14 avril 2013

Temps de lecture : 3 min

Le « pay what you want » : la méritocratie gagne la consommation

Payer librement un produit après l’avoir consommé et non avant, pour en récompenser ou punir la qualité ? Avec le « pay what you want », le consommateur détermine lui-même le prix, comme récemment en Espagne après un concert de rock. Simple phénomène de mode passager ou réelle alternative d’engagement ?

Malgré un modèle économique apocryphe, le « pay what you want » continue de séduire, sans non plus déchaîner les passions. Les expériences sont encore trop isolées pour leur accoler le sceau de la tendance, mais déjà assez développées pour ne plus être perçues comme un effet de manche marketing expérimental. Alternative originale d’engagement avec le consommateur, ce nouveau modèle de transaction a déjà été essayé en Amérique du Nord et en Grande-Bretagne par la restauration, l’hôtellerie, le jeu vidéo, les voyages et très récemment l’édition (et INfluencia s’en est fait maintes fois l’écho). Mais depuis 2007 et l’initiative avant-gardiste du groupe britannique Radiohead, pour son album évènement « In Rainbows », c’est dans surtout dans l’industrie de la musique que le « pay what you want » s’enracine. Le 4 avril dernier, un show de quatre groupes espagnols l’a carrément exporté aux performances scéniques live.

L’approche choisie par le promoteur Caravana de Emerxencia est aussi simple qu’appropriée : après avoir assisté sans billet payant préalable aux concerts de Skarallaos, Chotokoeu, Skarnivals et Swingdigentes, chaque spectateur était invité à donner ce qu’il voulait à chaque groupe (voir affiche officielle ci dessous). Si INfluencia n’a pas réussi à se faire communiquer la somme finale récoltée, les organisateurs ont reconnu que le concept constituait avant tout une réponse aux restrictions économiques imposées par la crise économique : pour les jeunes, catégorie d’âge la plus touchée, le divertissement devient un luxe.

Avec le prix des concerts en constante augmentation – en raison d’une poussée de la demande- les fans espagnols délaissent les salles. D’où la nécessité de leur proposer un autre système, fondé sur la rétribution de l’artiste au mérite : j’aime donc je paye. Subjective car basée sur l’appréciation personnelle du consommateur, la méthode permettrait d’éviter les arnaques et les grosses déceptions, comme par exemple la dernière tournée mondiale de Madonna ou les ultimes concerts de feu Whitney Houston. Cette frustration du spectateur flouée a d’ailleurs été avancée par Caravana de Emerxencia pour justifier son « pay what you want ».

« Ce modèle ne modifie aucun paradigme »

Le groupe nord-américain Lotus avait déjà montré l’exemple en réalisant une tournée continentale avec tarification libre, mais cette fois en amont. En partenariat avec Ticketweb, il proposait à ses fans de choisir eux-mêmes le prix du billet – compris entre 1 et 20 euros. Pour inciter à la générosité, le quintet de l’Indiana offrait des téléchargements gratuits à ceux qui dépassaient le seuil des 15 euros. Dans le même esprit que le concert du 4 avril dans la péninsule ibérique, le rappeur K-os a lui aussi laissé les spectateurs donner à leur guise, après le show.

Convaincu que la musique doit être diffusée librement afin de toucher un maximum de personnes partout dans le monde, le groupe québécois Misteur Valaire  – qui propose aussi aux amoureux de son œuvre de la remixer sans exploitation commerciale – a popularisé avec charisme le « pay what you want » au Canada. Offert au public en paiement libre, son dernier album « Golden Bomba » était classé au 3e rang des meilleures ventes au Québec, au 22e sur l’ensemble du pays.

S’il s’avère détenir de réels atouts d’engagement avec le consommateur, le modèle est-il viable et transposable à d’autres industries ? Pour Jim Larrison, expert en comportement du consommateur et en marketing social, la réponse est non. « Pour moi il n’est pas durable et reste de l’ordre du coup de pub ou du programme marketing, comme dans le cas de Radiohead. Non seulement ce modèle ne peut pas modifier le paradigme du paiement d’un bien ou d’un service par le consommateur, mais il ne peut fonctionner que dans trois scénarios : primo quand le degré de loyauté de l’acheteur est très élevé ; secundo quand des services nichés et customisés sont proposés au consommateur ; tertio quand l’échelle de tarification est assez grande pour lui apposer une valeur universelle et que le bien et service relève du luxe. »

Benjamin Adler / @BenjaminAdlerLA

Rubrique réalisée en partenariat avec Uniteam

Misteur  Valaire, un des amabassadeurs du  » pay what you want « 

Allez plus loin avec Influencia

the good newsletter

LES FORMATIONS INFLUENCIA

les abonnements Influencia