Une exposition parisienne retrace depuis quelque temps l’utilisation artistique et créative du néon. Une première pour un art mineur longtemps délaissé. Inventé par un Français en 1910, le néon ne tarda pas à devenir l’emblème et le symbole d’une modernité galopante et d’une société de consommation effrénée, des avenues des grandes villes jusqu’aux galeries d’artistes dans les années 60.
Il faut dire que le néon est un miracle du XXème siècle. Prouesse technologique, le néon est un tube de verre contenant du vent (du gaz) et dans lequel la lumière est enfermée. Symbole de la futilité et d’une postmodernité recyclant ses mythes en sous-cultures, ses premières utilisations furent publicitaires. Les hommes venaient de trouver une nouvelle expression pour raconter le monde, écrire ou dessiner leur futur.
A l’heure où ouvre cette exposition, il est troublant de noter une certaine ressemblance avec quelques-unes de nos tendances contemporaines: Hipstamatic, Instagram, Tumblr et le dernier-né Pinterest. La futilité exprimée par le «Rien» de l’artiste Jean-Michel Alberola n’est plus contenue dans des néons, mais exposée aux yeux de tous. Ces réseaux sociaux sont des miroirs inversés de nos vies, de nos instants éternels, de ces moments exposés aux yeux de tous. Ce qui était à l’intérieur passe à l’extérieur. Le dedans est devenu tellement visible qu’il est devenu le dehors, commun à tous.
Les réseaux sociaux démontrent que nous nous avançons petit à petit et au quotidien dans une extraversion généralisée. C’est en cela que, pour paraphraser Jacques Lacan, nous pouvons parler d’ «extime» (d’extériorisation durable et structurelle de notre intimité), érigée en un style de vie que connaissent bien les «digital natives», ceux qui sont nés avec Internet.
Peut-être est-il temps de dire adieu à «l’homme intérieur» dont parlait Platon, notion qui caractérisait pour le philosophe la part de divin et de recueillement en chaque être humain (et sa capacité à se retrouver à l’intérieur de soi). La modernité a voulu symboliquement enfermer l’air du temps à l’intérieur de tubes de verre. D’autres interfaces de verre, les écrans libèrent aujourd’hui les énergies.
Cette révolution de l’extime est un état qui nous permet de revenir aux origines. C’est très certainement le sentiment que les hommes primitifs ont eu et que Michel Tournier exprime dans Vendredi ou les limbes du pacifique: «Exister, qu’est-ce que cela veut dire? Ca veut dire être dehors, sistere ex. ce qui est l’extérieur existe. Ce qui est à l’intérieur n’existe pas (…). C’est comme une force centrifuge qui pousserait vers le dehors tout ce qui remue en moi, images, rêveries, projets, fantasmes, délires, obsessions. Ce qui n’ex-iste pas in-siste. Insiste pour exister». L’inverse du néon.
Thomas Jamet – NEWCAST – Directeur Général / Head of Entertainment & brand(ed) content, Vivaki (Publicis Groupe)
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Thomas Jamet est l’auteur de « Ren@issance Mythologique, l’imaginaire et les mythes à l’ère digitale » (François Bourin Editeur). Préface de Michel Maffesoli.