11 juillet 2016

Temps de lecture : 4 min

Les petits miracles du cerveau

Quelle est donc cette cogitation qui génère la production, comme à notre insu, des idées, et pourquoi les marques feraient-elles bien de la cultiver ? Les sciences cognitives nous apprennent que rien ne vient ex nihilo et nous éclairent sur « l'inspiration », dont Valéry intuitionnait qu'elle est « l'hypothèse qui réduit l'auteur au rôle d'un observateur ».

Quelle est donc cette cogitation qui génère la production, comme à notre insu, des idées, et pourquoi les marques feraient-elles bien de la cultiver ? Les sciences cognitives nous apprennent que rien ne vient ex nihilo et nous éclairent sur « l’inspiration », dont Valéry intuitionnait qu’elle est « l’hypothèse qui réduit l’auteur au rôle d’un observateur ».

Dans une économie globalisée, où les entreprises sont en concurrence avec le reste du monde, tout un chacun s’accorde à penser qu’il devient indispensable d’être créatif et d’innover pour se différencier, et proposer aux consommateurs des offres de produits et de services qui satisfassent au mieux leurs besoins et leurs aspirations. Or, dans un processus créatif, la maîtrise technique, l’analyse rationnelle structurée des besoins des consommateurs et même les méthodes structurées de créativité ne sont plus suffisantes. Il manque le « supplément d’âme » qui fera la différence et qui naît le plus souvent de l’inspiration.

L’inspiration n’est plus l’apanage des artistes

Lorsque l’on est confronté à l’envie ou la nécessité de réaliser une production artistique, de forger un concept nouveau ou de résoudre un problème inédit, l’inspiration « frappe » aux moments les plus inattendus, comme par exemple en plein milieu de la nuit, lors d’une promenade, sous la douche ou en montant une mayonnaise. Si on est inspiré, on peut générer une masse d’idées étonnamment pertinentes en une brève période de temps. Ces expériences d’inspiration sont souvent ressenties comme hors du temps, transcendantes, comme si l’on était connecté à un flux cohérent de pensées et d’idées, au point que pendant longtemps l’inspiration est restée l’apanage d’explications spirituelles ou mystiques. On peut, bien sûr, en l’absence d’inspiration, utiliser des méthodes structurées pour initier des idées, les évaluer, résoudre des problèmes… On parvient de cette manière à produire des idées, mais qui ne seront pas aussi brillantes et élégantes que celles qui jaillissent lorsque l’on est inspiré.

Une attitude  « idéale » ou l’idée jaillissante

Lorsque l’on évoque l’inspiration, parler de l’objet qui provoque l’inspiration est plus aisé, plus immédiat. « Mon inspiration s’est toujours appuyée sur la réalité quotidienne, j’ai toujours été fidèle à mon temps, mon époque », témoignait Yves Saint Laurent pour signifier que l’état d’inspiration pour créer émergeait d’une « muse » qui n’était autre que la réalité quotidienne d’une époque dont il essayait de percevoir le sens. Chercher à comprendre les femmes et les hommes, leurs besoins et leurs aspirations, leur mode de vie, leurs préférences… ne donne pas le plan détaillé pour concevoir le produit ou service qu’ils apprécieront, mais constitue un terrain d’inspiration pour nourrir l’intuition ou l’imagination des designers et des marketers.

Mais l’inspiration est avant tout une attitude, une posture mentale synonyme de souplesse, d’aisance et de bon sens. Quand on est inspiré, on réutilise mieux ses diverses connaissances, on voit des liens entre les choses, les solutions arrivent toutes seules et, cerise sur le gâteau, on s’épanouit plus dans son activité. Soudain, de la masse informe et floue de nos pensées, de nos réflexions et de nos ressentis sur un sujet, les idées surgissent, en un éclair, comme venues de nulle part. Lumineuses, révélations claires qui expliquent comment nos pensées aux contours imprécis peuvent s’emboîter en un tout cohérent et pertinent par rapport au sujet qui nous intéresse.

Victor Hugo écrivait dans Choses vues « [qu’]une pensée contient toujours deux sortes de choses, celles qui y sont venues par inspiration, et celles qui y sont venues par alluvion » pour expliquer que l’inspiration est un processus qui dépasse la mobilisation et l’assemblage des idées et de pensées connues, ou de poncifs, et qui découle d’un véritable mécanisme complexe de création. D’où vient alors cette aptitude humaine à l’inspiration ?

Les sciences du cerveau et de la cognition

Nous pourrions suivre les recommandations de Roland Topor, artiste aux multiples facettes, qui a dû être bien inspiré pour mener de front ses activités artistiques éclectiques d’illustrateur, dessinateur, peintre, écrivain, poète, acteur, cinéaste et chansonnier. Il pensait qu’il « vaut mieux ne pas trop chercher à savoir d’où vient l’inspiration, sinon on devient systématique ».

Toutefois, comme l’inspiration ressemble plus à un processus d’émergence inconscient qu’à une méthode systématique consciente de production d’idées, il semble intéressant de décrypter ce processus d’émergence de l’inspiration. S’il se révèle quasiment impossible de montrer le cheminement intellectuel qui conduit à l’apparition d’une inspiration heureuse, il semble tout à fait possible d’identifier et de cultiver l’état d’esprit qui sous-tend l’aptitude à l’inspiration.

Michel Bourguignon, chercheur au service de médecine nucléaire de la faculté d’Orsay, pointe que les états d’inspiration et de créativité, mais aussi du bonheur, seraient induits par une synchronisation neuronale : tout se passe comme si, soudain, les neurones se synchronisaient dans la transmission en pulsant à la même fréquence pour provoquer un « déclic créatif », qui sous-tend la capacité de notre esprit à reconnaître des formes très rapidement. Charles Limb, chercheur américain de l’université de San Francisco et musicien amateur, a étudié le cerveau de douze pianistes de jazz cherchant l’inspiration de leur improvisation dans des photos de visages exprimant une émotion, cela grâce à l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle.

Il a mis en évidence que le cerveau n’est pas binaire, avec un mode « créatif » et un mode « non créatif », mais fonctionne avec un degré plus ou moins grand de créativité en fonction des situations. Les chercheurs ont alors constaté qu’une région du cerveau, le cortex dorso-latéral, se mettait « en veille » lors de l’expérience. Cette zone est notamment impliquée dans la planification et le contrôle du comportement. Cela signifie, concrètement, qu’inspiration rime avec lâcher-prise : il s’agit d’accepter de ne pas maîtriser consciemment le cheminement de la réflexion sur le sujet pour laisser son esprit vagabonder autour de la question et du problème, sans jugement ni limite, et faire confiance à son intuition pour qu’émergent des idées.

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Illustrations : Amélie Barnathan

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