-vous de nouveaux projets pour « En quête de demain » ?

S.A. : « En quête de demain » est une dynamique au long cours. Dans ce programme, il y a plusieurs voies d’évolution, une sur le digital pour aller plus loin et une autre sur la question de la relation avec les lecteurs de la PQR. Nous nous interrogeons et nous en discutons avec les éditeurs. Il y a bien sûr l’envie de faire des reportages et des contenus qui méritent des formats plus approfondis, mais pour le moment nous sommes un peu contraints par le format de la PQR.  

Mesurez-vous les retombées de ce programme ?

S.A. : oui, nous menons deux études. La première est une étude qualitative réalisée auprès des rédactions, à chaque édition de supplément, pour évaluer ce que le travail de la coopération a apporté à chacun des médias. C’est très important car ce que recherche Sparknews est d’intervenir pour enrichir les pratiques des journalistes. La deuxième étude est menée par 366 auprès des lecteurs avec des focus groupes pour pouvoir mesurer l’impact de ce supplément. Un des critères qui ressort c’est l’envie que les lecteurs ont de garder le supplément, ils sont plus de 75%, à le juger intéressant, porteur de solutions et positif.  

Il y a plus de 13 millions de lecteurs et 7 millions de visiteurs sur le digital par supplément. C’est une très belle réussite mais la meilleure des réussites est tout simplement d’être intégré dans la ligne éditoriale des titres et que l’ensemble de l’alliance soit d’accord pour reconduire le programme. C’est bien que ce programme soit viable d’un point de vue à la fois éditorial, économique et des lecteurs. Et, la plus belle des reconnaissances est que nous n’avons plus besoin de demander si « En quête de demain » sera au programme de l’année.

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