INfluencia : de plus en plus d’entreprises de par le monde ont adopté la semaine de 4 jours pour leurs collaborateurs. Comment expliquez-vous ce phénomène ?
Philippe du Payrat : la semaine de 4 jours est de plus en plus demandée par les salariés. C’est même l’avantage le plus souhaité au Royaume-Uni. En France, l’absentéisme a bondi de 75% en douze ans et représente en moyenne 24 jours par an et par employé. Avec une augmentation alarmante des burnouts (13% des employés en burnout sévère, x3 post Covid), une difficulté croissante en matière de rétention et de recrutement (55% des actifs à la recherche d’un autre emploi), ainsi qu’un niveau d’engagement au travail des salariés parmi les plus faibles d’Europe (7% seulement), il est impératif d’adopter de nouvelles approches pour améliorer la qualité de vie au travail en France. Or les études menées par l’université Boston College démontrent l’efficacité de la semaine de 4 jours pour répondre à ces défis.
IN. : que propose votre agence ?
P. d. P. : 4jours.work a été fondée au second trimestre de cette année et son objectif est d’accompagner les entreprises dans leur transition à la semaine de 4 jours. De nombreux dirigeants souhaitent adopter ce modèle mais beaucoup ne savent pas comment s’y prendre et nous sommes là pour les épauler.
IN. : de quelles manières ?
P. d. P. : nous proposons un outil en ligne qui permet aux entreprises de se tester gratuitement en cinq minutes afin de savoir si elles sont prêtes à adopter la semaine de quatre jours. Celles qui le sont peuvent ensuite faire appel à nous. Nous leur proposons, dans un premier temps, de suivre une formation de deux mois qui leur permet de connaître les implications que la semaine de 4 jours va avoir sur leur organisation. Elles expérimentent ensuite ce modèle pendant six mois. Cette période nous permet d’analyser avec elles quatre principaux éléments : la performance de leurs activités, la qualité de vie au travail de leurs collaborateurs au sein de leur entreprise mais aussi à l’extérieur dans leur sphère privée et enfin l’impact environnemental de leur nouveau modèle.
IN. : comment définissez-vous tous ces indicateurs ?
P. d. P. : Nous faisons appel à des sociologues et à des chercheurs notamment d’Emlyon. Ces recherches académiques ne sont qu’un des volets de notre activité car nous aidons aussi nos clients à définir leur stratégie opérationnelle. Nous leur proposons également un accompagnement juridique, nous leurs offrons des cours en ligne ainsi que l’accès à la plus grande communauté au monde d’entreprises qui ont adopté la semaine de 4 jours.
IN. : pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
P. d. P. : Nous sommes le partenaire français de 4 Day Week Global qui est l’expert mondial de la semaine de 4 jours. Ils ont accompagné, à ce jour, plus de 350 entreprises dans 20 pays dont les Etats-Unis, le Canada, l’Afrique du Sud et le Royaume-Uni.
IN. : quels sont les pays qui ont montré la voie à suivre ?
P. d. P. : les précurseurs sont les pays anglosaxons et notamment la Nouvelle-Zélande qui a été le premier à sauter le pas. Certaines nations ont des programmes gouvernementaux qui encouragent ce modèle et d’autres comme la France avancent, pas à pas, grâce des initiatives indépendantes comme la nôtre. Une chose toutefois est certaine. Ce mouvement devient global et on voit sans cesse de nouveaux pays comme le Japon, la Corée du Sud ou la Suisse lancer des pilotes.
IN. : où se place la France dans ce mouvement ?
P. d. P. : il est difficile d’évaluer le nombre d’entreprises en France qui ont adopté la semaine de 4 jours mais j’estime qu’il n’y en a pas plus de 1000…
IN. : c’est bien peu quand on pense que notre pays compte près de 146.000 PME, ETI et grandes entreprises, selon l’INSEE. Comment expliquez-vous la timidité de nos dirigeants ?
P. d. P. : plusieurs raisons expliquent cette situation. La semaine de 35 heures a, tout d’abord, laissé des cicatrices dans la mentalité des dirigeants d’entreprises. Cette réforme leur a été imposée et on leur a promis des choses qui n’ont pas été tenues. Il y a également une forte confusion dans notre pays entre la semaine de 4 jours et la semaine réduite et les récentes déclarations de l’ancien Premier ministre, Gabriel Attal, n’ont pas simplifié ce débat. Jusqu’à ce jour, l’Etat n’a pas non plus soutenu clairement ce modèle. Les incertitudes économiques et politiques actuelles n’encouragent pas non plus les dirigeants de sociétés à tester cette organisation. C’est dommage car la France a longtemps fait figure de pionnière en matière sociale.
IN. : les dirigeants n‘ont-ils pas raison de s’inquiéter des impacts économiques que pourrait avoir une nouvelle réduction du temps de travail de leurs salariés ?
P. d. P. : toutes nos études prouvent le contraire. Le passage à la semaine de 4 jours signifie une réduction du temps de travail de 35 à 32 heures soit un peu plus de 8% des horaires passés dans l’entreprise. Une étude menée auprès de 91 entreprises et 3500 salariés prouve toutefois que les sociétés ont enregistré en moyenne une hausse de 35% de leur chiffre d’affaires après l’adoption de la semaine de 4 jours. 75% affichent une augmentation de leur productivité et de leurs performances. Ce n’est pas un hasard si 91% des organisations qui ont testé ce modèle finissent par l’adopter sur le long terme. La semaine de 4 jours permet d’accroître le bien-être des salariés sans compromettre les performances des entreprises.
IN. : un dernier détail, qui n’en est pas vraiment un, combien coûte votre accompagnement ?
P. d. P. : nos tarifs commencent à 4600 euros hors taxes pour une PME de moins de 20 salariés et ils augmentent ensuite par palier. Nous avons l’habitude de dire que nous coûtons moins cher qu’un pass Navigo annuel par employé…