Podcast mania, en veux-tu, en voilà. A l’occasion des trois jours de rencontres et d’échanges de la 1ère édition du Paris Podcast Festival, Chloé Tavitian, directrice conseil en charge de l’offre podcast chez Havas Paris, nous raconte cette nouvelle forme de création devenue phénomène culturel. Coup d’œil sur les tenants et aboutissants d’une union marque/podcast réussie.
Depuis maintenant 4 ans, on assiste à la production d’un nouveau genre d’œuvres sonores diffusées auprès du grand public sous la forme de podcasts. 100% digitaux, faciles à enregistrer, à diffuser, et sans limite de durée, ces podcasts offre un nouveau rapport à la parole, définissent de nouvelles frontières du récit, tout en reprenant les codes du divertissement faisant écho aux séries. Un canal qui a conquis le coeur des marques et dont les applications semblent infinies.
Afin de célébrer ce format créatif, de rassembler ses parties prenantes et d’offrir aux professionnels une plateforme de rencontres ainsi que des outils pour se structurer, la 1ère édition du Paris Podcast Festival s’est tenu du 19 au 21 octobre 2018 à la Gaîté Lyrique. Trois jours dédiés au podcast, où plus de 4 500 amateurs, auteurs et créateurs, auditeurs et professionnels se sont retrouvés pour des écoutes collectives, des enregistrements publics, des ateliers et des rencontres. En pleine ébullition auditive, nous avons rencontré Chloé Tavitian, directrice conseil en charge de l’offre podcast chez Havas Paris. Comment gérer et mettre en place ce format pour une marque, était au coeur de l’entretien.
IN : pourquoi et comment avez-vous décidé de vous investir dans le format podcast ?
Chloe Tavitian : en tant que publicitaire, j’ai vraiment l’ambition de sortir de la culture de l’intrusion publicitaire pour regagner l’attention et la qualité. Le podcast est très adapté pour sortir de cette mécanique de constante interruption. J’envisage donc le podcast comme une nourriture intellectuelle et culturelle. Une démarche assez simple et saine qui rapproche tout en permettant la complexité.
Pour l’agence, investir ce nouveau format est une manière d’engager les consommateurs différemment, de sortir des carcans publicitaires. Le podcast donne une liberté extraordinaire en terme de format, il n’y a pas de règle de durée par exemple. De cette manière, nous reprenons le temps de raconter des histoires qui sont parfois un peu complexes.
IN : y a-t-il une explication particulière à cette effervescence du podcast et de la voix dans l’univers marques et entreprises ?
C.T. : les marques par leur ADN sont très légitimes pour raconter une histoire. Qui de mieux qu’un groupe comme LVMH pour évoquer la mode ? Que de mieux que Veolia pour parler d’eau et d’énergie renouvelable ? Indéniablement, le podcast offre un rapport direct qui enlève cette couche de vernis superficielle imposée par les autres formats. La saturation des images et écrans est prenante. Et les messages publicitaires martelés à tout bout de champ ne sont plus forcément entendus. La voix vient pallier ce problème. Et c’est fou parce que tout laissait entendre une fin de carrière pour cette dernière : les vidéos sont majoritairement écoutées sans son sur FB, Instagram, même le coup de téléphone est devenu presque intrusif ! Mais ce format d’écoute diffère et séduit.
IN : représente t-il un canal de communication complémentaire pour les marques ? A quelle fin au juste ?
C.T. : il y a deux façons d’investir le podcast en tant que marque. La première est de faire du sponsoring, de la promotion très ciblée. Par exemple, Guerlain qui a sponsorisé le podcast « La Poudre » dont la cible est un bon match. Si cette logique peut paraître intrusive, elle est pourtant preuve que les marques et entreprises ont leur rôle à jouer dans cet univers car c’est grâce à ces budgets que les podcasts sponsorisés peuvent exister. La seconde manière d’investir le format podcast est le storytelling ou le brand content. L’ambition est alors de sortir des schémas habituels de communication en racontant une histoire pour asseoir une expertise. Et pour y arriver, les méthodes sont multiples : fiction, documentaire ou encore pédagogie-expertise (avec par exemple le talk-show interne de Sodexo visant à accompagner les employés dans sa transformation digitale).
IN : est-ce un moyen durable de raconter sa marque à son public ?
C.T. : des histoires, il y en aura toujours à raconter, et les formats sont sans limites. Avec LVMH par exemple, c’est pour l’audience un accès direct, privilégié et inédit aux petites mains du groupe, aux richesses et savoir-faire de ses artisans. Cela permet au groupe de briser la glace et de s’offrir à son public sous un aspect plus humain.
IN : comment convaincre d’écouter ce type de discours de marque ?
C.T. : la seule règle se résume en trois point : d’abord, une bonne histoire, ensuite, une bonne histoire, enfin, une bonne histoire. Il faut penser des contenus intéressants pour prétendre intéresser. On peut parler d’une marque sans être ultra commercial. Pour cela, il faut se recentrer sur l’histoire et l’expertise, il faut parvenir à se détacher du discours marketing et changer de langage pour aborder un angle de discussion où doit régner la générosité.
IN : draîne-t-il une nouvelle clientèle pour la marque ou plutôt une nouvelle méthode de fidélisation client ?
C.T. : les deux à la fois, même si la logique de CRM et de fidélisation est plus évidente. En effet, il faut quand même qu’il y ait un intérêt pour la marque si le podcast est vraiment brandé de manière explicite. Pourtant, des marques commet GE (General Electric) et son podcast « The message » aux 4 millions d’auditeurs prouvent bien que le divertissement est la clé du succès. Il faut savoir lâcher prise, absolument.
IN : s’adresse-t-il à n’importe quel type de marque ou ne doit-il concerner que des marques dont la cible adhère à cette nouvelle forme d’écoute ?
C.T. : rien n’est impossible mais les études à ce sujet montrent bien que les auditeurs de podcasts sont majoritairement jeunes et urbains. Il faut dont intégrer cet élément dans la réflexion. Ce n’est pas toujours évident de prime abord mais certaines marques comme l’Armée de l’Air surprennent et restent cohérentes avec leur identité en jouant avec ce nouveau format. Pour ce client avec lequel nous avons travaillé, la problématique de départ était le recrutement. Et si le podcast n’était pas un format évident, c’est l’idée créative qui a dépassé le format. Avec en ligne de mire une cible jeune, de plus réticente aux discours marketing et au manque d’authenticité, nous avons choisi de raconter des histoires vraies, en commençant par un documentaire de 52 minutes sur les dessous du métier, puis l’avons adapté en BD digitale et continuons aujourd’hui avec un podcast.
IN : y a-t-il un ton, un angle particulier à adopter et des tangentes à intégrer ?
C.T. : la règle d’or c’est la sincérité et l’authenticité. Si le discours offre trop d’éléments de langage publicitaires, cela sonnera faux et lassera rapidement l’auditeur. On se rend compte que les discours corporate ne sont vraiment pas les bienvenus sur ce genre de format, car le rapport direct entre émetteur et auditeur ne le permet pas.
IN : le Paris Podcast Festival a-t-il permis de l’imposer comme une tendance durable auprès des marques ?
C.T. : la vocation du Paris Podcast Festival était vraiment de rassembler tous les acteurs de l’écosystème, donc d’abord de fédérer mais aussi en effet d’acter cette pratique culturelle qui s’ancre dans le paysage. Côté marques, ce n’est pas un format qui compte remplacer les autres mais plutôt un outil supplémentaire pour s’adresser à son public et faire valoir sa marque là où les autres canaux de communication n’y parviennent pas. A l’échelle nationale, nous passons environs 3 heures 30 dans les transports par semaine. Un « temps libre » dont l’auditeur profite pour aller chercher du qualitatif, et c’est aussi pour cette raison que les marques doivent l’investir.