Assaël Adary président et co-fondateur du cabinet Occurrence réalise principalement des études dans le domaine de la communication. Aujourd’hui, il évoque l’occurrence, justement du mot guerre dans le premier discours d’Emmanuel Macron.
Le « Nous sommes en guerre » martelé à 6 reprises par le président de la République lors de son allocation du 16 mars a donné le ton.
Les mots sont forts, les témoignages sur les réseaux sociaux sont durs. De nombreuses entreprises sont écartelées : il y a ceux qui vont au front et les autres.
Les autres, loin d’être oisifs, peuvent bénéficier du télétravail et sont parfois pointés du doigt comme « les planqués de l’arrière ».
Les « premiers de cordée face aux premiers de corvée » comme le titre le dernier rapport de la fondation Jean-Jaurès.
« En première ligne » : cette expression fait florès alors que l’on avait l’habitude de la lire dans les livres d’histoire.
Et voilà que ressurgissent des phrases, des expressions directement tirées des lettres des poilus, comme un écho aux situations rencontrées ici et aujourd’hui. Les voici ici en italique.
L’importance du management de proximité et sa légitimité parfois questionnée
« À leur tête, il les entraîne relever leurs camarades des premières lignes »
« Je vais vous dire que nous avons refusé de monter en ligne mardi soir »
La détresse face aux soins
« L’hôpital est surchargé, il y a vingt blessés pour un médecin. On m’a allongé sur un lit, et depuis j’attends les soins. »
Le doute, le questionnement, la sidération semblent identiques
« On se demande comment il se peut que l’on laisse se produire de pareilles choses. Je ne devrais peut-être pas décrire ces atrocités, mais il faut qu’on sache, on ignore la vérité trop brutale. »
Et l’espoir se colore de la même manière
« Nous tenons cependant, c’est admirable »
« Lorsqu’on avance, il n’y a plus de peur »
Et même leur confinement ressemble au nôtre
« Il faut bien passer le temps, éviter l’ennui et le cafard qui vous guettent »
Réapprendre à dire merci ?
Aujourd’hui il faut sauver des vies, mais demain il faudra re-tricoter le corps social de nombreuses entreprises qui se fissurent. Ces cassures devront être pansées. Ce sont les chantiers sur lesquels devront se pencher les équipes de communication interne dès le premier jour de l’Après. Demain, vite, il faudra expliquer, faire de la pédagogie, donner à voir où et comment se crée la valeur dans chaque entreprise. Demain, il faudra inventer un nouveau management enrichi de cette expérience. Ne faut-il d’ailleurs pas engager tout ce qui peut l’être dès à présent pour contenir ces béances, rétablir les vérités, préparer l’Après ? Comment valoriser les uns tout en ne dénigrant pas les autres ? comment apprendre ou réapprendre à dire « Merci » ? Merci, un mot peut-être usé quand il s’exprime de manière brute sans complément, comment le conjuguer ? Comment le remplir ? Comment le décliner ? Comment former les managers à l’employer à bon escient ? Autant de questions qu’il faut traiter aujourd’hui ! Un merci tardif est une claque. Nous sommes en train de créer à l’échelle de la planète et de manière intergénérationnelle une nouvelle communauté de destin : les Covinials ; ces derniers vont réclamer une autre manière de gouverner l’entreprise, de manager les femmes et les hommes. Les réponses doivent se construire aujourd’hui en diagnostiquant dans chaque organisation méticuleusement les transitions qui s’opèrent, en documentant les mouvements qui s’amorcent dans la société et en instruisant les transitions inévitables.
Comme le dit très justement Yuval Noah Harari : « le véritable antidote à l’épidémie n’est pas le repli, mais la coopération ». Il s’agit donc d’inventer dans chaque organisation les nouvelles formes de cette coopération entre les « lignes ».