Le vêtement intelligent préempterait-il un nouveau territoire, la protection de la vie privée ? « Non » répond la créatrice de la robe interactive Playtime, Ying Gao. Pourtant son innovation ferait une très subtile robe anti-paparazzi. Explications.
Quelle star n’a jamais rêvé de pouvoir devenir invisible et rendre orphelins les clichés volés des magazines people ? Dans leur combat pour la protection législative des enfants de vedettes épiées, les actrices Jennifer Gardner et Halle Berry auraient été heureuses d’apprendre que la designer Ying Gao a conçu ce qui aurait pu être la première robe au monde anti-paparazzi. Mais cette utilisation – qui aurait fait entrer le vêtement intelligent dans une autre dimension – la créatrice la réfute avec véhémence. « C’est même tout le contraire, il s’agit d’un projet de design expérimental. Ce qui nous importe c’est la métaphore et Jacques Tati, sa vision poétique et ludique du monde », explique à INfluencia la professeur à l’université du Québec à Montréal reconnue dans le design interactif depuis son exposition « Art, Mode et Technologie » au Musée national des Beaux Arts du Québec. Inspirées du film éponyme de Jacques Tati, sur l’impact de la technologie dans l’évolution de la vie privée, les robes diaphanes sont équipées d’une structure de microprocesseurs, de détecteurs, de moteurs électroniques et de lumières, bien dissimulés sous les tissus.
Concrètement, quand quelqu’un essaye de capturer une image de la robe, que ce soit avec une caméra ou un appareil photo, le vêtement transforme et déconstruit l’image. Elle devient vague et floue. Sur son site Web, Ying Gao développe : « Dans le contexte d’un défilé avec son et éclairage, la captation photographique ou vidéo des pièces est altérée: la première robe devient floue, comme dissimulée physiquement dans l’image fixe ou animée. La deuxième robe réagit au flash de la caméra en émettant une lumière intermittente qui vient tromper la caméra et altérer la prise de vue. »
La veste qui permet de jouer de la musique, les tee-shirts qui changent de couleur en fonction de la chaleur du corps, la robe téléphoneou détectrice de mensonges, tous seraient donc « l’’anti-thèse » de Playtime à en croire Ying Gao ! « C’est peut-être même un peu à cause de ces gadgets-là que je fais ce que je fais depuis maintenant dix ans : rendre à la mode ses lettres de noblesse, avec de la poésie », développe-t-elle pour commenter les deux exemplaires de son projet, qui ne sera pas commercialisé.
En pleine polémique sur les dérives sécuritaires et voyeuristes de nos sociétés, Playtime constitue une superbe déclaration symbolique de l’actuel climat socio-politique en Amérique du Nord. Mais pas une robe anti-clichés volés. Dont acte. Mais avouez que ça serait amusant, novateur et créatif !