Allez dire au Covid-19 qu’il doit décamper pour que les tournages reprennent… Que les gestes barrière au cinéma reviendraient à mettre en place un nouveau « code Hays » dictant l’absence d’intimité, de proximité pour raisons de pandémie… Au diable le Coronavirus !
Y-a-t-il une chance pour que les tournages de long métrages, programmes de flux, séries, téléfilms abandonnés en cours de route redémarrent au 1er juin ? Hugo Rubini, courtier en assurances et son associé Olivier Auguste-Dormeuil au sein du Cabinet Rubini & Associé* ont bien travaillé en ce sens et en lien avec Dominique Boutonnat patron du CNC, mais convaincre des assureurs de revenir dans le game alors que 350 productions (films téléfilms, séries, documentaires, programmes) ont été stoppés le 16 mars dernier, relevait du tour de force. D’autant qu’une deuxième vague de la maladie entre le 11 mai et la fin juin, (soit une fois écoulées les six fameuses semaines qu’il faut au Covid-19 pour se propager à nouveau) si le règles émises par le gouvernement ne sont pas parfaitement observées par les citoyens, n’est pas exclue, loin de là. Une fenêtre de tir difficilement envisageable pour le 7ème art et ses émules. Un cauchemar à vrai dire. Même si mercredi dernier Emmanuel Macron a présenté la mise en place d’un fonds d’investissement auxquels seront associés assureurs, banquiers, SOFICA (Sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel) et autres partenaires, c’est le Covid-19 qui aura le dernier mot.
Cela n’arrêtera pas pour autant le virus malin…
Alors dans le petit milieu de la production, bruisse déjà la rumeur de certains tournages qui reprendraient malgré l’absence d’autorisation… Aux risques et périls de chacun. Car il faut entendre les professionnels pour saisir l’ampleur de la crise qui les frappe. Certains réalisateurs parlent de « la mort du cinéma tel qu’on le connaît aujourd’hui », d’autres plus court-termistes se félicitent d’être en période d’écriture, et puis il y a ceux qui n’ont plus que le montage ou la post-production à terminer, et qui remercient le ciel pour ce timing. Quant aux longs-métrages qui auraient du sortir en salle depuis le 15 mars, ils ont été reportés ou vendus à des plateformes VOD, le CNC ayant assoupli les règles de la chronologie des medias permettant ainsi à 31 films** de sortir plus tôt en vidéo à la demande, à l’acte, ou en DVD. (NDLR, le délai pour sortir en VOD est de 4 mois après sa sortie en salles) répondant ainsi aux souhaits émis par les distributeurs…
Si les tournages avaient repris le 1er juin…
Il suffit de se remémorer le long métrage Le sens de la fête de Olivier Nakache et Éric Toledano, ou La nuit américaine de François Truffaut pour comprendre qu’une événement, un tournage ce ne sont que des … gestes sans barrière aucune. « D’un simple point de vue organisationnel, il est impossible de se projeter concrètement dans la reprise d’un tournage arrêté en plein milieu, deux mois plutôt. Dix personnes rassemblées sur un plateau comme le préconise Édouard Philippe ? On oublie, il y a au moins 50 personnes sur un plateau ou les décors d’un film au bas mot ». Les gestes barrière ? « Impossible à moins de tourner un film à huis clos dans un champ, à deux », ironise à peine Hugo Rubini. Un baiser ? Une accolade ? Une fête dans un bar ? Un mariage ? Une scène d’intimité ? Inimaginable. Suivre les règles à la lettre, au 1er juin aurait implique de n’avoir que les principaux comédiens sous la main, le réalisateur et le chef opérateur qui s’engageraient à se confiner chez eux après leurs prestations sur le film… Une infirmière à demeure, des caméras thermiques pour guetter le 38 degrés et ainsi refouler les « présumés » malades… L’équipe serait gantée, masquée, « combinaisée ». Le « catering » se réduirait à des plateaux repas… Quant aux figurants, ils ne seraient là qu’au besoin, pour ne pas risquer de contaminer les rôles titres… Qui eux-mêmes ne s’embrasseraient sous aucun prétexte, allez savoir…
La nuit américaine
Le sens de la fête
D’un point de vue artistique… la réalité dépasse la fiction
Il suffit de se replonger dans le passé du cinéma hollywoodien, pour imaginer ce que pourraient signifier de nouvelles conventions par temps de pandémie, si celle-ci persistait. Le passage du cinéma muet au cinéma parlant, et le code Hays imposé au cinéma dans les années 30 en font très bien la démonstration, même s’ il s’agit dans l’un, de progrès, et dans l’autre de religion… En effet, en 1927, sous la pression du lobby catholique, l’avocat William Hays qui préside la Motion Pictures Producers and Distributors Association, devenue la Motion Picture Association of America en 1945 dresse une liste de sujets et de thèmes que les scénaristes doivent cesser de traiter. Il s’agit du fameux code Hays qui appliqué à partir de juillet 34 oblige les scénaristes à faire sans baisers enfiévrés, nudité, intimité.… Imaginez une seconde le tollé.
Le code Hays : parler sexe sans le montrer
Au final, ce fameux code Hays a donné naissance à un système d’évitement de la part des réalisateurs qui ont utilisé toutes sortes de métaphores pour exprimer le sexe sans le montrer. Panoramiques verticaux, symboles de l’érection ; bouteille de champagne débouchée, symbole d’éjaculation. Des ellipses visuelles et images suggestives telles que l’effeuillage de Rita Hayworth qui, dans Gilda ôte ses gants pour exprimer son striptease, ou du train fonçant dans un tunnel symbolisant l’acte sexuel dans La mort aux trousses… Imaginons, oui, que le Covid-19 interdise pour cause de contagion, de telles scènes au cinéma, télé, séries? Toute une industrie à réinventer ? Mais trêve de parallèles cauchemardesques… Ce code Hays est mort peu à peu grâce à l’évolution des mentalités, puis du développement de la télévision aux images plus réalistes. La Nouvelle Vague française aura définitivement la peau de ces conventions, qui n’hésite plus à montrer des thèmes tabous sous une nouvelle radicalité. En 1968, un système de classification de films par âge sera mis en place, et puis c’en sera fini du code Hays.
En attendant, « Ce virus a tellement sidéré le monde que les spectateurs qui consomment énormément de séries ou de films chez eux actuellement commentent les scènes sur leur écran en se demandant si les héros de leur série préférée ont compris qu’il fallait adopter des gestes barrières ! », indique François Tron, ancien directeur de la fiction à France 2, devenu président de la RTBF. Et ça ce n’est pas du cinéma.
*Pour le seul cas du Cabinet Rubini & Associés, il y a 28 longs métrages arrêtés (préparation et tournage), autant de films en cours de post-production et en audiovisuel, 11 séries en cours et 7 unitaires arrêtés également. Rien à faire, ce virus en plus d’être particulièrement contagieux, est sourd.
** La Fille au bracelet de Stéphane Desmoustier
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