Cuisiner des aliments dans une laverie, vous n’y pensez pas ? Pour Iftach Gazit, l’idée n’a rien de farfelue et pourrait même aider les personnes les plus démunies. Explications…
Programme coton, cycle court, bien refermer la porte de la machine à laver et appuyer sur « démarrer ». Voici comment bien cuisiner des légumes selon Iftach Gazit, étudiant en 4ème année de design industriel à l’académie de Bezatel. Un projet surprenant, baptisé « Sous la vie », qui reprend les techniques de la cuisine sous vide : « De cette manière, la nourriture est cuisinée en utilisant le bain-marie à des températures comprises entre 50 et 70 degrés. Nous retrouvons exactement les mêmes conditions dans une machine à laver. La seule chose à faire est de changer la sémantique », souligne Iftach Gazit sur son site.
Ainsi, vous pouvez placer de la viande, des légumes et même du poisson dans votre tambour, le designer a tout prévu. Dans un sac waterproof conçu en tyvek (matériau synthétique), votre nourriture est conservée dans un emballage plastique et tout a été prévu pour que le linge ne subisse pas les désagréments d’un saumon en sauce par exemple. A en croire Iftach Gazit, il faudra peut-être un peu d’entraînement pour maitriser les programmes : « Après quelques essais et peut-être autant d’erreurs, vous devriez être capable d’obtenir un résultat satisfaisant ».
Réveiller les consciences
Mais alors, la machine à laver peut-elle devenir l’égal d’un four, d’une plaque électrique ou encore d’un micro-onde ? L’étudiant le pense et elle pourrait surtout devenir une arme contre la pauvreté et apporter une réponse aux quotidiens des plus démunis : « Face à la précarité, la laverie est devenue une solution pour les sans-abris. La plupart sont ouvertes 24h sur 24, 7 jours sur 7 et sont des refuges sûrs. Comme le décrivait un blogger sans domicile fixe (afrostyplease) : « la laverie est l’un des endroits les plus utiles sur terre, avec les librairies. Vous pouvez laver votre linge, remplir votre bouteille d’eau, recharger votre téléphone, ordinateur… L’occasion de prendre du temps pour soi et de ne pas se sentir harcelé ». Alors pourquoi ne serions-nous pas capables de cuisiner pendant ce temps ? ». Le soin apporté au design packaging délivre de précieuses informations en matière de nutrition et met en valeur le plat sélectionné. Un moindre mal pour des personnes qui ont besoin de réconfort et de se sentir valorisées.
Iftach Gazit va même plus loin dans sa démarche et pose un regard lucide sur le monde qui nous entoure. Un rappel à l’ordre pas si anodin qui prend ses racines dans un événement douloureux pour des millions de personnes : « Il est marrant de penser que le fait de cuisiner avec une machine à laver puisse devenir une tendance, voire même un concept de restaurant branché à la Damien Hirst. Mais il n’est pas question ici d’humour. Nous préférons penser qu’il s’agit d’une manière de se rappeler les conséquences de la crise économique de 2008, avec tous ces logements perdus et ces rêves brisés (…). Ce n’est pas uniquement un projet pour les sans-abris, mais pour chacun d’entre nous. Un reflet de nos goûts, de nos capacités économiques et de notre culture ».
Une initiative qui, même si elle possède sa part d’ombre d’un point de vue écologique, devrait inspirer les marques en investissant dans ce genre de projet ou encore les pouvoirs publics en faisant des laveries des lieux expérimentaux pour lutter contre la pauvreté. Les communicants ont aussi une belle carte à jouer et on est persuadé qu’ils sont capables de mener une telle réflexion pour faire bouger les choses et apporter des solutions. Il y a quelques mois, l’agence suédoise, Snask et l’artiste multidisciplinaire, Asta Ostrovskaja, imaginaient une nouvelle identité visuelle pour la… Corée du Nord : Love is Korea. Ils s’étaient alors adressés aux dirigeants de ce pays : « Comme nous l’écrivions dans notre lettre ouverte, nous vous invitons à télécharger et à utiliser cette identité gratuitement. Vous n’imaginez pas notre bonheur si tel était le cas. Et quand nous disons gratuitement, c’est à une condition : prouver au reste du monde que vous êtes une démocratie libre ». C’est beau de rêver !