INfluencia : quelle est votre raison d’être?
Pierre Calmard : on a choisi une phrase dont on a pesé chaque mot et qui est une belle raison d’être, je trouve au final, je vous la cite de mémoire : Choisir de concevoir la communication comme un vecteur d’harmonie sociale et environnementale.
IN. : c’est une belle phrase en effet, très engageante…
P.C. : très engageant parce que comme le dit le premier mot, il s’agit d’un vrai choix. Tant pour nos collaborateurs que pour nos clients.
On va juste accepter l’imperfection du monde, et faire notre devoir désormais, en conseillant à nos clients qui veulent tourner en Afrique du Sud d’être raisonnables
IN. : lorsqu’un client vous dira « moi, je veux tourner en Afrique du sud, je paierais ma cote part en émissions carbone »… que lui répondrez-vous ?
P.C. : je dirais pour commencer qu’il y en a de moins en moins… des clients, comme ça. Les choses sont entrain d’évoluer. Je pense qu’il faut aborder cette logique avec beaucoup d’humilité. Nous avons fait énormément pour dentsu en France depuis 3 ans, énormément pour nos salariés, mais aussi pour notre action, en divisant par 3 notre propre empreinte carbone. Concernant nos clients, notre ambition n’est pas de changer le monde en claquant des doigts, et en quinze jours. C’est absolument impossible. On va juste accepter l’imperfection du monde, et faire notre devoir désormais, en conseillant à nos clients qui veulent tourner en Afrique du Sud, d’accepter des solutions efficaces pour le faire de façon différente, de manière pertinente, beaucoup moins carbonée.
IN. : c’est un changement de paradigme total…
P.C. : oui effectivement notre métier consiste désormais à apporter des solutions pour changer cette logique qui n’avait jamais été interrogée par le passé. On ne va pas tout changer d’un seul coup. On a commencé à le faire de manière significative (lire l’encadré). À l’interne, d’ores et déjà, chacun chez dentsu france doit s’engager à faire en sorte de changer cette logique pour aller dans le sens de l’harmonie.
IN. : cela veut dire quoi être « le premier groupe » labellisée « entreprise à mission » ?
P.C. : notre métier est désormais augmenté, puisqu’il s’agit d’apporter des solutions créatives et « raisonnables » à nos clients. On n’y arrivera pas dans cent pour cent des cas. Mais c’est notre décision, notre responsabilité désormais. Cela signifie aussi que nous sommes, -comme toujours dans notre ADN, depuis Carat et Gilbert Gross-, les pionniers de ce marché, que c’est nous qui prenons les risques, que c’est nous qui portons l’ambition, et que c’est nous qui contribuons à faire en sorte que ce marché évolue. Et je vous parie que d’ici trois ans, nous ne serons plus seuls, et qu’il y aura pas mal d’agences qui nous auront emboité le pas, et c’est très bien. Simplement, être premiers démontre une ambition différente, comporte des risques. C’est surtout une conviction..
IN. : comment votre écosystème vit-il ce virage ?
P.C. : ce qui me rend optimiste c’est que depuis un mois et demi on en parle à certains de nos clients et que pour l’instant, nous avons un accueil ultra favorable. Il faut dire qu’un très grand nombre de nos clients sont extrêmement conscients qu’ils doivent changer leurs pratiques, ont eux mêmes des engagements chaque fois plus grands… Qu’ils ont déjà des engagements RSE, et une pression de leurs publics qui les incitent à changer leurs pratiques. Aujourd’hui il y a deux options soit vous ne faites rien et mourez de votre mort lente, soit vous réinventez votre business en prenant en compte ces valeurs fondamentales. Ce n’est pas en choix en fait, c’est une nécessité, une question de survie.
IN. : que répondez-vous à un Yann Arthus-Bertrand qui pense qu’il est trop tard et que les petits pas ne servent à rien ?
P.C. : si j’étais méchant je dirais la vieillesse est un naufrage. C’est à dire. Quand on a passé toute sa vie en hélicoptère, à photographier la terre pour faire de l’argent, il est un peu facile à 80 balais, de dire aux jeunes qu’ils n’ont pas le droit d’aller à New-York en avion… C’est la caricature de ce que peuvent être les jusqu’au boutistes avec leur radicalité mortifère. Nous vivons dans un monde imparfait avec des gens imparfaits. Ce qui est important c’est de prendre des engagements forts, de former les gens à l’interne comme à l’extérieur.
Plutôt que d’être méfiants, tous nos partenaires semblent heureux d’aller dans ce futur en sachant qu’ils en font partie
IN. : qu’est-ce qui vous a poussé à entreprendre ce chemin ?
P.C. : si je rembobine le film, cela fait trois ans que j’ai pris la tête de la société en France, j’ai toujours insisté sur ce concept d’entreprise harmonieuse, que je sers à toutes les sauces. Donc c’est une conviction que j’ai depuis le départ. Mettre en harmonie les aspirations de nos actionnaires, de nos talents, de nos clients, qui souvent connaissent des oppositions très fortes. Or aujourd’hui dentsu France, a le meilleur taux d’engagement chez ses salariés en Europe, avec 18 points de plus qu’il y a deux ans. Nous sommes passés de 6,5 à 8,3 sur 10 sur le taux de la satisfaction de nos clients en deux ans. Et on a réalisé en 2022 le meilleur résultat budgétaire depuis quinze ans. Un tour de force. Alors pour moi l’ambition d’être entreprise à mission est arrivée sur le tapis il y a six mois, logiquement pour encapsuler tout ce que nous avons entrepris depuis trois ans L’accueil à l’interne est passionné (1000 salariés).
IN. : comment un philosophe se retrouve-t-il dans la communication ?
P.C. : je crois que la communication est au centre de toutes les évolutions, depuis qu’elle existe, depuis que le langage est né. Cette communication se complexifie chaque fois plus. Mon objectif c’est de créer un nouveau chemin, de donner un nouveau sens à nos métiers, et de donner du sens à ceux qui travaillent avec nous. Il n’y a jamais eu aussi peu de départs au sein du groupe. Plutôt que d’être méfiants, tous nos partenaires semblent heureux d’aller dans ce futur en sachant qu’ils en font partie, au lieu de le refuser.
IN. : que pensez vous de la tournure que prennent les événements dans le monde aujourd’hui ?
P.C. : ce qui m’inquiète c’est l’obscurantisme. On assiste à un changement de paradigme et les organisations des sociétés sont entrain de muter. Ce qui se passe, c’est qu’on a cru pendant très longtemps que la démocratie européenne était l’avenir de la démocratie… Aujourd’hui on s’aperçoit que les dictatures font loi, parce qu’un pouvoir fort donne un cadre, évite de penser, et beaucoup de gens trouvent cela protecteur.
En savoir plus
dentsu s’inscrit depuis de nombreuses années déjà dans « l’esprit » d’une société à mission, foncièrement guidé par ses convictions les plus vives. En effet, les initiatives déjà nombreuses du groupe sont autant de preuves d’un engagement sincère car préexistant de manière consubstantielle à la culture dentsu.
De ses accords sur la qualité de vie au travail, à son index de parité* (96/100), en passant par la mise à disposition de 16h de bénévolat par an, dentsu a toujours fait preuve d’un engagement constant et volontaire en faveur de ses collaborateurs.
Quant à ses produits, le groupe a su concevoir des solutions innovantes et durables, parmi lesquelles une solution programmatique bas carbone (PMP Responsable), une offre écoresponsable permettant la suppression de tags devenus obsolètes (Tag Cleaner), ou encore un « do tank » réunissant collaborateurs, annonceurs et partenaires pour une communication plus durable (club Dentsu Sw!tch).
Résolu à ouvrir la voie d’une ère post-publicitaire toujours plus harmonieuse, dentsu france entend initier un changement de modèle ambitieux et transparent, au sein duquel les groupes de communication devraient progressivement s’inscrire.
